24e chambre du TGI — « Monsieur, avez-vous un souci avec les forces de l’ordre ? » interroge la Présidente. A la barre, ce vendredi 24 juin, Marcus, droit comme un i, se frotte les pognes. Il esquisse un sourire. Avant de prendre la parole, il fronce les sourcils :
« Je n’ai pas de souci avec la police. En manif, je passe le message, je parle. Je suis souvent en première ligne. On me considère comme un leader mais ce n’est pas mon statut »
Au lendemain des attentats, le gaillard à la coupe afro soignée participe à un rassemblement de soutien aux réfugiés, interdit par la préfecture de Paris. Suite à la manif, 58 personnes ont été convoquées par la police. Six mois plus tard, Marcus, 34 ans, membre de la Brigade Anti-Negrophobie, est le seul à passer devant le tribunal. « Je me pose des questions. Ses épaules ne peuvent pas supporter toute la culpabilité des manifestants », souligne son avocate Maitre Irène Terrel.
Manif interdite
Le 22 novembre dernier, Marcus, comme plusieurs centaines de manifestants, se pointe place de la Bastille. De nombreuses organisations politiques ont appelé à ce rassemblement pour soutenir les réfugiés. Malgré les attentats et l’état d’urgence, l’évènement est maintenu. « Après les attentats, on a dit que certains terroristes s’étaient mêlés à eux pour rentrer en France. On trouvait ça important de soutenir une population stigmatisée » explique Marcus.
La présidente l’interrompt :
« – Je comprends votre émotion mais j’aimerais qu’on en revienne aux faits. Vous étiez au courant que la manifestation était interdite ?
– Oui, mais elle était aussi tolérée. »
A Bastille, pendant une heure, le rassemblement se déroule sans heurts. Jusqu’au moment où certains manifestants décident de forcer le cordon de police qui enserre la place. « C’est là que ça dégénère » intervient la procureure. Une « vingtaine de militants masqués » se place en tête de cortège, ainsi qu’un homme « de type africain, coupe afro et lunettes de soleil » selon un PV de Police.
Que des numéros 10 dans ma team. / Crédits : Tomas Statius
Entre ce groupe et les forces de l’ordre, la température grimpe. Les bleus se plaignent de crachats, de menaces de la part de certains manifestants et de coups de pieds. Sans qu’aucun élément ne permette d’incriminer directement Marcus. Et Maitre Terrel de rappeler :
« Ce rassemblement n’a généré aucune dégradation massive contrairement à ce qu’on a vu les dernières semaines. »
Souriez, vous êtes filmés
Pendant de longues minutes, la présidente feuillette le dossier de l’instruction. Elle finit par tomber sur des photos du rassemblement qu’elle montre au tribunal. On y voit Marcus, le poing levé, à la manière d’un militant des Black Panthers. « Vous avez l’air un peu vindicatif sur cette photo », commente cette dernière. Marcus, goguenard :
« Je me suis permis de m’exprimer à la fin de la manif. A ce moment là, je disais que ce n’est pas parce que nous sommes sous l’état d’urgence que l’on a plus de droits. »
Deux semaines après la manif, le jeune homme est convoqué au commissariat. Plusieurs policiers l’ont identifié comme étant l’un des meneurs. Dès son arrivée, il est placé en garde à vue. « C’est un choc pour lui. Lorsqu’il s’est présenté, il ne pensait pas qu’on le maintiendrait en GAV », confie Irène Terrel.
Au comico’, Marcus refuse de répondre aux questions des enquêteurs puis de se soumettre aux prélèvements ADN, ce qu’on lui reproche aujourd’hui. « Monsieur G. a une difficulté à se soumettre à l’autorité et aux règles », sermonne l’avocat général. Le militant reste de marbre :
« Si j’ai refusé le prélèvement, c’est parce que je ne pensais pas que c’était nécessaire. »
Sévère désaveu pour le parquet
Deux fois condamné pour outrage à agent, Marcus est connu comme le loup blanc par les hommes en bleus. « Mon client n’est pas violent mais il exprime ses convictions de manière risquée » complète Maitre Terrel. La proc’, elle, le dépeint presque en gourou. Elle requiert huit mois d’emprisonnement dont quatre avec sursis :
« Monsieur G. est un grand idéologue. Aujourd’hui, il profite de l’audience pour faire passer son discours. »
Quand il n’est pas à la barre, Marcus, polo noir sur le dos parfaitement assorti à son pantalon blanc et à ces boots noirs, a l’air un peu perdu. « Pourquoi lui ? Il n’avait pas d’intention d’en découdre. C’est une injustice et cela peut être perçu comme une discrimination », s’insurge son avocate. Après suspension de séance, le tribunal le condamne à 500€ d’amende pour participation à une manif interdite et 140€ de frais de justice. C’est un sévère désaveu pour le parquet.
La lutte continue pour Marcus. Le 4 juin, il manifestait devant la Tour Bolloré pour dénoncer l’achat massif de terres en Afrique par le boss de Canal +. A cette occasion il avait été interpellé puis condamné en premier instance pour outrage et rébellion. Il a fait appel.
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