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    20/07/2012

    Interview de Nick Prueher, cofondateur de ce festival diffusant des dizaines de VHS oubliées

    Found Footage Festival : «la stupidité est un langage universel»

    Par david-Julien Rahmil

    En 20 ans, Nick Prueher et Joe Pickett ont glané 5.000 VHS abandonnées, de l'anniv de mémé à la sextape oubliée. Après des années de collecte à travers le monde, les meilleurs extraits sont compilés dans un festival nostalgique et hilarant.

    En 1991, Nick Prueher est un étudiant qui bosse dans un McDo pour arrondir ses fins de mois. Alors qu’il ouvre un placard, il tombe sur une trentaine de VHS poussiéreuses. Dessus, des vidéos d’entraînement pour les employés comprennent « l’esprit McDo ». Des vidéos tellement stupides qu’il décide de les montrer à son ami Joe Pickett. Ensemble, ils décident de commencer à collectionner les VHS, quelles qu’elles soient. Bien des années plus tard, en 2004, ils créent le Found Footage Festival, une projection spectacle des pires extraits trouvés.

    De passage en France pendant leur tournée européenne, les deux lascars ont assuré deux séances successives dans les sous-sols caverneux de la Cantada II, en compagnie de l’équipe de Pas de pitié pour les navets et Panic Cinéma. On a donc profité de l’occasion pour discuter avec Nick Prueher sur sa passion pour les films d’entreprise et les vidéos amateurs craignos.

    Votre visite en France s’inscrit dans une tournée européenne, qu’est ce qui l’a motivée ? On passe beaucoup de temps à faire le tour des boutiques du style Armée du salut ou Emmaüs. Ces boutiques possèdent de moins en moins de cassettes vidéo parce que plus personne n’achète ces merdes. Les VHS finissent leur triste vie dans des bennes à ordure ou dans un incinérateur ce qui nous inquiète au plus haut point. On veut être sûr qu’elles ne sont pas parties pour toujours. Du coup, on a décidé de faire un tour pour trouver des vidéos encore inédites.

    Donc vous passez beaucoup de temps à voyager pour chercher ces vidéos. Comment vous décrivez votre job ? Mon travail me fait penser aux curateurs, ces mecs qui sont dans les musées et dont le job est de dénicher la perle rare. Mais ça pourrait être aussi archéologue. Bon c’est carrément moins glamour qu’Indiana Jones. Nous, on ne va pas dans des forêts tropicales pour trouver des reliques en or, on se tape juste des vide-greniers pourris et on déniche des vieilles VHS. Mais, notre point commun, c’est que quand les archéologues découvrent un vieux vase, ça leur donne des informations sur les anciennes civilisations qu’ils étudient. C’est la même chose pour nous. Ces cassettes nous renseignent beaucoup sur la culture américaine des années 80/90.

    Vous avez probablement vu les vidéos les plus stupides ou les plus ennuyeuses du monde. Qu’est-ce qu’elles vous ont appris sur l’Amérique de cette période ? La première chose que l’on peut dire, c’est que nous sommes une société d’obsédés de la vidéo. J’ai l’impression que l’on veut tout enregistrer, tout mettre sur bande peu importe si c’est intéressant ou super chiant. L’autre leçon que l’on peut en tirer, et je pense que c’est typiquement américain, c’est que les gens qui sont sur ces vidéos font preuve de beaucoup d’ambition mais possèdent très peu de talent. Si l’on combine ce fait avec la fureur des cassettes VHS de cette époque, ça nous donne un concentré de folie qui s’avère jouissif à regarder 20 ans plus tard.

    Depuis le début de votre collection, combien de cassettes avez-vous trouvé ? On a démarré notre collection en 1991 et aujourd’hui on pense être arrivés à plus de 5.000 cassettes. Pour stocker tout ça, on a deux box dans le Queen, là où je vis à New York, des centaines dans mon appartement et dans celui de Joe et aussi des box dans le Midwest. Ça s’éparpille sur au moins cinq endroits différents. On essaie de s’organiser pour que ça prenne le moins de place mais ça continue de s’empiler jusqu’au plafond.

    Une fois que vous trouvez une cassette vous en faites quoi ? On la regarde tous les deux bien sûr et, la plupart du temps, on s’ennuie car les contenus sont souvent inintéressants et mal foutus. Mais il arrive que l’on trouve des pépites géniales que l’on décide de garder pour le spectacle. Quoi qu’il en soit, on numérise tous les contenus que l’on trouve car le support VHS a une durée de vie assez courte, pas plus de 20 ans.

