Nanterre, à 5 minutes à pied du RER. L’endroit dénote avec ce qu’on connaît de la proche banlieue parisienne : derrière une carrière de gravier blanc, une grande bâtisse juchée dans la verdure, qui semble tout droit sortie d’un conte de fées. Façade de brique rouge et dôme recouvert d’une bâche verte : bienvenue au Pavillon du Dr Pierre, ancienne usine de dentifrice qui tient plus du petit château que de la friche industrielle. Un bâtiment nouvellement investi par le collectif Soukmachines, agitateur des nuits franciliennes depuis 2005, et qui va bientôt s’offrir une nouvelle vie sous l’impulsion de la bande de joyeux fêtards.
Yoann-Till, le fondateur barbu du collectif, est là pour nous accueillir. Autour de lui, c’est l’effervescence : ici et là, on retourne de la terre, on nettoie des murs, on transporte des meubles.
« Notre premier événement est dans 10 jours, et on n’a même pas encore l’eau courante. »
En attendant les cotillons / Crédits : Camille Diao
Le 6B des Hauts-de-Seine
Dans quelques jours, ce grand chantier doit devenir un « lieu d’expression artistique » et plus largement un « lieu de vie », pour les riverains et pour les autres. Le spot nanterrois va accueillir des résidences d’artistes, des concerts, des expos, des soirées… et ouvrir son jardin tous les dimanches d’été. Pour faire court, le petit château doit devenir en quelque sorte le 6B du 9-2. Et Yoann en sait quelque chose : c’est là qu’il travaille, à côté de ses activités au sein de Soukmachines. D’ailleurs, il reconnaît que l’espace de Saint-Denis a fait office de pionnier :
« Le 6B a clairement ouvert la voie à ce genre d’initiatives. »
Dans l’entrée, 3 hommes équipés de combinaisons et de masques à gaz s’activent entre deux flaques avec de drôles d’aspirateurs, mais pas de soucis selon Yoann :
« T’inquiète, ils enlèvent juste le plomb ! »
L’usine, à l’ancienne
Plus loin, au rez-de-chaussée, de longs couloirs vitrés mènent à une vingtaine de petites pièces aux murs craquelés. « Ce seront les futurs ateliers. » A l’étage, d’immenses salles attendent les fêtards mais aussi des assos ou des troupes de théâtre. Plombés ou pas, les 2.000m² de bâtiment abandonné en jettent. Sans oublier les 4.000m² de jardin, déjà squattés par de drôles d’installations.
Une convention pour 7 mois
Construit au début du 20e siècle par le Docteur Pierre Mussot, pionnier français du dentifrice, le Pavillon a servi par la suite de fabrique à eau de Cologne, avant d’abriter les entrepôts des vêtements pour bébés Natalys. Le site était à l’abandon depuis 8 ans avant que la mairie de Nanterre n’en confie la gestion à Etic, entreprise lyonnaise qui doit y construire d’ici 2017 un ensemble de bureaux et de logements sociaux. Le bâtiment historique sera lui réhabilité en espace de coworking dédié à l’économie sociale et solidaire.
Mais que faire du lieu en attendant ? Heureux hasard : le président d’Etic vit à Saint-Denis. Et il fréquente régulièrement le 6B. Ni une, ni deux, il les contacte et rencontre rapidement la bande de Soukmachines, à qui il propose d’investir le Pavillon jusqu’à la reprise en main d’Etic. Bien sûr, le collectif est emballé : « Ce n’est pas tous les jours qu’on vous offre un tel lieu sur un plateau. » Dans la foulée, une convention d’occupation temporaire est signée entre Soukmachines, Etic et la ville de Nanterre, via la société SEMNA.
« Tout s’est fait super vite » explique Yoann. « 1er contact en décembre, 1ère visite courant janvier, et fin février on avait déjà les clés ! »
Nous voici début mai à quelques jours de l’ouverture officielle de ce souk bigarré, qui doit durer jusqu’en novembre prochain. 7 mois pendant lesquels l’équipe de Soukmachines compte financer ses activités via la location des espaces de résidence (à un prix plutôt raisonnable : 6€ du m²), la billetterie des évènements, les recettes du bar ainsi que quelques donations. Cerise sur le gâteau, le collectif a négocié de pouvoir vivre sur place, récupérant au passage le budget du gardiennage. Ça tombe bien : devant le Pavillon, la petite maison où vivait le gardien fera l’affaire.
Soirée d’ouverture le 16 mai
Malgré une communication à minima, Soukmachines a reçu bien plus de candidatures que le Pavillon n’offre d’espaces : en quelques jours, une soixantaine d’artistes ont postulé pour une résidence, et à peu près le même nombre pour les espaces temporaires de réunion ou de répétition. Elise, qui fait partie du collectif, nous explique entre deux visites de candidats :
« On a sélectionné pas mal de plasticiens, mais il y a aussi des performeurs, des chorégraphes, des designers, des graphistes, des costumiers… »
Gabriela dans son futur atelier / Crédits : Camille Diao
Début de cette nouvelle vie de château le 16 mai, avec une ouverture en grande pompe qui devrait motiver la jeunesse fêtarde de la capitale à passer une nouvelle fois le périph’. Une animation inédite pour ce quartier jusque-là très calme… et qui pourrait entraîner ce fameux phénomène de « gentrification » régulièrement reproché au grand frère, le 6B. Mais pour Yoann, la question ne se pose même pas :
« On est là que pour 7 mois… et puis Nanterre, ce n’est pas Saint-Denis ! »
A lire aussi notre enquête: Au 6B, la gentrification heureuse
Face au péril, nous nous sommes levés. Entre le soir de la dissolution et le second tour des législatives, StreetPress a publié plus de 60 enquêtes. Nos révélations ont été reprises par la quasi-totalité des médias français et notre travail cité dans plusieurs grands journaux étrangers. Nous avons aussi été à l’initiative des deux grands rassemblements contre l’extrême droite, réunissant plus de 90.000 personnes sur la place de la République.
StreetPress, parce qu'il est rigoureux dans son travail et sur de ses valeurs, est un média utile. D’autres batailles nous attendent. Car le 7 juillet n’a pas été une victoire, simplement un sursis. Marine Le Pen et ses 142 députés préparent déjà le coup d’après. Nous aussi nous devons construire l’avenir.
Nous avons besoin de renforcer StreetPress et garantir son indépendance. Faites aujourd’hui un don mensuel, même modeste. Grâce à ces dons récurrents, nous pouvons nous projeter. C’est la condition pour avoir un impact démultiplié dans les mois à venir.
Ni l’adversité, ni les menaces ne nous feront reculer. Nous avons besoin de votre soutien pour avancer, anticiper, et nous préparer aux batailles à venir.
Je fais un don mensuel à StreetPress
NE MANQUEZ RIEN DE STREETPRESS,
ABONNEZ-VOUS À NOTRE NEWSLETTER