Jardin du Luxembourg, Paris 6e – « Attendez deux minutes s’il vous plaît… Je viens de voir qu’il y a un Pokémon dans le coin et j’aimerais le choper… », balance Samy, style à la Zuckerberg avec son sac-à-dos sur l’épaule. « Ah merde ! Il s’est échappé ! ». Le jeune ingénieur en informatique de 25 ans est à l’origine de cette grande chasse aux Pokémons du 14 juillet. Pourtant lui, n’a eu jusque-là, que très peu le temps de jouer à Pok“mon Go :
« Il faut que j’en attrape un paquet aujourd’hui parce que pour l’instant je n’en ai que quatre ».
Un jour, je serais le meilleur dresseur ! / Crédits : Pierre Gautheron
Chasse géante
S’il n’a pas trouvé le temps, c’est que Samy bosse et a du organiser le rassemblement du jour. Le jeune homme, portable à la main à la recherche d’un Nosferapti, jubile en annonçant le nombre d’inscrits sur l’event Facebook :
« Aux dernières nouvelles, il devrait y avoir 4.300 participants, 12.000 personnes étaient intéressées et il y a plus de 10.000 invitations sur internet… »
Un succès, d’autant qu’officiellement la chasse a été annulée suite à l’interdiction du Sénat, propriétaire des Jardins du Luxembourg. « Ce n’est plus une chasse organisée. Désormais, chacun fait ce qu’il veut pour son propre compte, comme ça on n’a pas de problème », glisse-t-il avec un sourire en coin appuyé d’un clin d’œil équivoque.
« Il y a un Exelangue par ici ! », cri un jeune homme déguisé en Pikachu. Deux jeunes filles en cosplay – les tenues inspirées des héros de manga – rappliquent pour attraper le pokémon à l’aide de leurs smartphones. L’une d’elle, répliques de Pokéball accrochées à la ceinture, lance dépitée :
« Fait ièch moi j’attrape que des Ratata ou des Roucoul. »
En mode Pikachu ! / Crédits : Pierre Gautheron
Un journaliste de LCI, caméra au poing est à l’affût de la bonne image :
« Il paraît même que certains grimpent aux arbres pour attraper des pokémons air. »
Alors qu’il avance dans les jardins à la recherche d’un Ronflex, Samy commente ce succès :
« Je m’attendais pas à ce que ça prenne autant mais d’un autre côté une franchise aussi populaire que Pokémon ne peut que rameuter plein de gens ».
Les médias aussi ont fait le déplacement : Slate, LCI, Gamekult… Au milieu de la conversation, son téléphone sonne. « Excusez-moi, c’est France Culture et je dois répondre à tout prix. » Pro jusqu’au bout de la pokéball, il contrôle même nos photos et n’hésite pas à demander à en refaire une parce qu’il a l’air « fragile » sur la précédente.
La revanche d’un geek
L’histoire d’amour entre Samy et les Pokémon ne date pas d’hier :
« J’y joue depuis que je suis petit, j’ai commencé avec la version jaune, celle avec Pikachu. J’étais passé à côté du concept Rouge et Bleu mais j’ai rattrapé très vite le truc. »
La revanche des geeks. / Crédits : Pierre Gautheron
Plus intéressé par le gaming que par le dessin animé éponyme ou les cartes à jouer qui ont déferlés dans les écoles à la toute fin des années 90, Samy bouffe de la console portable :
« J’ai toujours été très geek. J’aimais aussi les données informatiques et le gameplay. Pokémon rassemble tout ça. C’est un jeu plus complexe qu’il n’y parait avec un nombre incalculable de combinaisons et de possibilités. »
A l’adolescence pourtant, le fan de Pokémon lâche l’aventure :
« J’ai arrêté un temps parce qu’à l’époque t’étais vite catégorisé looser quand tu jouais à ça… Puis peu à peu je m’y suis remis vers 18 ou 19 ans car ça se démocratisait plus chez les jeunes adultes. Aujourd’hui tu peux allègrement dire “J’ai 25 ans, je suis fan de Pokémon”. C’est une revanche sur la vie !” »
Entre 2008 et 2009, le jeune homme se lance même dans la compétition et gagne quelques titres.
Chef de file du mouvement Pokémon en France
Au milieu des années 2000, il décide de passer à la vitesse supérieure.
Vidéo Presque 2 millions de vues, OKLM !
Il fonde Neokan Gaming et, avec un ami, Pokémon Trash, les deux plus gros sites internet français consacré à Pokémon. Un carton : la page Facebook de ce second site regroupe plus de 53.000 fans et la chaine youtube talonne les 50 millions de vues. Il organise aussi des rencontres IRL :
« On monte des événements autour du jeu vidéo. Généralement se sont des tournois de gaming. Sur cinq ans, on a réussi à réunir quelque 10.000 participants. »
Dans le milieu, Samy à la côte. Il a même récemment monté un partenariat avec Nintendo :
« On les a approché. La rencontre s’est faite il y a deux ans alors qu’une boutique pop-up Pokémon qui s’était ouverte dans Paris. Nintendo était ravi de notre boulot et on envisage des event mais je ne peux pas en dire plus… »
Il se pourrait que ses Neokan Gaming et Pokémon Trash se professionnalisent, mais l’ingénieur refuse d’en dire plus. Samy mise sur le succès de la franchise :
« Pokémon Go c’est une vraie révolution ! Ça va perdurer avec toutes les mises à jours et les uploads des 700 pokémons. Ce n’est qu’un début, ça satisfait les fans de la première heure et ça va en fédérer de nouveaux car le concept est dingue. La franchise mise aussi sur les sorties des nouveaux jeux vidéo, version Soleil et version Lune… Ça va faire un tabac, ça va dépasser l’empire Disney ! »
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