La majorité de vos morceaux sont des remixes ou des featurings pourtant le son de Buraka a une identité propre sans être non plus du Kudoro: comment le définiriez-vous?
Rui: La plupart de nos morceaux restent quand même des sons originaux du groupe. Le Kudoro a été et continue d’avoir pour nous une influence très importante. Quant à la relation à la musique dance, c’est vrai qu’on mélange beaucoup de styles, genre house, techno, drum’n‘bass. En fait, on prend à tous les styles qu’on apprécie et qui se fondent bien avec notre musique. Ça donne une dynamique et un style propre et on ne s’est jamais posé la question de lui donner un nom … Je crois que c’est ça le style Buraka !
En parlant d’influences quels sont les groupes et les artistes que vous écoutez?
João: Ce ne sont pas tellement des groupes spécifiques. On a grandi avec la dance music. Le son qui venait de Londres surtout : drum’n‘bass, breakbeat, trip hop… Toute cette évolution de la musique électronique anglaise a clairement eu une influence importante sur nous, encore aujourd’hui. C’est ce qu’on utilise le plus pour produire les morceaux de Buraka.
Rui: C’était la meilleure réponse. Je concorde complétement.
Vous pourriez nous expliquez ce qu’est le Kudoro?
Rui: Je crois que du groupe, João et moi, sommes les personnes les moins qualifiées pour parler du Kuduro! On ne vient pas d’Angola et on a commencé à écouter du Kuduro sous une forme déjà remixée.
João: On a grandi en écoutant ce qui arrivait d’Angola dans les années 90 et au début, ça ne nous paraissait pas très intéressant. Mais petit à petit en découvrant d’autres sons, on s’est rendus compte que cette musique se fondait incroyablement bien à tout notre background musical et à tout ce qu’on avait pu faire jusque là. On s’est donc lancé dans la création d’un projet à partir de cette idée parce qu’on a vu que quelque chose de nouveau pouvait se faire en rattachant un genre angolais un peu marginal dont personne ne se souciait vraiment à notre propre bagage musical.
Buraka Som Sistema – Bio Express
Buraka, c’est un noyau de quatre DJ-musiciens-producteurs: DJ Riot (Rui Pité), Lil’ John (João Barbosa), Kalaf (Kalaf Ângelo) et Conductor (Andro Carvalho). C’est aussi le nom d’un quartier d’une banlieue de Lisbonne connu pour sa mixité culturelle. C’est là que le Kuduro, venu d’Angola, a trouvé un deuxième public.
Des rues de Luanda jusqu’aux clubs de Lisbonne, Buraka Som Sistema a passé le relai et fait connaître le Kuduro au monde entier en le mélangeant à d’autres styles de musique électronique. Black Diamond, le premier album du groupe, a été un énorme succès mondial.
Aujourd’hui, Buraka est connu aux quatre coins de la planète : Tokyo, Paris, Londres, New York, Ibiza… Entre toutes ces dates prestigieuses, ils sont de passage au Portugal à Evora pour la Queima das Fitas – la remise des diplômes aux étudiants de Licence. Il est minuit, la première partie du concert commence. « Il faut parler fort vu le bruit qu’il y a autour » me dit Rui Pité.
« Moi j’aimais beaucoup NTM ! » Rui
Comment vous êtes vous connus?
João: À notre mariage!
Rui: C’est vrai, on peut se marier aujourd’hui.
João: On peut se marier ! Yes ! (ndlr : le mariage gay est autorisé au Portugal depuis janvier 2010)
Rui: Non, João et moi avons été à l’école ensemble. Dans des classes différentes mais on était pratiquement tout le temps ensemble. On avait un groupe, on a commencé à jouer, plusieurs styles différents…
João: On partageait nos copines.
Rui: On partageait nos copines et on buvait dans les mêmes verres. Un cocktail au caramel qu’on faisait à l’époque. Et puis, tout d’un coup on a fait du Kuduro ! Et voilà ! Plus sérieusement, on a commencé à côtoyer la scène dance des années 90, en passant des disques puis en mixant, ou encore en produisant, en club, en studio… On touchait un peu à tout. Plus tard, on a rencontré Kalaf. On a travaillé avec lui sur un autre projet et on lui a parlé du projet Buraka auquel on pensait déjà depuis un moment. Mais il manquait quelqu’un avec un lien plus fort et plus récent avec l’Angola. Du coup on est allé voir Conductor dont on connaissait déjà le travail au niveau hip hop de rue. Et de là est né Buraka ! Ça c’est la version résumée, la version longue, c’est une télénovela d’au moins 15 épisodes !
