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    01/12/2011

    Quand Hawaï rencontre le Mississippi

    Bob Brozman: « Je suis le pire joueur de guitare électrique au monde, sérieusement ! »

    Par Thibault Robert

    Sur StreetPress le bluesman Bob Brozman la joue modeste: Il déclare «ne pas être un bon songwriter» ni même un bon guitariste électrique. Le problème c'est que le magazine Guitar Player l'a sacré «meilleur guitariste au monde en 2010».

    Pourquoi cet attrait pour les musiques insulaires?

    Les îles ont été des laboratoires pour la musique. Partout où il y a eu des îles colonisées par les Européens, de nouvelles idées sont arrivées sans pour autant être bien comprises des autochtones. Ca a été la même chose pour les instruments. Les locaux les ont utilisés de manière différente car ils n’en connaissaient pas les règles d’usage; et de cette nouvelle compréhension de la musique occidentale sont sorties des choses très intéressantes. Moi dans tout ça, je suis une sorte d’anthropologue qui interroge sa guitare sur ce que pouvait être la musique des îles avant la colonisation.

    Votre passion pour les vieilles voitures américaines fait elle écho à votre besoin de voyager ou est-elle tout simplement due à une recherche esthétique particulière?

    L’idée de voyage est plutôt liée à ma musique. Mon amour pour les vieilles voitures, c’est plus une nostalgie de la belle époque des États-Unis car aujourd’hui, mon pays est un empire en déclin. Je les vois donc comme des objets d’art.

    Du blues à la sauce world music

    C’est en raison de cette même nostalgie que vous jouez beaucoup avec des National Steel (célèbre marque de guitare, ndlr)?

    C’est vrai que lorsque j’ai débuté ma carrière, j’adorais jouer de la musique des années 1920 et 1930. Après, quand j’ai commencé à voyager, je me suis mis à m’intéresser aux musiques qui m’entouraient. La musique traditionnelle est une bonne école pour apprendre à jouer, mais à partir d’un moment tu dois franchir le cap de l’apprentissage et commencer à t’exprimer par toi-même. J’avais donc absorbé beaucoup de choses que je me devais d’évacuer, un peu à la manière des musiciens des îles.

    Et qu’est-ce que vous appréciez particulièrement dans cette guitare?

    Sa dynamique sonore est beaucoup plus large que celle des autres guitares. Avec une électrique, peu importe comment tu joues, tu seras toujours limité par ton ampli. Alors qu’avec une National Steel, il te suffit d’un micro et tu peux jouer aussi fort que tu veux. Évidemment tu dois bien connaître l’acoustique de la salle dans laquelle tu joues, mais après tu peux vraiment évoluer comme tu souhaites. Moi j’aime transformer le son de ma guitare en la déplaçant dans l’espace. Avec une guitare électrique, je n’arrive jamais à modeler le son comme je veux. Je suis le pire joueur de guitare électrique au monde, sérieusement! J’aime aussi la National Steel car elle me permet de jouer instinctivement, comme si les parts les plus animales de mon cerveau prenaient le pas sur mon intellect.


    Brozman avant son concert à Bordeaux en novembre

    Je suis une sorte d’anthropologue qui interroge sa guitare sur ce que pouvait être la musique des îles avant la colonisation

    Et le chant lorsque vous êtes sur scène alors?

    Pendant un concert, je ne réfléchis pas à tout cela car la musique contient trop d’informations pour être pensée intellectuellement. Être comme un animal sur scène est pour moi le meilleur moyen de délivrer cette masse de données en temps réel. Et puis je ne pense pas être un bon songwriter. J’ai des paroles très simples et très évocatrices, dans la lignée d’un Charley Patton ou d’un Bukka White. Beaucoup de personnes racontent des choses qu’elles ne connaissent pas dans leur blues, comme la violence ou la misère. Je conçois que ce soit pour exprimer une certaine souffrance mais je ne sais pas faire cela, alors je chante des choses qui me ressemblent plus. Socialement parlant, je trouve que c’est un peu maladroit de se livrer de la sorte mais, sur scène, un homme a le droit de pleurer dans son chant.

    Vous écrivez un peu comme Ernest Hemingway en quelque sorte.

    Oui, on peut voir ça comme ça !

    bqhidden. Beaucoup de personnes racontent des choses qu’elles ne connaissent pas dans leur blues, comme la violence ou la misère

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