26/11/2010

Compte-rendu minute par minute du procès des policiers accusés de "violences aggravées" à l'encontre d'Abdoulaye Fofana

Bavure de Montfermeil: malaises et couacs techniques plombent l'audience

Par Vanessa Vertus

Flics en civils vs proches de la victime ... Dans la 14e chambre du tribunal de Bobigny, la tension est à son comble pour ce procès qui dépasse le cas du simple fait divers. StreetPress y était.

14H44: Ouverture du procès dans un climat tendu. La juge appelle les trois policiers mis en cause : David Lagraulet, Jean-Patrick Pinson et Cedric Cheville s’avancent.

14H46: Rappel des faits. Mr Abdoulaye Fofana aurait jeté des pierres sur le véhicule de police de M. Pinson. Discussion autour de la manière dont les évènements se sont passés.

14H55: L’assistance visionne une scène filmée où l’on voit les forces de l’ordre frapper M. Fofana. Mais l’audience est interrompue car la vidéo se met à bugger.

15H30: L’audience reprend avec le visionnage de la vidéo. Re-bug technique. La vidéo est arrêtée.

15H34: La juge rapporteur propose de continuer sans avoir visionné le film. Elle liste les blessures de la victime: oedème à la joue et à l’oeil. Le policier Lagraulet est invité à répondre de ses actes.

15H42: Visiblement très tendu, il répond d’une petite voix « J’essayais de le maîtriser ». La juge lui rappelle qu’il était menotté et tenu par M. Cheville. Il répond « sur le coup, je n’ai pas trouvé d’autres solutions, c’était pour arriver à le calmer, on ne voulait pas se faire prendre à parti, on voulait sortir vite avec l’interpellé ».

15H50: M. Pinson est appelé pour évoquer le fameux coup de botte donné à la victime : « J’ai senti que M. Fofana nous empêcherai de descendre.J’ai senti qu’il allait me mettre un coup de pied. D’où le geste. Mon acte est un acte de défense, ce n’est pas de la violence gratuite » explique-t-il. La juge demande alors aux prévenus pourquoi ne pas avoir mentionné ces coups lors du procès-verbal.


Maître Yassine Bouzrou, avocat d’Abdoulaye Fofana

15H56: M. Lagraulet et M. Pinson affirment simplement les avoir « oubliés ». Lagraulet renchérit : « Tout ce que je voulais, c’était rentrer chez moi. J’avais un petit de 3 mois qui m’attendait ».

16H07: Enfin, M. Fofana est appelé à la barre pour livrer sa version. Il explique qu’il était chez lui à regarder un match de foot à la télévision. Quand la France marque, il entend sa famille crier de joie dans le salon. Mais là tout bascule. « J’ai entendu un grand bruit, il y avait des policiers, ils nous ont demandé notre nom de famille. J’ai demandé pourquoi ils avaient défoncé notre porte. Le plus petit (« M. Lagraulet » l’interrompt la juge) m’a attrapé. Toute la famille criait, surtout ma mère. »

16H10: La magistrate cite une audition de M. Fofana où celui-ci ne met pas directement en cause les policiers. La victime répond: « Un policier au commissariat m’a demandé d’arrondir les angles pour pouvoir continuer à exercer mes fonctions d’animateur. Il m’a dit: “tu n’a aucune chance de gagner contre des policiers. À ce moment, je n’avais pas encore appris qu’il y avait une vidéo qui tournait ».

16H28: On essaie une nouvelle fois de visionner le film. Elle fonctionne enfin. Silence de mort dans la salle.

16H35: On voit alors des policiers pénétrer dans le hall de l’immeuble d’Abdoulaye Fofana. On entend des cris, et on voit les forces frapper la victime. Quelques personnes dans la salle d’audience expriment leur indignation. Un policier en civil lance un « C’est bon » d’un air exaspéré.

« Je suis venue soutenir la famille. Abdoulaye est l’élève le plus doux et le plus gentil que j’ai jamais eu, un garçon calme, sans histoire » La professeur de lycée d’Abdoulaye

« Le procureur est là pour porter l’accusation. Il ne l’a pas fait, il a été ridicule » Me Yassine Bouzrou, avocat d’Abdoulaye

16H45: L’oncle maternel d’Abdoulaye Fofana se lève, il se met à crier «c’est la honte, maintenant c’est la guerre !». Il sort de la salle accompagné par d’autres proches. La mère de la victime suffoque.

16H47: Suspension d’audience. La salle se vide.

16H45: L’oncle maternel d’Abdoulaye Fofana se lève, il se met à crier « c’est la honte, maintenant c’est la guerre ». Il sort de la salle accompagné par d’autres proches. La mère de la victime suffoque.

16H47: Suspension d’audience. La salle se vide.

16H56: On entend des cris au dehors. L’oncle de M Fofana ne peut contenir sa colère. Hors de lui, il n’est pas loin d’en venir aux mains, mais ses proches l’en empêchent.

17H07: Alors que quelques personnes regagnent la salle, l’oncle de la victime fait un malaise et tombe au sol. On appelle les pompiers.

17H14: L’audience reprend, les rangs sont clairsemés.

17H17: La juge demande le visionnage de la vidéo. On y entend une femme dire « Abdoulaye a juste dit, c’est mal de casser la porte, c’est tout », « Abdoulaye ne fait jamais de bêtises ».

17H21: Fin du film, les débats reprennent et la juge aborde la personnalité des prévenus.

17H33: Me Bouzrou, l’avocat d’Abdoulaye Fofana s’adresse à M. Lagraulet : « Vous dites ne jamais avoir quitté des yeux M. Fofana. Il y a 5 minutes entre la montée et la descente des escaliers, c’est long ». Lagraulet répond: « Je n’ai pas couru après un fantôme ».


Maître Daniel Merchat, avocat de David Lagraulet

18H04: Le procureur prend la parole : « Moi ce que j’ai vu (sur la video), c’est un policier que je serai bien incapable de reconnaître, assener des coups de matraque vers le bas, c’est tout ». Il requiert 6 à 8 mois de prison avec sursis pour Lagraulet et Pinson, et 3 mois de prison avec sursis pour Cedric Cheville. Il termine « laissons à la juridiction disciplinaire le soin de décider des suites de leurs carrières ».

18H41: Les différents avocats des prévenus se succèdent et plaident pour leurs clients. L’avocat de M. Lagraulet, Me Daniel Merchat explique que « Quand on veut interpeller Abdoulaye Fofana, qui fait 95kg pour 1m90, et qu’on s’appelle David Lagraulet, 1m70 pour 75 kg, il faut de la force ».

19H50: Le procès se termine. En guise de conclusion, Lagraulet ajoute: « Cela fait 2 ans que ça dure. J’ai conscience d’avoir commis une erreur, mais je suis rentré dans la police pour défendre les victimes ». Cheville prend la parole: « Je tiens à préciser que les coups portés sur la vidéo ont été portés dans mon dos ».

Le verdict est attendu le 6 janvier 2011, à 13h.

« Moi ce que j’ai vu […] c’est un policier […] assener des coups de matraque vers le bas, c’est tout » Le procureur

« Je suis fier d’avoir défendu Mr Lagrolais. C’est un homme intègre » Me Daniel Merchat, avocat de David Lagraulet