J’ai lu que vous faisiez du rock avant…
João: Exact! On avait un groupe de rock nommé Blanket. Ma soeur chantait et on avait un bassiste, Sergio…
Rui: On a eu un bon nombre de bassistes!
Vous aimez des groupes français?
João: Ouais, bien sûr ! On est très amis avec tous les gens de Ed Bang Records : Busy P, DJ Medhi…
Rui: Justice. Nous sommes amis et on aime beaucoup ce qu’ils font.
João: Mais il y en a plein d’autres !
Rui: Et moi j’aimais beaucoup NTM !
Sérieux ?
João: Ouais ! Et Sefyu aussi.
Buraka en quelques dates.
2005: Formation du groupe
2006: Sortie du maxi From Buraka to the world.
2007: Le single de l’album Yah! est utilisé pour la BO de la série britannique Skins
2008: Sortie de l’album Black Diamond qui se classe dans le top 10 des meilleurs ventes en Espagne et au Portugal. Le single Wegué Wegué est utilisé dans les jeux vidéos Fifa 2010 et Need for Speed Shift
2009: Tournée mondiale
2010: Sortie des singles Buffalo Stance – une reprise de Neneh Cherry – et Restless.
« La version longue de l’histoire de Buraka c’est une télénovela d’au moins 15 épisodes ! » Rui
Quand est-ce que vous revenez en France ? Vous avez aimé jouer à l’Élysée Montmartre ?
João: Oui, c’était cool. On a joué aussi dans un festival. Un festival dans un parc … Solidays.
Rui: Je crois que la plus grosse surprise c’était aux Solidays. Dans un parc, l’après-midi … et les gens ont bien réagi.
João: Après Lisbonne, Paris et Londres sont les deux villes européennes qui comprennent le plus et qui vibrent le plus sur Buraka Som Sistema. On n’a pas pu passer là-bas parce qu’on a un nouvel album en préparation. Mais on va certainement y retourner.
Rui: Dès qu’on peut, on y va !
Il y a quelques jours, vous étiez au Cap Vert. C’était la première fois pour Buraka ?
Rui: Oui, c’était la première fois.
João: J’avais pas mal d’attentes, surtout au Cap Vert, et je pense que c’est jamais bien d’avoir des attentes trop grandes. Après tu es un peu déçu. Le concert n’a pas été une déception mais tous nos morceaux n’arrivent pas jusqu’au Cap Vert, seulement les singles, les morceaux principaux. En fait, on espérait que les gens réagissent un petit peu plus. Mais c’était un bon concert quand même. Il y avait comme 50.000 personnes devant nous. C’était vraiment cool. Simplement dans ma tête, j’imaginais autre chose…
Rui: Un autre film…
João: Genre la scène finale du Seigneur des Anneaux où les orques luttent contre je ne sais qui…les elfes… un truc du genre… Ils leur lancent de l’huile et tout…
Aujourd’hui vous participez à la Queima das Fitas de Evora. C’est important pour vous de revenir au Portugal ?
Rui: Oui. Là on revient d’Ibiza. Ibiza par rapport à Évora, c’est un chouia différent ! Mais c’est toujours bon de jouer chez soi parce que c’est une expérience complétement différente. À l’étranger, tu es nouveau. Surtout quand tu joues dans des endroits où t’es jamais allé. Hier à Ibiza on a senti qu’on faisait découvrir à des gens ce qu’était Buraka – ce qui est bon aussi. Mais ça n’a rien à voir avec Évora où, avec un peu de chance, la moitié du public sera déjà en train de chanter tes singles.
Et quand vous jouez au Brésil ?
Rui: On n’a jamais joué là-bas mais on a fait des DJ sets.
Buraka Som Sistema – Wegue Wegue
« Je crois qu’après Lisbonne, Paris et Londres sont les deux villes européennes qui vibrent le plus sur Buraka Som Sistema » João
Le public brésilien voit votre son comme européen, africain ou comme un son qui ressemble au Baile Funk?