    Dans votre quête, quelle est la vidéo la plus folle que vous ayez jamais regardé ? On a un joueur de guitare qui s’appelle Steve Vai qui est assez connu aux Etats-Unis. Et un beau jour, une fan lui a envoyé une vidéo personnelle dans laquelle elle lui déclarait son amour. La vidéo est passée des mains de Steve Vai à celles de ses roadies qui l’ont copiée. Elle a circulé jusqu’à ce qu’on tombe dessus un jour. On voit donc cette femme qui regarde la caméra et qui dit : « je t’aime Steve et je vais te le prouver. » Ensuite, elle procède à plusieurs démonstrations sexuelles variées – elle a par exemple l’étonnante capacité d’éteindre des bougies avec des parties de son corps qui ne sont pas faites pour ça. Elle fait aussi des bruits avec divers orifices et plusieurs trucs fous comme ça. Je pense qu’il s’agit de la seule vidéo que nous n’avons jamais montré, pas parce qu’elle est trop choquante, mais parce qu’elle est plus dérangeante que drôle.

    Vous rencontrez les gens qui sont sur ces vidéos ? Oui, c’est l’une de nos particularités. Nous ne nous contentons pas de nous moquer, nous sommes aussi curieux de voir l’histoire qui se cache derrière ces cassettes. Du coup, on essaie aussi de retrouver un maximum de personnages. Heureusement jusqu’à présent, tous les gens que l’on a retrouvés ont aimé cette attention. Ça leur fait plaisir de savoir qu’un petit groupe de passionnés qui matte des VHS les considère comme des stars un peu cultes.

    Du coup, on inclut beaucoup d’anecdotes dans nos projections. Celle qui me tient le plus à cœur,c’est notre rencontre avec Jack Rebney, un mec qui avait fait une pub pour les mobile home Winnebago. Ce mec a la réputation d’être l’homme le plus en colère de la Terre. Dans sa vidéo, on le voit même engueuler une mouche. Quand on l’a trouvé, il était assez énervé de voir que l’on montrait sa vidéo un peu partout dans le monde. Du coup, on l’a invité à l’une de nos projections et il s’est rendu compte à quel point les gens l’aimaient. Il a changé d’un seul coup et nous a donné un énorme câlin à la fin du spectacle. C’est une sorte de consécration pour nous et un très bon souvenir. Quand le mec le plus en colère du monde te fait un câlin tu as l’impression d’avoir accompli un truc important.


    Un des logos du festival. Devinez lequel est Nick Prueher

    Les VHS finissent leur triste vie dans des bennes à ordure ou dans un incinérateur ce qui nous inquiète au plus haut point.

    la plupart du temps, on s’ennuie car les contenus sont souvent inintéressants et mal foutus.


    Le mec qui dit le plus “fuck” au monde

    Vous avez aussi trouvé le mec qui faisait la fameuse vidéo «rent a friend» (une vidéo où un mec fait semblant de vous parler pendant une heure) ? Oui, on l’a trouvé à Chicago et on lui a demandé comment il en est arrivé à faire ce truc. Il nous a dit qu’il était le réalisateur d’une société de production et que son boss lui avait demandé de venir avec un nouveau concept qui devait être le prochain gros truc en vidéo, une future mode. Du coup, il est arrivé avec cette idée bizarre de location d’ami. Le pire, c’est qu’il parle tout seul pendant une heure à la caméra et qu’au bout d’un moment il ne sait plus trop quoi dire et il se met donc à raconter des choses très personnelles sur sa vie. Visiblement la vidéo n’a pas été un grand succès. Ils ont fait un truc comme 200 copies et en ont vendu pas plus de 5 ou 6 je crois. C’est peut-être mieux comme ça quand on pense à quel point le concept de la location d’un ami vidéo est d’une tristesse affligeante…

    Vous pensez quoi de cet enthousiasme pour ces vieilles vidéos ou pour les nanars ? C’est assez surprenant car lorsque l’on a commencé, c’était uniquement pour faire marrer nos potes avec de l’humour au 4e degré. On est toujours surpris de voir autant de monde venir à nos projections. Mais je pense que ça arrive au bon moment. Les gens sont prêts à regarder en arrière et à se marrer en voyant des choses débiles des années 80 et 90 qui ont assez mal vieilli. Il y a suffisamment de distance pour rire de cette époque. Et peu importe que ces vidéos soient toutes américaines, la stupidité est un langage universel.

    Dernière question, est ce que la fameuse technique de drague par hypnose fonctionne bien ? Mmmh, j’ai testé sur ma femme est c’est pas mal !

    On est toujours surpris de voir autant de monde venir à nos projections.

    bqhidden. elle a par exemple l’étonnante capacité d’éteindre des bougies avec des parties de son corps qui ne sont pas faites pour ça.

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