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    02/08/2013

    MCs, Slackness, Dubplates... Tout savoir sur les disco-mobiles made in Jamaïca

    Au Garance Reggae Festival, 8 règles pour apprécier un sound system

    Par Aurélia Blanc

    Des cambrousses jamaïcaines aux clubs de la banlieue de Londres, le sound systems reste la meilleure façon d'apprécier en live les différents styles de reggae. Mais au fait c'est quoi un sound system ?

    C’est un peu la grand-messe estivale des afficionados du genre. Pendant quatre jours, 60.000 festivaliers ont bravé poussière et chaleur pour se rendre au Garance Reggae Festival à Bagnols-sur-Cèze (Gard). À l’affiche? Des tôliers du reggae, quelques jeunes pousses et une douzaine de sound systems (Channel One, Jah Shaka, King Jammy’s, Killamanjaro…) auxquels une scène entière était dédiée, le « Dub corner ». « Le reggae, ça ne se passe pas seulement en Jamaïque : c’est aussi en Grande-Bretagne, rappelle à StreetPress Antoine Jamet, programmateur du festival. Côté sound systems, on a donc un parti pris de départ qui est de programmer essentiellement du dub anglais. Et il y a un public pour ça. »

    De loin, pas de surprise : des dreadlocks qui s’agitent, des drapeaux vert-jaune-rouge et une foule en train de se balancer devant des enceintes. Mais derrière les volutes de ganja (et les clichés), c’est un chouïa plus complexe. Vocabulaire, compétitions, mouvances : l’art du sound system possède ses règles et sa culture, que les plus fervents continuent de transmettre. Qu’on se le dise : le sound est une affaire sérieuse.

    Règle n°1 : « Les racines du sound tu connaitras »

    La ga-lè-re : voilà ce qui a vu naître les sound systems dans les arrière-cours jamaïcaines des années 50. « Ca faisait discothèque, radio locale, sound system… C’était un moyen populaire de diffuser de la musique.», explique à StreetPress le chanteur Tiwony, membre de Black Warrell Sound System. L’occasion, aussi, de jouer du reggae, alors boycotté par les radios. Tiwony continue : « Les grands producteurs de reggae ont d’abord été des sounds. Ils balançaient un son et selon la réaction du public, ils savaient s’ils feraient presser le disque ou pas. »

    Règle n°2 : « La route du sound tu suivras »

    Un sound system, à l’origine, c’est une sono mobile. « Mais aujourd’hui, tous n’ont pas leur propre matériel. Généralement, on annonce “Sound System” si on joue sur notre sono, et uniquement notre nom si on joue sur celle de quelqu’un d’autre », nuance Ras Klem, de Roots Meditation. Bref, avec ou sans matos, l’idée est de jouer un peu partout, à l’arrière d’un camion comme en pleine rue.

    Règle n°3 : « Ton MC tu écouteras »

    Un sound, c’est un travail de fond et (souvent) d’équipe. Le selecta choisit les disques, l’operator les passe en y ajoutant éventuellement des effets, et le MC anime la soirée, traditionnellement rejoint par un deejay (qui pose sur des versions instrumentales). Tiwony insiste : « Il ne suffit pas d’enchaîner les sons comme dans n’importe quelle soirée reggae. Il y a une vraie dimension éducative. Un bon sound sait faire voyager les gens à travers les époques, expliquer les morceaux, parler de l’artiste, du thème ou de la production… C’est important que les gens sachent sur quoi ils dansent ! »

    Très clairement, on n’est pas des babas cool. On est plutôt des soldats


    Clip Tiwony – Prié Jah

    Règle n°4 : « Différentes écoles tu distingueras »

    Débarquée en Angleterre via les immigrés jamaïcains, la culture des sound absorbera rapidement les influences locales. Résultat, fin des années 70, naît le mouvement « UK », marqué par le dub et des basses surpuissantes. « En Jamaïque, le sound system c’est un peu le bal populaire. La musique y est assez américanisée, et on y joue pas mal de dancehall. Les sounds “UK” sont plus underground, on n’y passe pas les mêmes sons. Pour caricaturer, tu vas dans un sound dancehall pour draguer, et dans un sound “UK” pour danser de façon plus méditative, presque extatique », sourit JB de Dub Livity.

    Et en France ? « Il y a trois grands mouvements : le dancehall/nu-roots, le roots/dub, le dub-électro. La frontière entre dub et électro étant de plus en plus floue, ça crée un amalgame avec le milieu beatnik/teufeur. Mais très clairement, on n’est pas des babas cool. On est plutôt des soldats », tacle Ras Klem.

    Règle n°5 : « Ton esprit tu nourriras » (ou pas)

    « Dans notre branche [roots/dub], il y a un vrai travail par rapport au message à diffuser. Les règles sont assez strictes : on n’utilise qu’une seule platine, et on ne joue ni “lover” ni “slackness” (un dancehall aux paroles très sexuelles). Tous les morceaux ont un sens, un côté presque pieux. C’est la mouvance la plus respectueuse de la tradition Rastafari », explique Ras Klem. Une rigueur philosophique que l’on ne retrouve pas systématiquement dans les autres écoles.

    Règle n°6 : « Des raretés tu découvriras »

    Véritable tremplin pour les chanteurs-ses, le sound est aussi un milieu de passionnés, où l’on aime collectionner, créer des rencontres improbables, revisiter des morceaux… Bref, créer la surprise. Meilleur exemple ? Les dubplates (ou specials) : pour être le plus original, on demande à un artiste de ré-enregistrer un titre en le modifiant, souvent à la gloire du sound system.

    En Jamaïque, le sound system c’est un peu le bal populaire

    Ils balançaient un son et selon la réaction du public, ils savaient s’ils feraient presser le disque ou pas

    Règle n°7 : « Le meilleur sound tu plébisciteras »

    « Dans le mouvement “UK”, on parle de “Meeting”, l’objectif étant d’avoir la plus grosse sono et la meilleure sélection. Dans la mouvance jamaïcaine, on va parler de “Clash”, détaille Jeh, de Roots Attack. Un clash, c’est une rencontre entre plusieurs sounds, autour de règles qui peuvent changer d’une compétition à l’autre. « Par exemple, on ne pourra pas faire de “playback”, c’est-à-dire rejouer le même dubplate que le sound d’avant. Au “dub fi dub”, il faut jouer au bon moment un titre que personne n’aura pensé à enregistrer, en l’introduisant avec un argument percutant, explique TiBen, de Calaloo. Plus qu’une compétition, c’est un effort d’originalité. Il faut être au top ». Et à l’arrivée, c’est le public qui tranche, of course.

    Règle n°8 : « La danse tu mèneras »

    Ici, ce sont les massive (la foule) qui mènent le jeu, à coup de cornes de brume, de sifflets et de cris. Le titre qui passe te rend dingue ? Suffit de crier « Pull up » (« arrête »), et le selecta remets ça. « C’est une ambiance unique, estime Tiwony. Les “pull up”, le MC qui vient et te prends le micro, les gens qui tapent sur les murs, les portes… C’est juste une joie explosive, une énergie super forte ». Alors… ready fi di dance ?

    bqhidden. Dans notre branche [roots/dub], il y a un vrai travail par rapport au message à diffuser

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