13/09/2022

« Être militaire m’aide particulièrement bien à caler mon programme »

Maxime Bellamy, freefighter néonazi, hooligan et militaire français

Par Pierre Plottu ,
Par Maxime Macé

Maxime Bellamy est un hooligan du Stade Rennais, ouvertement néonazi. Cet adepte des combats clandestins à mains nues est aussi militaire, engagé au premier régiment des chasseurs parachutistes.

Le visage parcouru d’un filet de sang, il lève le poing. L’image a fait le tour de la mouvance d’extrême droite radicale. Les militants, surtout les plus jeunes, célèbrent leur héros : Maxime Bellamy, alias « Orsu Corsu » – littéralement ours corse. Le nouveau détenteur d’une ceinture de champion du monde de « bare knuckle », de la boxe à mains nues. Sa victoire, le 3 septembre à Londres, est passée relativement inaperçue. Sauf parmi les fafs. Hooligan, adepte de combat clandestin, il milite ouvertement avec l’extrême droite radicale la plus violente.

Il est aussi militaire d’active dans l’armée française. Maxime est engagé au 1er régiment de chasseurs parachutistes où il ne fait d’ailleurs visiblement pas mystère de ses convictions radicales, tendance royalisme et néonazisme.

Au « King of the Streets », le hooligan Maxime Bellamy a gagné son combat après avoir couché son adversaire quasiment au premier coup de poing. / Crédits : Instagram-DR

Le combattant d'extrême droite est aussi engagé au 1er régiment de chasseurs parachutistes. Sans que ça ne dérange a priori l'armée française. / Crédits : DR

Hooligan

Le colosse est aussi un adepte des combats clandestins. Il est l’un des trois Français inscrits au « King of the Streets ». Vous savez, ces bagarres (quasi) sans règles ni limites, organisées clandestinement par des hooligans suédois. Orsu Corsu a gagné son combat après avoir couché son adversaire, un Polonais, quasiment au premier coup de poing.

« L’ours corse » est en réalité breton et supporter du Stade Rennais, tendance hooligan, même s’il « n’aime pas le foot ». « Je suis vraiment là que pour la bagarre et les copains », a-t-il répondu dans une story Instagram. Maxime Bellamy a été initialement « repéré », selon ses propres mots, « par (s)es leaders de Rennes qui (l’)ont détecté dans une baston puis ramené dans le milieu », il y a quelques années. Depuis, il enchaîne les « forêts », ces rendez-vous que se donnent les équipes de hools, concurrentes ou non, pour se battre. Il se bagarre alors sous les couleurs des Roazhon 1901, un groupe de hooligans néonazis qui squatte les tribunes.

Maxime Bellamy fait partie des hooligans rennais néonazis du Roazhon 1901 depuis quelques années. / Crédits : DR

Le hool n'est pourtant pas vraiment fan de foot, il est plutôt là « pour la bagarre et les copains ». / Crédits : DR

Mais StreetPress a également pu se procurer des photos montrant sa participation à des fights dans les rangs des « Pitbull Paris », faux-nez que les Zouaves ont utilisé un temps pour tenter de brouiller les pistes alors que l’étau judiciaire se resserrait, avant la dissolution du groupe en janvier 2022.

À LIRE AUSSI : Qui sont les Zouaves, le « groupuscule de combat » derrière le lynchage des militants de SOS Racisme

Monarchiste et néonazi

L’an passé encore, Maxime Bellamy parvenait à présenter le visage assez lisse d’un militant d’extrême droite qui se limitait à distribuer quelques tracts pour l’Action française (AF) ou vendre L’Insurgé, le canard du groupe royaliste, dans sa région rennaise d’origine. Il apparaît sur un certain nombre de clichés d’actions de la section locale de l’AF, brandissant ici une banderole contre la « dictature sanitaire », là un drapeau bleu-blanc-rouge lors d’un hommage devant un monument aux morts. Il faisait aussi de la rando à travers la lande bretonne avec les autres royalistes de la « section Cadoudal », du nom d’un général des contre-révolutionnaires chouans. Il a aussi récemment fait office d’instructeur lors d’un entraînement à l’auto-défense des militantes du collectif identitaire féminin Némésis. Pour le plus grand plaisir des militantes comme Alice Corder, qui ont semblé apprécier sa carrure.

