« Vous allez encore me casser du sucre sur le dos c’est ça ? » demande Jean-Paul, mi-vener, mi-suspicieux, quand on lui passe un coup de fil.
Entre StreetPress et le journaliste au flingue, c’est une histoire qui dure. En 2015, le loustic avait eu droit à un petit papier dans nos colonnes. Pas content, il était venu se plaindre auprès de la rédaction.
Il faut dire que JP est un objet médiatique non identifié. Depuis quelques années, l’homme enchaîne les coups d’éclat : reportages en terres inconnues, condamnation pour « recel de violation du secret de l’enquête » (il avait divulgué l’identité des frères Kouachi juste après l’attentat de Charlie Hebdo) autodafé de son passeport en direct sur Périscope. « Je suis un méchant receleur, donc je vais montrer à la justice française que je ne suis plus français » déblatère t-il à l’antenne. On concède : l’homme a le sens de la formule.
Le Telegram de Jean-Paul Ney
Mais cette fois si on l’appelle, ce n’est pas pour conter fleurette. En décembre dernier, JP a lancé Confidentiel, une chaîne Telegram sur laquelle il balance des scoops à ses 1.000 abonnés. Dans la description, on nous promet des infos « confidentielles » sur la politique, les guerres, la diplomatie…
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En remontant l’historique des messages, on retrouve pêle-mêle des nouvelles sur les forces spéciales serbes, sur le Pakistan qui testerait des missiles ou des photos du parrain de la drogue mexicain El Chapo lors de son extradition vers New-York.
Pour vos yeux ébahis, Jean-Paul Ney dévoile même en exclu son guide pour « Survivre pendant une attaque terroriste » sur Telegram !
Mais, le bonhomme sait aussi suivre l’actu. Le gros sujet de ces dernières semaines, c’est l’affaire Fillon. Et là, JP s’en est donné à cœur joie. Et nous aussi. Récit d’une semaine riche en émotions.
Mercredi, témoignage au vocodeur
Le Canard est sorti ce matin, apportant son lot de nouvelles révélations sur le PenelopeGate. Bon camarade et peut-être un peu jaloux, JP veut apporter sa pierre à l’édifice. Avec la traditionnelle pastille rouge au début de chaque message, on nous annonce un témoignage « EXCLUSIF » d’un lieutenant de Fillon.
A peine deux minutes plus tard, on sait tout :
« Il est têtu, il fonce, la tête dans le guidon, il est sûr de lui. Il est capable de tenir, si personne ne l’arrête. C’est ce qu’on appelle un coup d’Etat régulier […] Il est complètement bunkérisé dans sa tête ! »
Dans notre casque, une voix modifiée au vocodeur pour préserver sa précieuse source… Sauf que ça pourrait être n’importe qui.
Scoop /
Jeudi, photos « exclusives »
Dans tout Paris, la rumeur court. En fin de semaine, Closer devrait publier des photos de Fillon et de sa maîtresse. Sauf que le scoop tombe à l’eau : point de trace des dites photos dans le numéro du 3 février.
Jean-Paul, lui, n’a pas peur des pressions. Il décide de lâcher les chiens et balance les tofs (qui étaient déjà dispo sur une célèbre plateforme de vente de photos en ligne).
Quand on lui demande d’où il tient ce scoop, le bougre s’énerve :
« Je fais du journalisme à l’anglo-saxonne moi ! J’ai des sources et je les traite, et je n’ai surement pas à les donner ! Je ne suis pas comme cette petite caste parigot-parisienne qui traîne au Café de Flore. »
Dont acte.
Vendredi, la rumeur enfle
Le vendredi, pas de répit. JPoune, comme l’appelle affectueusement ses adeptes, poursuit ses révélations. Il affirme que le père de la supposée maîtresse et 2 cadres du LR confirment ses propos. C’est tout. Pour le moment.
Les ragots /
Samedi, il enfonce le clou
Pour faire taire les mauvaises langues, il a plus d’un tour dans son sac. Depuis son téléphone, il publie la capture d’écran d’un texto venu d’un cadre Les Républicains dit-il.
Ça balance /
Saoulé, JP ponctue d’un laconique : « Notre parti est l’information. Rien de plus. Et ce service est gratuit. Fin de la polémique »
Dimanche, c’est sacré
Jean-Paul se repose.
Dodo /
Lundi, petit week-end prolongé
JP prend aux mots la « journée sans téléphone » et n’envoie aucune nouvelle info.
Pour autant, il se lâche sur Twitter, avec un petit tweet pas piqué des hannetons.
/
Mardi, suspense
Les affaires reprennent pour Jean-Paul Ney. Dans la soirée, il prévient : « Que les confrères préparent le bloc-notes. Révélations demain dans la journée sur un emploi fictif en Île-de-France. »
On attend toujours.
Jeudi, et Mossoul alors ?
Il est à peine 7h du mat’ mais JP est déjà chaud. Il publie une liste de villes où ont lieu des « confrontations » hier soir, citant une de ses sources de la Bac 93.
Très partisan de la thèse selon laquelle le viol de Théo par un policier ne serait qu’un accident (il a même créé le hashtag #AccidentPASviol), il appuie ses propos avec un syllogisme bien senti.
Démonstration savante /
Au passage, deux minutes plus tôt, JP annonce que Mossoul est encerclée par les forces irakiennes. Commentaire d’un officier sur place :
« Les djihadistes doivent se rendre ou ils seront tués »
Seul contre tous
JP sait qu’il énerve. Et d’un côté ça lui plait :
« Comment vous savez que mes infos sont fausses ?? Qui est-ce qui a parlé pour la première fois de Mourad Hamyd ? Qui a identifié Rachid Kassim ? Qui a mis à jour Inès Madani ?! Qu’on arrête de me dire que je raconte des conneries ! »
Quand à Telegram, c’est le moyen pour lui de diffuser une info rapidement, à pas mal de monde d’un coup. Et puis ça a son avantage d’après lui : « C’est pas comme sur Twitter, les gens peuvent pas répondre, les trolls ferment enfin leur gueule ! »
Jean-Paul dit vivre de son taff comme consultant pour différentes chaines de télés, mais discretos : « Je suis obligé de bosser avec 4 pseudonymes différents, sinon les gens m’insultent ! »
Mystérieux, il affirme être en négo pour développer un média bien à lui. Il n’en dira pas plus, simplement :
« Ça je peux vous le promettre : je ne serais pas financé par la Russie ! Poutine c’est non de non ! »
Face au péril, nous nous sommes levés. Entre le soir de la dissolution et le second tour des législatives, StreetPress a publié plus de 60 enquêtes. Nos révélations ont été reprises par la quasi-totalité des médias français et notre travail cité dans plusieurs grands journaux étrangers. Nous avons aussi été à l’initiative des deux grands rassemblements contre l’extrême droite, réunissant plus de 90.000 personnes sur la place de la République.
StreetPress, parce qu'il est rigoureux dans son travail et sur de ses valeurs, est un média utile. D’autres batailles nous attendent. Car le 7 juillet n’a pas été une victoire, simplement un sursis. Marine Le Pen et ses 142 députés préparent déjà le coup d’après. Nous aussi nous devons construire l’avenir.
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