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    30/04/2015

    Africains et « babtous » se croisent dans sa petite boutique

    A Château-Rouge, Sape & Co, Mecque de la sape à Paris

    Par Tomas Statius

    Installé depuis 10 ans à Château-Rouge, le shop Sape & Co abrite les créations de la griffe Connivences et propose la panoplie du parfait sapeur : costards excentriques et pompes lustrées. Mais même la Mecque de la sape n’échappe pas à la crise…

    Paris 18e, rue de Panama – Il est 19h. Dans la boutique Sape & Co, 5 hommes discutent alors que la sono maison envoie de la musique afro. Posé derrière son minuscule comptoir, celui qu’on appelle « le Bachelor », en référence à l’émission télé, discute avec des amis passés lui rendre visite. Le boss du shop affiche une sacrée dégaine : feutre marron, veste verte pomme et pompes cirées.

    Chemises fuschia et costards 3 pièces

    En 10 ans, la boutique du Bachelor est devenue la Mecque de la sape parisienne. Les costards à rayures bleues et blanches croisent les imprimés fleuris et les tissus fluo :

    « C’est pas comme chez Zara. Les couleurs, ce n’est pas juste l’été. C’est toute l’année. »

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    Chez Sape & Co, au rayon vestes / Crédits : Tomas Statius

    Pour ne décevoir personne, le Bachelor « himself » veille à la qualité des modèles. Le tissu vient de Turquie et d’Italie, et à la manière des fringues de grands créateurs, les finitions sont soignées. A 50 euros la chemise fuchsia et un peu plus 100 balles pour un costard trois pièces, les prix de sa griffe Connivences (le « Co » de « Sape & Co ») restent malgré tout sympas. « Le but pour moi c’est vraiment de rendre accessible cette culture ». Et un peu pour attirer le client, confesse-t-il dans un second temps.

    Diaspora et jeunes métropolitains

    Entre deux portants, on tape la discute avec Alain-Michel, un pote du Bachelor qui vient souvent boire un verre dans le quartier après une journée de boulot. L’élégant quadra aux fines lunettes et au duffel coat beige fait confiance à son pote à qui il achète chemises ou boutons de manchettes. Entre deux discussions chiffons, il nous raconte qu’ici, la diaspora africaine vient se saper à côté de « jeunes métropolitains ». Pour les mariages ou les grandes occasions, ils sont nombreux à venir chercher conseils auprès du patron. Blanc ou noir.

    Maestro, un gars élégant chaussé de mocassins aux glands dorés, est quant à lui plutôt sceptique quand on l’interroge sur les créations du Bachelor : « Ce n’est pas vraiment mon style » confie ce sapeur plus porté sur le sportswear chic que sur le complet. Mais face à l’étale, il finit quand même par s’avouer vaincu : chez Connivences, on trouve « quand même de la belle sape ».

    De Daniel Hechter à la Goutte d’Or

    Débarqué en France en 1977 de République Démocratique du Congo, Jocelyn Armel (le vrai nom du Bachelor) grandit à la Goutte d’Or. Alors qu’il se passionne pour les fringues, le jeune homme décroche un job de vendeur à la boutique Daniel Hechter sur les Champs. C’est son premier contact avec le milieu de la mode :

    « A l’époque, je voulais déjà créer ma marque ! »

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    Le Bachelor prend la pause devant sa boutique / Crédits : Tomas Statius

    Fort de cette expérience et diplômé d’une école de com’, Le Bachelor décide alors de lancer une griffe toute dédiée à sa passion. En 2005, il ouvre son premier shop dans l’ancien resto africain de sa daronne. Si les débuts sont rudes, il finit par se faire ambassadeur français de la sape. Papa Wemba, le chanteur de funk africain, ou l’écrivain Alain Mabanckou auraient recours à ses services, raconte-t-il. Récemment, il a même fait une apparition dans le documentaire Black Dandy sur Canal +.

    Dur, dur d’être sapeur

    Mais les succès d’estime ne remplissent pas forcément ses comptes en banque. Malgré une bonne réputation et la récente ouverture d’un corner au Comptoir Général , le boss n’est pas en reste niveau galère. Laconique, il confie :

    « Ouvrir un magasin, je ne souhaiterais pas ça à mon pire ennemi ! »

    Loyer en hausse, coût des matières premières… Le Bachelor a du mal à joindre les deux bouts et ce malgré le soutien de toute sa famille qui met la main à la pâte… et au porte-monnaie :

    « C’est pour l’exemple que l’on fait ça, parce que dans les faits on ne gagne pas beaucoup. »

    Jocelyn Armel en veut au gouvernement congolais de ne pas le prendre au sérieux. Selon lui, les dirigeants de son pays d’origine devraient lui verser des subventions :

    « S’ils faisaient bien les choses, je recevrais déjà une aide ! »

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