Le combattant d'extrême droite a également participé à des fights dans les rangs des « Pitbull Paris », un faux-nez des Zouaves. / Crédits : DR

Avant d'être un combattant faf reconnu des siens, Maxime Bellamy a été un militant de l'Action française à Rennes. Comme ici, au centre de la photo, en train de tracter. / Crédits : DR

« Orsu Corsu » met régulièrement ses compétences de cogneur au service de la cause. Car s’il distribue quelques (rares) tracts, il apparaît surtout mêlé à bon nombre de violences de rue. Bellamy était ainsi présent à Rennes, en octobre 2020, lorsqu’une trentaine de radicaux d’extrême droite ont chargé une contre-manif d’opposants aux anti-PMA.

Il était aussi naturellement du service d’ordre musclé monté par l’AF trois mois plus tard, pour protéger une nouvelle manif d’opposants au projet de loi bioéthique, qui a viré à l’échauffourée. En septembre, il s’affiche encore distinctement sur les images de violences survenues au cœur d’une manif anti-pass sanitaire à Toulouse. Ce jour-là, un groupe d’une quarantaine de fafs – mêlant identitaires, royalistes, nationaux-catholiques et autres nationalistes selon les antifascistes locaux – a attaqué la tête de cortège composée de militants de gauche. Une charge violente, à coups de bâtons et de béquilles, finalement interrompue par les forces de l’ordre.

Orsu Corsu a aussi fait office cet été d’instructeur lors d’un entraînement à l’auto-défense des militantes du collectif identitaire féminin Némésis. / Crédits : Instagram-DR

Le militant d'extrême droite participe à des fights « en forêt » avec des hooligans mais il fait aussi le coup de poing dans la rue avec ses comparses. / Crédits : Instagram-DR

Maxime Bellamy était aussi de la manifestation de soutien à Génération identitaire, alors en cours de dissolution, organisée à Paris en mars 2021. Cuir sur le dos, casquette vissée sur le crâne et cache-cou camouflage gris sur le nez, il s’est mêlé aux violences qui ont émaillé ce rassemblement sous haute tension. Sur Instagram, il a posté un cliché pris ce jour-là avec son groupe d’amis, posant devant la tour Eiffel. En légende : « Paris on Tour », assorti d’émojis symbolisant des croix celtiques néofascistes.

Encore un néonazi dans l’armée

« À quand remonte le dernier gauchiste envoyé au tapis ? », l’interroge un internaute, peu après cette manifestation. Réponse : « Samedi hé hé, même si je n’étais pas sur ceux de la fin de la manif », avec en fond une photo des violences de ce jour-là.

« Nazi ? », lui demande un autre fan sur Instagram. « Trop NS [national-socialiste] cependant », répondait-il en affichant la photo où il fait le salut à trois doigts, paume tournée vers l’avant. Un salut de Kühnen, ersatz de salut hitlérien inventé par le néonazi Michael Kühnen pour contourner l’interdiction de ce geste. À un commentaire sous la même photo, repostée à une autre occasion, il répond : « 3 doigts, 3 jours, 3Rei… #çan’enfinitpas » dans une allusion transparente au IIIe Reich.

Maxime Bellamy se revendique lui-même nazi et fait souvent des saluts de Kühnen, ersatz de salut hitlérien. / Crédits : DR

Surprise : il aime faire des blagues avec le mot « Aryen ». / Crédits : Facebook-DR

Accepté dans l’armée

Bref, Maxime Bellamy est un militant néonazi assumé. « Ça ne t’a jamais posé problème à l’armée tes tatoos, tes “idées” et tes combats ? », lui demandait récemment à ce sujet un utilisateur sur Instagram :

« Si, par moments, mais qu’avec les connards. Les mecs pêchus te respectent pour ça ou au moins le tolèrent »

D’autres lui demandent si l’armée accepte son activité de combattant ou comment il parvient à conjuguer son métier et ses nombreux entraînements : « Seulement quand la fédération est légale et officielle », répondait-il à la première question avec un smiley :

« (Etre) militaire m’aide particulièrement bien à caler (mon) programme dans mes journées. »

Il n’est pas le premier militant d’extrême droite radical toléré par l’armée. Mediapart a largement documenté le sujet. Le site, au-delà des cas individuels, interroge surtout le « laisser-faire » de l’institution. Et ce, alors que « la proximité de certains groupes avec des membres des forces de sécurité (militaires ou policiers, en exercice ou non) augmente leur capacité de frappe et leur désinhibition à la violence », soulignait le patron de la DGSI Nicolas Lerner lors d’une audition devant les députés en 2019. Pas inquiété, Maxime Bellamy promet qu’il va de son côté combattre « en MMA pro » l’année prochaine.

Contactés, ni Maxime Bellamy, ni l’armée française n’ont répondu à nos sollicitations.