En ce moment

    06/09/2017

    « Ca a énormément grogné au Tribunal. »

    Favoritisme et risques de conflits d’intérêts : l’épouse du ministre de l’intérieur nommée au Tribunal Administratif de Paris

    Par Tomas Statius

    A la suite de la nomination de Gerard Collomb place Beauvau, son épouse, Caroline Collomb, a obtenu sa mutation au Tribunal Administratif de Paris. Plusieurs magistrats dénoncent les risques de conflits d’intérêts.

    Le 1er septembre, c’est au Tribunal Administratif de Paris que Caroline Collomb a fait sa rentrée des classes. Selon des informations de StreetPress, après plusieurs années au Tribunal Administratif de Toulon, la magistrate a demandé sa mutation, après la nomination de son mari, à la place Beauvau. Au T.A, elle officiera à mi-temps dans la troisième section de la première chambre, spécialisée dans le contentieux fiscal. Le reste de la semaine, à Lyon, elle s’occuperait de la section En Marche ! de Rhône-Alpes, selon la Tribune de Lyon. Une information que dément la com’ d’EM !.

    Si la nomination de la femme de Gérard Collomb dans la prestigieuse institution parisienne est passée plutôt inaperçue du grand public, la nouvelle, publiée dans le journal officiel du 28 juillet 2017, a fait l’effet d’une petite bombe dans les couloirs feutrés du T.A de Paris. A StreetPress, plusieurs magistrats et personnels administratifs s’inquiètent de possibles conflits d’intérêts et du favoritisme dont aurait fait l’objet la femme du premier flic de France. « On ne peut pas avantager quelqu’un sur le simple fait que son mari est quelqu’un », dénonce un juge.

    Mutation exceptionnelle

    Chaque été, comme tous les corps de la fonction publique, la justice administrative connaît sa période de mercato. Les magistrats qui désirent changer de poste peuvent en faire la demande au Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel (CSTACAA). L’organe paritaire examine les demandes puis les valide (ou non) lors d’une réunion plénière, organisée en général au début de l’été. « A l’issue de ça, on a les résultats, les postes sont pourvus », explique un magistrat.

    Sauf que là, patatras ! La procédure ne suit pas son cours. « Lors du dernier CSTA, on apprend qu’un point a été ajouté à l’ordre du jour : la nomination de Madame Collomb au Tribunal Administratif de Paris » se souvient le même magistrat. Rien d’illégal là-dedans complète un autre juge, « tout au long de l’année il peut y avoir des mouvements individuels, que ce soit pour le service ou pour des raisons personnelles. » C’est au titre de « ces raisons personnelles » que la mutation de la femme de Gérard Collomb est actée le 18 juillet 2017 par un arrêté du conseil d’état :

    « Elle avait demandé le tribunal administratif de Montreuil ou celui de Paris. Le CSTA a accepté sa demande pour Paris à l’unanimité. »

    « Pour nous, les choses sont simples. Le cas de l’épouse d’un ministre n’est pas différent d’un autre », précise t-on du côté du Conseil d’Etat (1). Pour justifier cette mutation, les proches du ministre de l’intérieur, interrogés par la Tribune de Lyon, invoquent quant à eux des raisons de sécurité.

    Pas besoin d’elle

    Le seul hic, c’est que personne n’attendait Caroline Collomb du côté de la rue de Jouy. « Il n’y a pas de postes vacants au tribunal administratif de Paris », s’insurge un magistrat, dénonçant une nomination de « confort » :

    « Ca a été mal compris d’autant que beaucoup de collègues avaient demandé d’être nommées au T.A de Paris au titre du rapprochement familial. »

    « Pour moi, le problème essentiel est celui du favoritisme » rebondit le même magistrat :

    « Le gouvernement nous sert un discours sur une nouvelle manière de faire les choses dans l’administration, plus éthique. Et d’un autre côté, on fait bénéficier la femme d’un ministre d’un passe-droit. »

    Pour cet autre juge, ce type de mutation est « très rare » et relève du « traitement de faveur » :

    « Ca a énormément grogné au T.A. C’était unanime. C’était assez étonnant qu’elle se maintienne. »

    Conflit d’intérêt ?

    Quels dossiers va traiter Caroline Collomb au Tribunal Administratif de Paris ? Nommée à la première section, elle est en charge de contentieux sur les domaines « fiscaux, éducation-recherche, élections universitaires et d’étrangers », selon le site du T.A. La magistrate se retirera des affaires qui impliquent le ministère de l’Intérieur, indique une source à StreetPress. Cela ne suffit pas à faire s’envoler le soupçon de conflit d’intérêt, dénonce ce magistrat :

    « On peut estimer qu’elle va manquer d’impartialité. »

    Car, il est probable que Madame Collomb croise la route d’autres ministres dans les nombreux dossiers sur lesquels elle devra se prononcer.

    Contactés par StreetPress, ni le Tribunal Administratif, ni le ministère de l’intérieur, ni Caroline Collomb n’ont donné suite à nos demandes d’interview.

    Crédit photo de une : Rue89Lyon

    (1) : Edit du 9 septembre 2017 à 13h30. Propos recueillis avant publication de l’article.

    Pour continuer le combat contre l’extrême droite, on a besoin de vous

    Face au péril, nous nous sommes levés. Entre le soir de la dissolution et le second tour des législatives, StreetPress a publié plus de 60 enquêtes. Nos révélations ont été reprises par la quasi-totalité des médias français et notre travail cité dans plusieurs grands journaux étrangers. Nous avons aussi été à l’initiative des deux grands rassemblements contre l’extrême droite, réunissant plus de 90.000 personnes sur la place de la République.

    StreetPress, parce qu'il est rigoureux dans son travail et sur de ses valeurs, est un média utile. D’autres batailles nous attendent. Car le 7 juillet n’a pas été une victoire, simplement un sursis. Marine Le Pen et ses 142 députés préparent déjà le coup d’après. Nous aussi nous devons construire l’avenir.

    Nous avons besoin de renforcer StreetPress et garantir son indépendance. Faites aujourd’hui un don mensuel, même modeste. Grâce à ces dons récurrents, nous pouvons nous projeter. C’est la condition pour avoir un impact démultiplié dans les mois à venir.

    Ni l’adversité, ni les menaces ne nous feront reculer. Nous avons besoin de votre soutien pour avancer, anticiper, et nous préparer aux batailles à venir.

    Je fais un don mensuel à StreetPress  
    mode payements

    NE MANQUEZ RIEN DE STREETPRESS,
    ABONNEZ-VOUS À NOTRE NEWSLETTER