05/12/2025

« Ça crée un précédent grave pour l’avenir »

Le MoDem recycle un collab parlementaire passé par l’extrême droite, un « premier cas » à l’Assemblée

Par Daphné Deschamps

Avec la normalisation des partis d’extrême droite, les ponts entre ces derniers et la droite se multiplient à l’Assemblée. Dernier exemple en date : un assistant parlementaire a fait un transfert entre l’UDR d’Éric Ciotti et le MoDem.

Les collaborateurs parlementaires d’extrême droite se normalisent-ils aussi bien auprès du centre-droit que les idées de leurs partis ? Apparemment oui, au moins pour la députée MoDem Louise Morel, membre de la commission des affaires économiques de l’Assemblée. En septembre, l’élue du Bas-Rhin (67) a recruté comme collaborateur juridique un certain Simon Tharreau-Le Tourneux de la Perraudière. Un assistant qu’elle a dégoté chez un autre membre de la commission des affaires économiques, le ciottiste Alexandre Allegret-Pilot, député du Gard (30), connu pour ses positions outrancièrement racistes, sexistes et transphobes, mais aussi pour des soupçons d’escroquerie lorsqu’il travaillait au ministère de l’Économie en 2024 ainsi que des accusations de fraude lors de sa campagne aux législatives, la même année.

Simon Tharreau-Le Tourneux de la Perraudière a un CV de juriste bien rempli avec de nombreux stages, des postes de consultant ou encore de commercial, et plusieurs expériences au Palais-Bourbon. Il a fait deux stages entre 2021 et 2022, aux côtés du groupe parlementaire de centre-droit les Démocrates — affilié au MoDem — et auprès de la commission des finances, avant de passer huit mois avec une députée MoDem de la commission des affaires culturelles et de l’éducation.

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Puis, en septembre 2024 et durant sept mois, il fait un retour à l’Assemblée en collaborant avec Alexandre Allegret-Pilot. Aux côtés de ce néo-député d’extrême droite, Simon Tharreau-Le Tourneux de la Perraudière préparait ses interventions en séance, écrivait ses amendements et ses (rares) propositions de loi. Lors de cette rentrée, ce dernier rejoint l’équipe de la députée du Bas-Rhin Louise Morel, rattachée à la majorité présidentielle, pour y remplir les mêmes fonctions.

Clap de fin de ses propositions de loi

« C’est le premier cas d’aller-retour entre la droite et l’extrême droite, et ça crée un précédent grave pour l’avenir », explique la secrétaire de la CGT pour les collaborateurs parlementaires, Manon Amirshahi, qui travaille pour une députée écologiste. « La position de notre syndicat, c’est que c’est avant tout un emploi pour des profils “techniques” comme le sien, mais avec un fort sens politique qui reste indéniable. » Elle ajoute :

« Travailler pour l’extrême droite, c’est mettre sa technicité au service d’un projet fasciste. »

Ce sens politique se ressent dans les quelques propositions de loi que Simon Tharreau-Le Tourneux de la Perraudière aurait contribué à rédiger pour son employeur d’extrême droite : durcissement de la loi de 2004 sur la laïcité, reconnaissance des harkis… Des sujets qui n’ont guère de rapport avec la commission aux affaires économiques. Depuis le départ de ce collaborateur au profil « technique », Alexandre Allegret-Pilot n’a d’ailleurs pas déposé d’autres propositions de loi. Contacté pour connaître les raisons du départ de son ex-assistant, l’élu ciottiste, connu pour sa méthode trumpiste, a répondu ironiquement :

« Je l’ai envoyé chez Louise Morel pour espionner le MoDem. »

Tant pis pour le « cordon sanitaire »

De son côté, Simon Tharreau-Le Tourneux de la Perraudière n’a pas donné suite à nos sollicitations. Sa députée Louise Morel nous a indiqué que « ces faits n’appellent aucun commentaire de [sa] part ». Pour autant, l’excursion à l’extrême droite de l’attaché parlementaire ne semble pas inquiéter au sein du MoDem. « Mon collaborateur exerce des missions strictement techniques », a fait savoir Louise Morel, qui évoque « un parcours transparent ». Elle argue également de son affrontement avec « le Rassemblement national à deux reprises dans les urnes » et dit avoir « vérifié les conditions de ce bref passage dans une équipe UDR, qui s’est limité à un travail technique » :

« Les explications fournies ne soulèvent aucune ambiguïté. »

Au diable donc le « cordon sanitaire » et le « barrage républicain » grâce auxquels Louise Morel, arrivée derrière le candidat du Rassemblement national au premier tour des législatives de 2024, a pourtant été élue.