Des cernes marqués sous les yeux et des éraflures sur le visage, dont une très grosse sur la partie droite du front. Sur la story de son compte Instagram publiée dimanche 12 octobre, la performeuse Afrhoedite raconte comment la fête a mal tourné. C’est dans la nuit du 10 au 11 octobre, entre 2h et 3h du matin, que la Nantaise de 23 ans s’est faite agresser à la sortie de L’Entrepôt café, un bar dansant du centre-ville d’Angers (49). Dans cet établissement de nuit connu pour ses cours de salsa et ses soirées étudiantes se tient la soirée « Queer factory », un « drag show XXL ».
La femme trans est toutefois mise en garde. « On nous a prévenus de faire attention à des gens d’extrême droite. Il y avait eu des agressions dans la semaine », témoigne-t-elle à StreetPress. La performeuse, venue à la soirée comme spectatrice, n’est pas de nature à se laisser impressionner. « Il ne faut pas avoir de la peur et de la crainte. » D’autant que son expérience ne l’a jamais amenée à être confrontée à des déchaînements de violence. « À Nantes, je vais régulièrement à des soirées. Ça ne m’est jamais arrivé, alors que je sors tous les week-ends. »
Ce soir-là, à Angers, la fête bat son plein. Pour l’after, alors qu’elle « allait rentrer », c’est une autre histoire. Dans sa tête, il manque des séquences au film de la soirée. « Je n’étais pas au top de la sobriété. J’ai vraiment de très vagues souvenirs, j’ai fait une sorte de black-out », confesse-t-elle. Mais elle revoit un groupe de jeunes qui fait le pied de grue près de leur voiture. « Trois gars attendaient là depuis un petit moment. Ils étaient habillés dans un style classique, 25 ans, dégradés, avec des barbes. C’est parti en insultes : ils ont lancé des “sale trans, sale PD”. » Le ton monte :
« Un homme s’interpose mais un des agresseurs me met un coup de poing au visage. Je riposte. C’est parti dans tous les sens. »
L’agression homophobe, évoquée par Libération, n’aurait pas été causée par des membres de l’extrême droite locale selon des témoins.
Afhroedite est elle, durement touchée. « Je prends un coup de pied et un coup de poing. Je tombe deux fois au sol. » D’où les blessures qui lui valent six points de suture.
La double peine
L’affaire n’en reste pas là. À sa grande surprise, Afhroedite est embarquée par les policiers. « Je faisais partie des gros protagonistes, ils m’ont emmené. Je ne comprends pas, je me suis fait agressée et je pars en garde à vue… » Avec deux policiers, ça se passe mal dès l’interpellation, raconte-t-elle. « La policière me dit dans la voiture que je ne suis pas une femme, qu’elle, est une vraie femme. » Les considérations déplacées se poursuivent selon elle le lendemain matin :
« Une amie, Amanda, a appelé pour prendre de mes nouvelles. Le policier lui a répondu : “II s’appelle Simon (1), c’est un homme, il a encore ses attributs”. »
Amanda Strass, celle qui a entendu ces propos, ne mâche pas ses mots sur Instagram. « Il est inacceptable que des représentants de la loi se permettent de bafouer nos droits, insulter nos identités et criminaliser nos existences. » Afhroedite ne met pas tous les fonctionnaires dans le même panier. « D’autres policiers ont fait l’effort. » Mais elle s’étonne de cette agression et de sa prise en charge par ceux qui doivent faire respecter la loi. « Ça donnait du Monsieur par-ci, Monsieur par-là. Je suis vraiment dans l’incompréhension. Encore aujourd’hui, en tant que personne queer, en France, en 2026, on sait que l’on vit dans un climat dangereux, avec la montée de l’extrême droite. On m’a traité comme une coupable. » Dans une de ses stories, elle va plus loin : « Tu es punie même quand tu te fais agresser quand tu as le malheur de te défendre. » Contacté, le service communication de la police nationale n’avait pas répondu à notre sollicitation à ce jour.
Afhroedite est convoquée devant le tribunal correctionnel d’Angers le 10 mars 2026, en qualité de victime de deux agresseurs de 19 et 20 ans, identifiés et déférés au parquet en fin de week-end. Mais également en qualité d’auteur pour des violences que le parquet a considéré en décalage avec l’agression, avec des coups portés à une personne qui n’a pas porté de coups. « Qu’une personne agressée se retrouve poursuivie parce qu’elle se défend, c’est très problématique », s’inquiète Stéphane Corbin, référent de Quazar, l’association locale LGBTQI+ locale.
(1) Le prénom d’Afhroedite a été modifié pour préserver son anonymat.
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