Il a affronté Michael Jordan, a été le premier Français à jouer pour une franchise NBA puis a failli tout perdre à cause d’un accident de la route qui l’a laissé amnésique. Hervé Dubuisson, 59 ans, est une légende du basket français. En attendant le biopic, Nicolas Venancio, co-fondateur du magazine de rap Gasface, lui consacre un documentaire. On les retrouve tous les deux dans une brasserie parisienne, sous l’œil rigolard de Jacques Monclar, ex-international et commentateur pour Bein Sport. Sortie prévue en janvier 2017.
Comment est née l’idée du documentaire ?
Nicolas Venancio : J’avais le projet de faire un documentaire pop sur le basket. L’histoire d’Hervé m’intéressait beaucoup, surtout son été 84. Cette année-là, il participe aux JO et dans la foulée, il devient le premier Français à jouer pour une équipe NBA. 1984 c’est un peu le début du basket tel qu’on le connait avec Nike qui arrive en NBA, David Stern qui devient commissioner, Jordan qui est drafté, le sport globalisé… Et que Hervé, un Français, soit un des symboles de cette transition, je trouvais ça génial. Les Français ont inventé le Minitel avant Internet, Hervé c’était Stephen Curry avant l’heure !
Hervé Dubuisson : Pour moi, ce documentaire est une chance incroyable. J’ai eu un grave accident en 2001 qui m’a rendu amnésique (il se fait renverser par une voiture et passe plusieurs mois dans le coma, ndlr). J’ai oublié mon passé. J’ai perdu tous mes souvenirs des 7 années précédant l’accident. Quant aux années 1980, tout restait un peu vague… Mon psy, avec qui je travaillais par l’hypnose, me conseillait d’écrire sur ma vie. Qu’on consacre un film à mon passé était une occasion géniale. C’est pour ça que j’ai accepté.
Le blanc qui saute au-dessus des buildings / Crédits : ed.Amaury/Presse sports
Vous êtes le premier Français à avoir joué pour une équipe NBA. Comment passe-t-on du Stade Français aux New Jersey Nets au début des années 1980 ?
H.D : Avant de partir à Los Angeles pour les JO de 1984, j’ai participé à un match qui opposait une sélection de jeunes américains à un sélection de jeunes du monde entier. J’avais mis 38 points. Monsieur Herb Turetzky, le coach de l’équipe américaine, m’a signalé aux New Jersey Nets où il travaillait le reste de l’année. C’est de là que tout est parti. Ils m’ont invité à participer à un tournoi d’été à Princeton entre 5 équipes NBA. Les meilleurs joueurs pouvaient gagner un contrat pour la saison suivante.
N.V : Pour l’anecdote, au match entre la sélection de jeunes américains et le reste du monde, le joueur qui défendait sur Hervé s’appelait Craig Robinson. C’est le frère de Michelle Robinson, qui est devenue Michelle Obama aujourd’hui ! En fait Hervé a mis 38 points dans la tête du beau-frère à Barack !
H.D : Le monde est petit !
Quel souvenir vous a laissé votre passage aux Nets ?
H.D : Ça a été très dur. Faut vous imaginez que tous les joueurs qui étaient à ce camp d’été étaient des universitaires qui n’avaient pas été draftés très haut. Pour eux, c’était la dernière chance d’intégrer la franchise. Alors quand ils ont vu des étrangers arriver, je peux vous dire que nous n’étions pas les bienvenus ! On se faisait massacrer ! Avec moi, il y avait Oscar Schmidt (superstar du basket brésilien, ndlr) et le Nigérian Yombi. Les Nets voulaient me donner un contrat avec option, à signer éventuellement quand la saison commencerait en octobre. A l’époque, j’étais sous contrat avec le Stade Français qui acceptait de me laisser partir seulement si j’obtenais un contrat garanti afin de toucher des indemnités de transfert. Alors je suis rentré en France.
