En ce moment

    31/05/2017

    « Bien sûr que c’est un péché. La Bible le dit. »

    Olivier Serva, ce candidat En Marche ! pour qui l’homosexualité est une « abomination »

    Par Tomas Statius

    Dans la première circonscription de Guadeloupe, En Marche ! a investi un candidat qui juge le Mariage pour tous « intolérable » et qualifie l’homosexualité « [d’]abomination ».

    Il y a eu comme une erreur de casting parmi les candidats investis par la République En Marche ! en Guadeloupe. Pour la 1ère circonscription de l’île, c’est Olivier Serva qui porte les couleurs de la majorité présidentielle. Expert-comptable, responsable associatif, l’homme est depuis 2014 le vice-président du conseil régional dirigé par Harry Chalus, l’un des porte-paroles d’Emmanuel Macron pour la campagne présidentielle… Sur le papier, un candidat idéal.

    Sauf que StreetPress a déniché une archive vidéo de derrière les fagots. Lors d’un débat télévisé le 24 octobre 2012, sur le plateau de la Première, chaîne de télé locale, Olivier Serva a qualifié face caméra l’homosexualité « d’abomination » et le mariage entre personnes de même sexe de « péché ». Vous avez dit casserole ?

    « Bien sûr que c’est un péché »

    L’ambiance est électrique ce 24 octobre 2012 sur le plateau de l’émission Buzz Première. Pour débattre de la loi sur le Mariage pour tous, la prod a pensé à deux francs-tireurs qui n’ont pas la langue dans leurs poches. D’un côté David Auerbach Chiffrin, porte-parole de Total Respect, une association de lutte contre l’homophobie. De l’autre Olivier Serva, Président du mouvement politique local Eko Zabym.

    Entre les deux protagonistes, le ton monte rapidement. Dès sa première prise de parole, Oliver Serva, farouchement opposé au mariage homosexuel, balance un pavé dans la mare :

    « Être tolérant, ce n’est pas accepter l’intolérable. Pour le chrétien que je suis, quand je lis la Bible, il est écrit qu’un homme qui couche avec un homme ou une femme avec une femme, c’est une abomination. »

    Trois minutes plus tard, le futur candidat de la République En Marche ! en remet une couche. Il s’exclame :

    « Bien sûr que c’est un péché [le mariage homosexuel]. La Bible le dit. »

    Mais Olivier Serva ne s’arrête pas en si bon chemin. Tout au long des 25 minutes de débat que StreetPress a pu visionner, l’homme enchaîne les propos limites… « L’homosexualité est un choix, une préférence sexuelle qui est de l’ordre privé », déclare-t-il. Selon lui « la société guadeloupéenne n’est pas prête » pour le Mariage pour tous :

    « Dans 1.000 ans, 2.000 ans peut être. »

    Enfin, le jeune responsable politique déclare qu’il est impensable pour lui de se laisser imposer une loi « en catimini par quelques lobbys qui influencent les députés ». Des propos bien loin de la « bienveillance » qu’entend incarner le Président Macron…

    « Pas au courant »

    Du côté de l’équipe du candidat, on est gênés aux entournures. Contactée par StreetPress, la conseillère presse d’Olivier Serva se propose de lui faire passer des questions par mail (ce que nous avons fait : maintient-il ses propos ? Les juge-t-il compatibles avec la ligne de la République En Marche ! ?)… Car cette dernière refuse catégoriquement de nous mettre en contact direct avec le candidat :

    (img) Affiche de campagne 18557348_1329326907115271_4212679663755335214_n.jpg

    « On est chez En Marche !, ce n’est pas comme cela que ça se passe. On a la consigne de ne pas mettre les candidats directement en contact avec les journalistes. »

    Olivier Serva ne répondra jamais à notre message. Et après ce premier coup de fil, sa conseillère presse filtre nos multiples appels.

    Ambiance… Du côté du siège du nouveau parti politique, ce n’est pas mieux. Tout au plus, le service presse confie « ne pas être du tout au courant » des propos de Monsieur Serva. Ce mercredi 31 mai, l’équipe de la République En Marche ! nous annonce finalement que le parti devrait répondre, sous peu, « de manière globale ». Et de nous confier qu’ Olivier Serva n’est « pas le seul » candidat à avoir tenu des propos homophobes !

    La galère des homos de Guadeloupe

    Pour David Auerbach Chiffrin, son contradicteur dans le débat télévisé, la situation des homosexuels en Guadeloupe est plus que préoccupante. « Au quotidien, on se cache », raconte l’homme qui est originaire de Martinique et vit désormais à Paris :

    « A l’époque, il y avait des lieux de rencontres pour les homos, comme la place Saint-John-Perse à Pointe-à-Pitre. On y allait à ses risques et périls. Les gens venaient parfois pour casser du pédé. »

    Pour Didier, militant LGBT qui représente l’association Total Respect en Guadeloupe, le poids de la famille et de la religion incite les homosexuels à rester dans l’ombre. « Ce qu’il faut comprendre, c’est que la Guadeloupe, c’est un village. Tout le monde se connaît. L’homosexualité est très mal vue », détaille l’homme de 63 ans fraîchement installé à l’année dans l’île :

    « Makoumé [insulte créole visant les homosexuels], c’est l’insulte suprême. »

    Les deux hommes ne comprennent pas le choix d’En Marche ! d’investir Olivier Serva. Et Didier de conclure :

    « Il y en a d’autres comme lui en Guadeloupe. Sur les 4 députés de l’île, seulement 1 a voté en faveur de la loi sur le Mariage pour tous. »

    Edit du 31/05/2017 à 17h24 : Olivier Serva s’est expliqué sur le site de Franceinfo :

    « Je n’ai jamais été homophobe, j’ai beaucoup d’amis homosexuels. Je respecte le choix de chacun. »

    Selon lui, ses propos ont été sortis de leur contexte :

    « Il y a cinq ans, nous étions en plein débat sur la loi pour le mariage pour tous. A l’époque, j’avais fait valoir mes convictions. La loi est passée, je respecte le mariage pour tous. »

    L’homme s’est également excusé auprès de ceux qui ont pu être choqués ou blessés par ses propos.

    Edit du 31/05/2017 à 17h39 : Selon un journaliste du Figaro, Olivier Serva pourrait conserver son investiture « s’il récuse ces propos ».


    Le journalisme de qualité coûte cher. Nous avons besoin de vous.

    Nous pensons que l’information doit être accessible à chacun, quel que soient ses moyens. C’est pourquoi StreetPress est et restera gratuit. Mais produire une information de qualité prend du temps et coûte cher. StreetPress, c'est une équipe de 13 journalistes permanents, auxquels s'ajoute plusieurs dizaines de pigistes, photographes et illustrateurs.
    Soutenez StreetPress, faites un don à partir de 1 euro 💪🙏

    Je soutiens StreetPress  
    mode payements

    NE MANQUEZ RIEN DE STREETPRESS,
    ABONNEZ-VOUS À NOTRE NEWSLETTER