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    15/02/2017

    Parodies d’émissions de télé et vannes derrières les barreaux

    Lamal El Pistolero, le snapeur des prisons

    Par Maxime Grimbert

    En prison, il snapait ses délires. Depuis sa sortie, il balance au compte-gouttes des montages vidéos de ses stories tournées derrière les barreaux. Et ça cartonne : plus d’un million de vues pour le premier épisode.

    2015, à la Maison d’arrêt de Fresnes – Serviette sur la tête et rasoir en guise de micro, les détenus plagient The Voice. Barres de rire dans les douches communes. Les portables sont interdits dans « la maison d’arrêt la plus disciplinaire de France », mais Lamal, mobile en main, filme la scène et la balance sur Snapchat. Scoumoune : parmi ses 4.000 abonnés se cache un surveillant de l’établissement sous pseudonyme.

    Quelques jours plus tard, dans la cellule de 8m2, Lamal et ses codétenus se mettent bien « au max du max, en mode chicha et tout, laisse tomber », quand les matons débarquent pour une fouille. Ils n’ont pas le temps de cacher leurs 3 téléphones. Lamal veut au moins en sauver un. Ce sera le plus grand, un fat Nokia Lumia. Sur le trajet, il le planque dans son caleçon, profite que le gardien oublie de le faire passer par le portique-détecteur puis, dans la salle de fouille au corps, réussit à le glisser en scrèd sous un tapis. Un peu plus tard, il le récupère en retournant choper une chaussette qu’il a fait semblant d’oublier dans la pièce. Le jeu en valait la chandelle : à Fresnes, selon lui, un smartphone avec accès à internet se négocierait 800 €.

    Rolex et sandwich au thon

    Lamal nous fille rencard dans un centre commercial de Bagnolet. Le trentenaire arbore le même large sourire que dans ses snaps de prison. Il a seulement troqué son survet’ pour une tenue plus habillée, quelques bijoux, une Rolex et un trait de tondeuse sur le crâne. Gosse à L’Hay-les-Roses, il joue à la Play et découvre le kif de commenter les matchs.

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    El Pistolero / Crédits : Maxime Grimbert

    Ensuite, c’est les stups. Il pèse, ça lui vaut respect et flatteries au quartier, et un premier séjour de quatre ans qui commence à Bois-d’Arcy, rembobine-t-il en dégustant son sandwich au thon. À sa sortie de cabane, il ouvre Les bons côtés, un resto à Bagnolet. Et puis rebelote, 2 ans de provisoire à Fresnes, pour une autre affaire toujours en cours. Voilà pour le CV. Il termine son casse-dalle par un café noisette parce que le noir est trop fort et puis vanne le serveur : « Merci. On est bien traité ici ! »

    « Le thug, c’est trop fake. Et puis, ça n’marche pas. »

    La vie secrète des détenus

    « Quand t’es 22 heures sur 24 en cellule, les snaps, tu les fait pour toi, pour le moral », raconte-il, grave. Au total, plusieurs milliers de vidéos envoyées en 6 mois depuis son iPhone, jusqu’à « une toutes les deux minutes », précise-t-il en explosant de rire. Après l’infiltration par un maton de son premier compte, il filtre les abonnés ce qui limite l’audience. C’est à sa sortie en juillet que le buzz éclate. Lamal monte des séquences thématiques avec des snaps mis bout à bout. Ca donne « #Fresnes #MySecretStory ». Sur Facebook, elles explosent : la première #MSS de 6 minutes, a déjà dépassé le million de vues.

    Dans ses vidéos, Lamal enchaine les vannes et les détournements : « Les rois du shopping en prison », « Le meilleur pâtissier », « Question pour un champion de Fresnes » et surtout les émissions de foot de « Canal Fresnes ». Et même quand il montre d’innombrables rats grignotant des restes dans la cour de la maison d’arrêt, la vidéo était assortie de la légende « Ratatouille ne fait pas le ramadan ».

    Il redonne le sourire aux familles de détenus

    Même si lui garde le sourire, il sait que l’enfermement n’est pas rose pour tout le monde. Dans une vidéo il parle, à travers les barreaux, avec la cellule d’à côté :

    « Et ton codét’ brésilien, il dit quoi ? »
    « Il pleure. »

    Lui assure avoir vécu la prison confortablement. Parce qu’il avait le blé et le réseau pour avoir la télé, de la bonne bouffe, un téléphone portable et une chicha bricolé, et parce que sa communauté Snapchat l’a soutenu au quotidien. Et puis sa philosophie, dès le départ, c’est qu’à jouer à un jeu dangereux, on risque de perdre, mais qu’il faut assumer. « La prison, ça peut arriver à tout le monde. » Peace.

    Ses story qui montre une prison à la cool redonnent le smile aux proches de détenus :

    « Les galériens du parloir, les mères et les copines, quand elles font la queue pendant 3 heures pour nous voir, elles ne se demandent pas seulement si on s’est fait agresser dans un couloir. »

    Rap-jeu

    La suite de la saison 1 est prête. Il attend que le dernier en date atteigne un million de vues pour balancer le suivant. Au programme, toujours ses délires de prison. Mais cette fois, sans Béber. Son ancien codétenu qu’on voyait pas mal à l’image se caille toujours à Fresnes. Aujourd’hui il « risque de ramasser » à la place de Lamal.

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    Ca snap ! / Crédits : Maxime Grimbert

    « Maintenant, tout se passe sur Snap », commente Al’, son pote de toujours et producteur du Lamal rappeur :

    « Mais les stories, ça ne fait pas la promo de sa zik, ça peut le desservir. »

    Lamal prépare son second album, avec Mous. « C’est comme la famille, on fait tout ensemble. » Ceux qui le suivent sur les réseaux risquent d’être surpris en écoutant son rap, plus sérieux, sans être gangsta :

    « Même dans le rap, je ne fais pas le thug. Mon passé parle pour moi. »

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