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    13/01/2017

    « Sous mes yeux la police arrachait les tentes des migrants frigorifiés »

    Par Marie Laure , Alice Maruani

    La police confisque les duvets et les affaires chaudes des migrants, en plein hiver. Ce lundi, ils ont encore détruit des tentes et gazé des réfugiés. Marie-Laure était présente.

    Depuis cet été, la préfecture ne veut plus de campements de réfugiés dans Paris. Les migrants, eux, sont encore là évidemment, isolés et vulnérables. Je n’en pouvais plus de les voir errer dans le froid. Quand MSF a dénoncé ce harcèlement, mes amis et moi, on s’est dit que les lignes bougeaient, qu’on pourrait peut-être les mettre à l’abri. On avait tort.

    Ce soir-là, le 9 janvier, on a fait quelque chose d’incroyable. Je sais que c’est dingue, je sais que c’est de l’activisme, qu’on est des dangereux terroristes en faisant cela parce qu’on risque de traumatiser quelques habitants du quartier aussi… Mais voilà, avec une dizaine de fous, on a donné une vingtaine de tentes à des réfugiés à la rue et frigorifiés.

    Sans un mot ils ont chargé, gazé

    Il pleuvait vraiment fort ce soir, il faisait vraiment froid. Sur la place, à Pajol, quelques gars ont pu être à l’abri 3 heures à peine, sous des tentes. Dans un silence glaçant des flics sont arrivés. Ils nous ont regardé longtemps, puis l’ordre a dû tomber, les CRS les ont rejoint. Sans un mot ils ont chargé, gazé.

    Les gars sont à nouveau sous la pluie, à chercher désespérément une porte cochère. Personne n’aura de tente ni de couverture, tout a été jeté. L’ordre est revenu sur la place. Les dangereux activistes n’ont plus de tentes à donner ce soir. Mais on est en colère. Pas question d’abandonner. On ne laissera pas les migrants errer dehors, dans le froid, pour quelques tentes jetées dans une benne.

    Cette situation me met en colère

    On n’est pas naïfs, on savait que ce serait difficile. On le connaît bien ce harcèlement policier. C’est toujours le même scénario : dès qu’on veut donner de la nourriture, des vêtements ou des couvertures aux gars, la police arrive, met des Obligations de quitter le territoire (OQTF) à la pelle. Parfois, ils emmènent les réfugiés au commissariat. Ou bien ils confisquent et jettent les affaires qu’on leur donne. Médecin sans frontière (MSF) est monté au créneau il y a quelques jours contre ce harcèlement. Le ministre de l’Intérieur a nié, a parlé de « mise à l’abri ». On a voulu vérifier. On a bien vu…

    « Dès qu’on veut donner de la nourriture, des vêtements ou des couvertures aux gars, la police arrive […] ils confisquent et jettent les affaires qu’on leur donne »
    Marie-Laure, soutien aux réfugiés

    On a vite déchanté

    Ce soir-là, on a eu confirmation que l’appel de MSF n’a rien changé. Il y a un centre humanitaire depuis novembre à Paris, mais la rue n’a jamais été aussi dure pour les migrants. Cruel paradoxe. Quand ce centre pour migrants a ouvert, on avait de l’espoir : les réfugiés allaient être mis à l’abri. Mais on a vite déchanté. Tous les soirs depuis deux mois, une centaine de gars restent devant le camp sans pouvoir entrer, parce qu’il est saturé. Quand les gars sont isolés, quand il n’y a pas de camp, ils sont très vulnérables aux violences. Pendant les deux mois où ils attendent pour faire leur demande d’asile, ils peuvent se prendre des OQTF, être mis en centre de rétention. Et ils ne savent pas où dormir.

    Avec des amis, on va leur apporter du thé régulièrement. Un jour on s’est dit que c’était plus possible. On a tenté une première fois de donner des couvertures et les tentes qui nous restaient des anciens camps, il y a trois semaines, aux migrants qui erraient devant le centre. Ça n’a pas marché. Les policiers leur ont fait peur pour les disperser.

    La rue est dangereuse

    Aujourd’hui, on veut pousser pour réinstaller des camps dans Paris. Ce que cherchent les autorités aujourd’hui, c’est empêcher les réfugiés d’être visibles. Ils savent qu’en occupant l’espace public, on peut revendiquer des choses concrètement. Je ne crois pas aux manifs et aux pétitions. Il faut faire un campement de citoyens, avec des mal-logés et des migrants, pour les protéger. Ce n’est qu’avec ce sit-in permanent qu’on gagnera. Quiconque veut mener une lutte doit exister publiquement à un moment donné. A un moment donné, il faut bien qu’on gêne.

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