Rui: Je ne sais pas. La première fois, ils sont restés sans rien dire. Ils sont restés comme ça (bouche ouverte, immobile, ndlr). Sérieux, je sais pas. Ça fait un moment qu’on est pas allés au Brésil. C’était quand déjà ? Il y a longtemps. Et je pense qu’entretemps, le Kuduro a eu plus d’impact et de succès, donc j’imagine que ce serait différent maintenant.
Restless, le nouveau single de Buraka, ressemble un peu plus à ce qu’on a l’habitude d’entendre dans les clubs occidentaux. Et les paroles sont en anglais. Est-ce que ça annonce la couleur du prochain album?
João: C’est une musique qu’on a fait pour elle-même, sans aucune connexion avec les autres musiques, donc ça n’annonce rien, non. C’est possible qu’on reffasse des choses semblables à Restless. Il y a plusieurs pistes musicales qu’on a envie d’explorer, d’expérimenter. D’une manière générale, on peut dire que le son va être toujours différent si on travaille pour des singles à part ou pour un album.
Est-ce que vous avez des projets de collaborations?
João: Non. Ce qu’on a décidé, c’est de faire un album plus centré sur nous-mêmes. On a bossé avec beaucoup d’artistes, maintenant, on a envie d’explorer de nouvelles choses.
Rui: Je vais collaborer avec lui. Et lui avec moi !
João: Il va chanter et moi … jouer du xylophone !
Comment chacun contribue au groupe, dans le processus de création ?
João: En général ça commence avec nous deux, sur l’ordinateur. On crée une trame d’une minute avec un software. Et à partir de là tout le monde contribue, et ajoute les paroles, la voix, des idées, des nouveaux sons, des accords, des rythmiques différentes… Personne ne se charge de quelque chose en particulier. Comme personne n’a vraiment de formation musicale à proprement parler, tout le monde se débrouille et est capable de faire un peu tout. Au fond personne ne fait un truc particulièrement bien. Tout le monde est au même niveau.
DJ Riot et Lil’ John sur le Wegué Wegué, les Black Eyed Peas et les nanas
« On n’est pas du genre à mettre nos têtes sur les pochettes d’albums, ou à faire des disques qui tournent seulement autour des fesses fantastiques de Rui ou de mes belles jambes à moi » João
Et qui écrit les paroles ? Vous dites d’ailleurs que dans le Kuduro, la voix est intégrée à la rythmique comme un instrument …
Rui: Ce qu’on trouve intéressant et assez amusant, c’est la manière dont le rythme et la voix peut correspondre aux beats. Ou à l’inverse comment elle peut prendre le contre-pied des beats. Mais ce serait la même chose avec une guitare, une basse ou une conga. Ce n’est pas une règle spécifique au Kuduro. Normalement, c’est Conductor qui fait les paroles et qui fait cette coordination entre la musique et le texte. Conductor et Kalaf.
Vous avez déjà fait une queima das fitas en tant qu’étudiants ?
Rui: Non, non. Je n’ai même pas été à l’université! Et les traditions académiques, ce n’est pas trop mon truc.
La relation au succès vous la vivez comment ?
Rui: Maintenant on vit bien avec le succès. Moi, je vis avec.
João: On est en perpétuelle recherche. On n’est pas du genre à mettre nos têtes sur les pochettes d’albums, ou à faire des disques qui tournent seulement autour des fesses fantastiques de Rui ou de mes belles jambes à moi. On doit penser tout le temps à faire de la bonne musique et à donner le meilleur de nous-même en espérant toucher les gens.
Maintenant que vous êtes des superstars, quelles sont vos perspectives ?
João: Ce soir ?
Rui: Au jour d’aujourd’hui ?!
João: Je crois que notre objectif, c’est de faire de la musique qu’on aime, quelque soit le style. Faire un album dont on puisse être fiers, et dont on puisse dire : « cet album a un début, un milieu et une fin. » Et ensuite on verra qu’est-ce que les gens en disent.
Buraka sur internet.
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« Les traditions académiques, ce n’est pas trop mon truc » Rui
« Dans Buraka tout le monde se débrouille et est capable de faire un peu tout » João
Source: Théo Zachmann et João Carrilho à Evora | StreetPress
Crédits photo: Théo Zachmann | StreetPress
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