Bienvenue dans la Creuse (23), ses pâturages, sa diagonale du vide et… sa ferme des 1.000 veaux. C’est ici que doit ouvrir début 2015 une usine géante d’engraissement pour bovins, dans le petit village de Saint-Martial-le-Vieux, 130 habitants.
Le projet suscite la colère de la Confédération Paysanne, des Verts, des associations pour le bien-être animal… en fait, de tout ce que la France compte comme écolos. Mais samedi 17 janvier devant la mairie de Saint-Martial-Le-Vieux, c’est bien l’extrême-droite radicale qui appelle à la mobilisation, via l’association Vigilance Halal. Au programme : des élus FN, des slogans anti-hallal et sur le flyer de la manif’ une photo de… Brigitte Bardot. « La pauvre marche avec des béquilles et elle a un souci à la hanche. Mais je l’ai eue au téléphone et elle sera avec nous par l’esprit », assure à StreetPress Alain de Peretti, l’organisateur du rassemblement.

Le flyer de la manif avec le soutien de BB. / Crédits : Vigilance Hallal
De l’élevage industriel destiné au marché du Maghreb
Objet du délit : L’usine d’engraissement de Saint-Martial-Le-Vieux. Dans cette ferme, 1.400 veaux âgés de 8 à 10 mois avaleront 1,5 kilo de nourriture par jour pendant 7 mois jusqu’à atteindre les 700 kilos. « Une aberration écologique » pour Muriel Padovani, secrétaire régionale d’Europe-Ecologie limousin. Jointe par StreetPress, elle dénonce en vrac : les conditions d’engraissement de veaux à base d’antibiotiques, l’installation de l’usine dans un parc naturel ou le fait que la viande ne soit pas destinée au marché local.
« L’engraissement des veaux, c’est bien mais quand c’est fait sur de petites unités bio et en vente directe via des coopératives. »
Joint par StreetPress, Alain de Peretti, reprend ces arguments. Mais il attaque aussi sur le hallal. Car les animaux engraissés à Saint-Martial-Le-Vieux seront abattus sans étourdissement préalable dans l’abattoir voisin d’Ussel. L’usine est exclusivement exploitée par le groupe Intermarché qui va vendre cette viande hallal dans les pays du Maghreb. De Peretti est furax :
« On abandonne notre identité par pur mercantilisme. Dans les abattoirs hallal, les bêtes vivent une agonie insupportable. Tout ça pour faire fortune. On vend notre âme au diable. »
Une asso « islamo-critique » proche du Bloc Identitaire
(img) On ne nous dit pas tout…
Fondée en 2012 par l’ex-vétérinaire Alain de Peretti, Vigilance Halal s’est fait remarquer par l’organisation des « Etats généraux du bien-être animal » en mai 2013 où divers intervenants anti-Islam ont exposé leurs vues. M. de Peretti est aussi chroniqueur pour les islamophobes de Riposte Laïque. Il a été élu régional du FN en Gironde jusqu’en 1998 avant de rejoindre le MNR de Bruno Megret. Aujourd’hui, il est coordinateur du Bloc Identitaire Aquitaine.
A StreetPress, il prétend que son association « apolitique » fédère 8.000 membres. Parmi leurs activités, dénoncer leurs voisins. De Peretti explique :
« Quand nos membres voient un mouton rentrer dans un immeuble au moment de l’Aïd, ils nous le signalent. Et nous on prévient la police parce que c’est illégal. »
Il estime aussi que les merguez hallal servent à financer le terrorisme mondial :
« Pour être certifié hallal, il faut payer une taxe. Les sommes sont importantes et redistribuées à des mosquées. Et ça se pourrait bien qu’ils alimentent aussi des groupes terroristes. »
Mais rassurez-vous, Alain de Peretti n’est pas islamophobe. Il se définit comme « islamo-critique ». Ouf !

Pierre Cassen, co-fondateur de Riposte Laïque (à gauche) se fend la poire avec Alain de Peretti (à droite). / Crédits : Vigilance Hallal
OPA sur des groupes qui ont du mal à se positionner
Pour la mobilisation du 17 janvier, Vigilance Halal espère réunir de « Jean-Luc Mélenchon à Marine Le Pen » :
« J’appelle tous ceux qui se sentent concernés par le bien-être animal, comme les Verts, à nous rejoindre. Ces querelles de chapelles sont ridicules et elles doivent cesser. »
Alain de Peretti compte aussi sur les conséquences de la tuerie de Charlie Hebdo pour attirer de nouveaux visages « apolitiques »:
« La mobilisation va être importante à cause des attentats. J’ai reçu beaucoup de mails de gens qui se disaient hésitants mais qui maintenant sont prêts à venir. »
Pour le moment, seuls des responsables locaux du FN feront le déplacement. La manifestation a été déposée en préfecture, confirme-t-on à Guéret.
Du côté des Verts, on assure qu’aucun militant n’ira manifester contre la ferme des 1.000 veaux aux côtés de Vigilance Halal. Mais Muriel Padavoni craint que « des militants sincères de la cause animale se fassent récupérer. » D’autant plus que certains ont du mal à se positionner. Joint par StreetPress, la Fondation Bardot regrette le choix de sa fondatrice d’être aux côtés de « ceux qui dénoncent l’Islam ». « Mais en même temps, on soutient tous types d’actions qui vise à dénoncer l’exploitation animale », bafouille un porte-parole.
Pour damer le pion à l’extrême droite, le collectif « Oui à l’Etourdissement Dans les Abattoirs » organise une autre manifestation le 31 janvier. Avec ses dreadlocks, sa fondatrice Aurore Lenoir, déjà fortement impliquée dans la ZAD de Guéret, est peu suspecte de connivence avec l’extrême droite. Mais cette végétarienne reconnait avoir un souci de positionnement :
« Vigilance Halal brouille notre message et c’est un réel frein. A cause d’eux, les politiques ne veulent pas parler avec nous car ils croient que nous sommes aussi d’extrême droite. »
Pour sauver la mobilisation, elle espère réunir 3 fois plus de monde que les islamophobes. La Fondation Bardot y sera représentée par un de ses cadres Christophe Marie.
Cet article est à prix libre. Pour continuer la lecture, vous pouvez faire un don.
StreetPress lance la plus grande enquête participative sur l'extrême droite en France. Notre média indépendant repose sur votre soutien, sans vos dons, nous mourrons. En savoir plus →

Nous nous apprêtons à lancer la première plateforme d’enquête participative dédiée à l’extrême droite en France. Ce portail simple et sécurisé, permettra de collecter un maximum d’informations. Chaque citoyen pourra signaler la présence et les actions des groupuscules ou militants d’extrême droite.
Jamais un média français n’a mis autant de moyens dans un projet d’enquête dédié à l’extrême droite. Nous travaillons au développement d’une plateforme sécurisée et nos journalistes vont pendant plus d’un an explorer la matière collectée. Nos spécialistes vont multiplier les enquêtes sur les violences de l’extrême droite, mais aussi ses sources de financement et ses appuis politiques. Nous proposons aussi de réaliser une cartographie interactive documentant de manière exhaustive les près de 150 groupuscules présents sur le territoire. Et enfin, nous réaliserons un manuel de riposte gratuit, proposant des pistes pour les combattre sur le terrain.
Ce projet très ambitieux va coûter à StreetPress plus de 100.000 euros. Et comme nous ne pouvons pas compter sur l’argent de Bolloré, on a besoin de vous.
Je soutiens StreetPress
NE MANQUEZ RIEN DE STREETPRESS,
ABONNEZ-VOUS À NOTRE NEWSLETTER