N.V : Pour le documentaire, j’ai retrouvé les acteurs de cette époque. Il y a le fameux Herb Turetzky qui a tenu la table de marque des Nets pendant 50 ans ! Il y a aussi Yomi, le fameux nigérian, qui fera venir plus tard Hakeem Olajuwon aux USA. Et puis Steve Mills, le GM des Knicks, un afro-américain qui a été universitaire à Princeton quand Hervé a fait son camp d’été.
H.D : C’était aussi l’université de Brook Shields ! Mais elle n’était pas là !
Swag / Crédits : ed.Amaury/Presse sports
D’où vient votre surnom, Le blanc qui saute au-dessus des buildings ?
H.D : D’un article de l’Equipe magazine. Un de leurs journalistes m’a suivi durant tout le camp d’été à Princeton. C’est lui qui a trouvé ça.
N.V : « The white man who jump above the building. », c’est resté parce que les blancs de NBA n’avaient pas trop de détente à l’époque. Et Hervé était un sacré dunker.
Le même été, vous jouez aux JO contre les USA de Michael Jordan, Patrick Ewing et Chris Mullin. Vous perdez de 60 points. Ça reste un bon souvenir malgré tout ? 60 points, ça fait quand même beaucoup…
H.D : Un bon souvenir d’avoir joué. Un mauvais par rapport à l’ambiance globale de l’équipe. Pour le match contre les Etats-Unis, plusieurs de nos joueurs avaient été suspendus car ils avaient loué un van pour faire une virée au Mexique…
… Jacques Monclar intervient : C’était l’appartement des branleurs ! Celui des frères Beugnot ! J’aurai dû en être mais j’ai raté le van. Ce jour-là, j’étais à Universal Studio avec Stéphane Ostrovski !
H.D : Voyez, on découvrait Los Angeles et on se comportait en touristes plus qu’en sportifs…
Quand on lit vos interviews, on a l’impression que le joueur qui vous a le plus marqué est le Croate Drazen Petrovic. Plus que Michael Jordan par exemple que vous avez affronté aux JO.
H.D : Jordan m’a bien sûr marqué mais après coup. Petrovic, c’était la grande classe. Non seulement, il marquait des points mais en plus il faisait briller ses coéquipiers. L’autre qui m’a marqué, c’est Charles Barkey. Il faisait 1m98 et jouait pivot à l’époque. On l’avait affronté en amical avec l’équipe de France contre son université d’Auburn. Il nous a détruit à lui tout seul. Déjà d’entrée, il charriait et en plus il mettait des coups.
Le premier français à jouer en NBA / Crédits : ed.Amaury/Presse sports
Comment la génération des Parker, Diaw, Batum perçoit Hervé ?
N.V : Je suis allé les voir en stage à l’INSEP pour le documentaire et ils ont tous des anecdotes sur Hervé. Joffrey Lauvergne par exemple, son père avait joué avec lui.
H.D : J’ai aussi joué avec le père de Rudy Gobert. Quant à Batum, nous nous connaissons bien. Après le décès de son père sur les parquets, sa mère et lui se sont beaucoup rapprochés de la famille Boldoduc, qui était ma famille d’accueil quand je suis arrivé au club de Denain en 72 à l’âge de 14 ans. C’est pour ça que Nicolas Batum a accepté de préfacer mon livre.
Depuis votre accident, vous n’arrivez plus à contrôler vos émotions. Comment pensez-vous que vous allez réagir au premier visionnage du film ?
H.D : J’ai été touché sur la tête. J’ai fait un hématome sous-dural. On ne pouvait pas m’opérer du cerveau alors ils l’ont résorbé pendant 5 ans à la cortisone. Je suis monté à 135 kilos. C’est parti mais par contre j’ai du mal à gérer mes émotions. Quand je suis content, j’ai tout de suite la chair de poule, quand je suis triste je pleure. C’est mon cœur qui parle. Pendant le film, ça c’est sûr que je vais avoir la chair de poule. Quand je vois tout ce monde qu’ils ont fait parlé c’est magnifique. C’est trop émouvant. Regardez, là j’ai déjà la chair de poule… c’est l’émotion ça !
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