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    15/03/2012

    Interdit de sortir de Chine

    « Je voudrais être un fonctionnaire corrompu » : Ai Weiwei expose à Paris

    Par Sophie Ughetto

    Paris l'accueille pour la première fois, au Jeu de Paume: l'artiste chinois Ai Weiwei est absent physiquement mais c'est lui qui orchestre son expo au millimètre. N'en déplaise à la Chine qui ne lui a pas donné de bon de sortie.

    Malmené, frappé, enfermé, interdit : depuis des années, les autorités chinoises ne laissent rien passer à l’artiste Ai Weiwei. Au début, pourtant, tout avait bien commencé… ou presque !

    Après sa naissance à Pékin en 1957, Ai Weiwei grandit dans des provinces excentrées du pays où son père, un poète banni du régime (déjà !), avait été envoyé en exil avec sa famille. Ai Weiwei y passe 17 années de sa vie avant de partir étudier à New York. Là, révélation avec l’art de Marcel Duchamp. En particulier, son ready made.

    Il se photographie partout, de préférence nu

    Depuis, Ai Weiwei s’exerce à mêler art et réalité : il se photographie partout, des milliards de fois, de préférence nu, dans son quotidien le plus banal. Ses clichés sont les témoins de la mutation des villes, de l’évolution de la scène artistique ou des contradictions de la réalité. Impressionnant.

    Provocation 1993. Son père est souffrant et Ai Weiwei se rend à son chevet. Il y poursuit sa quête de retranscription du réel et son goût pour la provocation. Comme sur l’un de ses plus célèbres clichés : sa femme soulevant sa jupe sur la place Tian’anmen.

    Iconoclaste, Ai Weiwei s’exerce un temps au métier d’architecte aux côtés de grands noms. Notamment avec Herzog & de Meuron pour le “nid d’oiseau”, le stade olympique de Pékin. Mais ne croyez pas qu’Ai Weiwei se soit rangé pour autant. L’artiste boudera plus tard ces JO de Pékin, en prenant ses distances avec le projet.

    Militant En 2008, la conscience militante de l’artiste atteint son paroxysme avec le tremblement de terre du Sichuan. Ai Weiwei s’attire la colère du gouvernement lorsqu’il entreprend de compter combien d’enfants chinois sont morts dans ces écoles moins solides que du carton-pâte. Résultat : 5385 écoliers ont été victimes de la catastrophe (sur un total de 79 000 morts).

    Dire la vérité a comme souvent un prix. Les conséquences pour Ai Weiwei ? Un passage à tabac par les autorités chinoises, une hémorragie cérébrale et une intervention chirurgicale.

    BLOG INTERDIT L’année suivante, c’est son blog qui est interdit. Motif : il y publie des critiques du gouvernement. Voici un exemple de post, publié en juillet 2006, intitulé “Le peuple, la lune, Zidane et encore des fonctionnaires corrompus” :

    “Si j’étais fonctionnaire, un petit fonctionnaire ou un haut fonctionnaire… cette seule idée m’enthousiasme. Je le dis honnêtement, je voudrais uniquement être un fonctionnaire corrompu. Il est clair pour moi qu’être simplement fonctionnaire ne suffit pas, et qu’être un fonctionnaire honnête est un objectif impossible à atteindre, et inutile. Les fonctionnaires intègres se démènent pour répondre aux préoccupations quotidiennes du peuple ; leurs coeurs sont purs et ils ont « les mains propres ». Ils s’imposent à eux-mêmes de s’occuper de tout et de tout le monde sous le soleil, et ils sont toujours les derniers à profiter de la vie. C’est un sort plus terrible que les travaux forcés ; le seul fait d’en parler me fait frémir ; vivre une
    telle vie serait trop déprimant.

    Mais tout change si vous êtes corrompu. La vie du fonctionnaire corrompu réserve en effet de nombreux plaisirs. Considéré comme un égal par vos collègues fonctionnaires, vous êtes bien traité et vous participez à des réunions illustres avec des invités distingués ; vous avez un certain contrôle sur les choses et vous progressez dans votre carrière ; même vos animaux de compagnie partagent votre gloire. Le simple fait d’y penser me fait éprouver des sensations excitantes.”

    Twitto Il ne peut plus écrire sur un blog ? Tant pis, il utilisera Twitter. Mauvaise pioche pour le gouvernement chinois : ses tweets sont encore plus suivis que les posts de son blog. Ai Weiwei est désormais lu par les agences de presse et la twittosphère internationale. Il devient un artiste représentant de la liberté d’expression chinoise.

    StreetPress a crash testé

    Avec qui y aller ? Votre petit frère ou petite sœur turbulent(e) pour lui montrer qu’il n’a pas la palme de l’indiscipline, et qu’en vérité, elle peut mener très loin.

    Combien de temps prévoir ? Celui de faire la queue, très très longue, on vous aura prévenu ! Pour la visite, comptez un peu moins d’une heure. Pendant que vous êtes là, profitez-en pour aller voir l’expo photo de Bérénice Abbott.

    Qui vous y verrez ? Une cohorde de touristes, japonais en tête. Des couples de moins de 25 ans, le jean tombant et la dreadlock vaillante. Des photographes, appareil autour du cou. Peu de Chinois, de façon surprenante… ou pas !

    Infos pratiques

    Ai Weiwei, Entrelacs, au Jeu de Paume, 1, place de la Concorde, 75008 Paris, jusqu’au 29 avril.


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