Selon une carte réalisée par le chercheur Alessio Motta pour Victoires Populaires, « dans le meilleur des cas » 60 des 500 plus grandes villes pourraient basculer de la droite vers la gauche.
Toulouse (31), Angers (49), Roubaix (59), Caen (14), Lorient (56), Angoulême (16) ou encore Bayonne (64)… Sur les 500 plus grandes villes de France, une soixantaine pourraient basculer à gauche aux prochaines élections municipales. Un chiffre que l’enseignant-chercheur Alessio Motta de mobilisations.org, auteur de cette carte, tempère : ce scénario est à imaginer dans « le meilleur des cas ». Il a, à la demande de Victoires Populaires — qui se décrit comme étant un « mouvement de résistance citoyenne pour la justice sociale » —, recensé les villes que la gauche pourrait conquérir et celles qui, à l’inverse, sont susceptibles de basculer à droite. Il s’appuie sur la même méthodologie qui lui a permis d’identifier pour StreetPress, les villes qui pourraient basculer à l’extrême droite. Objectif pour Victoires Populaires qui publie cette cartographie : amplifier la mobilisation des forces progressistes sur ces territoires.
Avec 320 villes sur 500 dirigées par la droite — contre 170 par la gauche —, les opportunités de bascule favorisent mécaniquement la gauche pour le prochain scrutin. L’analyse se concentre sur les grandes communes pour plus de fiabilité. « Mais cela crée un biais », nuance le chercheur. En effet, en négligeant les petites communes plus favorables à la droite et à l’extrême droite, « on donne l’impression que la gauche progresse davantage qu’en réalité ».
« La gauchisation » des villes
Depuis quelques années, la sociologie électorale de certaines grandes et moyennes agglomérations évolue. Angers, par exemple, est une commune en mutation. Cette ville moyenne, autrefois « ville bourgeoise de droite classique », selon Alessio Motta, s’est progressivement « gauchisée ». Le Nouveau Front populaire a atteint 40 % au second tour des législatives en 2024. Jean-Luc Mélenchon a quant à lui obtenu un score de 27,21 % aux présidentielles de 2022.
Toulouse poursuit la même trajectoire : gouvernée par la droite depuis plusieurs années, la ville rose vote désormais à gauche lors des scrutins nationaux. C’est dans ce contexte que François Piquemal, député LFI de la 4e circonscription de Haute-Garonne, a lancé sa campagne pour les municipales 2026. Après avoir annoncé sa candidature en janvier, il mène la liste « Demain Toulouse » dans la course au Capitole.
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Au-delà du phénomène de « gauchisation », les déceptions causées par la droite à l’échelle municipale constituent un autre levier de bascule. Comme à Saint-Étienne (42). Après l’exclusion du maire de Saint-Étienne, Gaël Perdriau des Républicains suite au scandale du chantage à la sextape, le parti LR traîne une image désastreuse. Selon Alessio Motta, cette situation engendre des conditions particulièrement favorables à un basculement à gauche, dont pourrait profiter le socialiste Régis Juanico, chef de file de la gauche stéphanoise pour 2026.
Une extrême droite forte
Le troisième ressort est plus contre-intuitif : il est lié à la montée de l’extrême droite qui s’est considérablement renforcée ces dernières années. Elle ne peut certes pas l’emporter dans un grand nombre de villes mais risque néanmoins d’être présente au second tour. Et cette présence change la donne : dans un duel gauche-droite classique, la droite peut parfois l’emporter. Mais lorsque le RN s’invite au second tour et transforme le duel en triangulaire, « c’est la droite qui perd des points », explique Alessio Motta.
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C’est le cas à Marseille (13). La gauche y pèse environ 40 % de l’électorat. Dans un système bipartisan, ce pourcentage signifie la défaite. Mais dans un système tripartite, 40 % devient une position gagnante. À une époque, la droite marseillaise représentait près de 60 % des suffrages, explique Alessio Motta. Aujourd’hui, elle est « coupée en deux entre la droite et l’extrême droite ». Tant qu’il n’y a pas d’alliance totale LR-RN, ces deux blocs divisés permettent à la gauche d’être « aisément majoritaire », souligne Alessio Motta.
Rien n’est joué d’avance. Tout dépendra de la campagne menée sur le terrain. En montrant que la gauche peut l’emporter, Victoires Populaires souhaite créer des « vocations d’engagement », indique un bénévole du mouvement, Floraine Jullian. Sur la plateforme interactive de Victoires Populaires, trois pictogrammes jalonnent le territoire : actions de terrain, apéros militants et manifestations. L’objectif, rappelle-t-elle, est de déboucher « très concrètement sur des actions dans des territoires où la gauche peut gagner à quelques voix près ».
Illustration de Une par Caroline Varon.