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    16/11/2017

    « Ici, c’est une sorte de discrimination positive et ça marche bien »

    « Plus drôles les filles » : la soirée de stand-up 100% féminine

    Par Laure dandolo

    Depuis 2014, tous les jeudis, les nouveaux talents du stand-up féminin ont leur soirée au Paname Art Café : « Plus drôles les filles ». Objectif ? Faire émerger de nouveaux visages dans un milieu machiste.

    Paname Art Café, Paris 11e – « Comme ça, par applaudissement, qui a passé une journée de merde ? », balance la comédienne Lisa Raduszynski. Elle est là pour chauffer le public venu voir « Plus drôles les filles », une scène de stand-up réservée aux femmes humoristes.

    Depuis 2014, la jeune femme de 35 ans passée par la case télé et le plateau d’On ne demande qu’à en rire sur France 2, est en charge de la programmation. Tous les jeudis à 19h, bonnet noir et allure adolescente, elle anime un plateau mêlant mots chocs et improvisation :

    « Je vois qu’il y en a encore avec leur verre, on repère vite les alcoolos. »

    Ce soir, dans la petite salle du sous-sol, devant le panneau façon station de métro « Paname » accroché au mur de pierre, elles sont cinq à jouer. Huit minutes chacune dans l’arène, comme l’appelle Judith Margolin, 32 ans, autoproclamée « réincarnation ashkénaze de Marylin Monroe ».

    Le but de la soirée : roder les blagues et dévoiler au public une partie de son spectacle pour en faire la promotion. « J’adore liker les photos des meufs qui font du fitness sur Instagram. Ça m’aide à faire le point sur ma vie », balance Marina Cars, une grande brune piquante, habituée du lieu. De son côté, l’humoriste Solène Rossignol, 30 ans, chemise en jean sans manches, joue l’angoissée. De sa voix monocorde elle confesse « quand je regarde mon mec, j’aime bien penser à quel genre d’ex on sera », devant un premier rang composé de filles à la mine réjouie.

    « Ça permet aussi de capter de nouveaux talents »

    Créé par le comique Kevin Razy en 2010, le plateau hebdomadaire « Plus drôles les filles » fait partie des meubles. Il est programmé chaque semaine sans interruption depuis 2014. « Le but c’est d’aborder des sujets qui parlent aux filles. Ça permet aussi de capter de nouveaux talents, on fait un vrai boulot de dénicheur ici, à la place des producteurs », explique Karim Karchour, le gérant du bar.

    Depuis 2008, il a fait de son café une référence du stand-up. Pas peu fier, il liste les talents qui ont émergés dans son sous-sol : Nawell Madani, Bérangère Krief ou encore Fary. Assis dans les canapés à l’entrée du bar, près d’une reproduction géante d’un Lapin Crétin, l’homme à la carrure imposante constate que le stand-up souffre « d’une mauvaise image d’art de cité » où il y a beaucoup de mecs. Pour autant, le producteur refuse de définir la soirée « Plus drôles les filles » comme un événement féministe :

    « On n’est pas le Femen Comedy Club. »

    « UNE DISCRIMINATION POSITIVE QUI MARCHE »

    De leur côté, les humoristes concernées, elles, sont heureuses d’avoir une scène dédiée. « Dans les autres plateaux, il n’y a en général qu’une seule fille. Ici, c’est une sorte de discrimination positive et ça marche bien », confie après le spectacle Lisa Raduszynski. Les humoristes passées ce soir témoignent de la sous-représentation des femmes dans les autres scènes de stand-up. « C’est souvent cinq mecs pour une nana », rebondit Judith Margolin qui vient du théâtre classique.

    « Avec les mecs il y a parfois une sorte de machisme ordinaire. Tout le monde a envie de briller, entre filles c’est plus apaisé », poursuit la comédienne. Lisa Raduszynski surenchérit :

    « Ça fait devenir féministe. Avec les mecs, il faut s’imposer. T’es obligée d’être une grande gueule. Et si tu dragues, t’es foutue. »

    À ses débuts, Solène Rossignol, quant à elle, n’était pas très à l’aise avec le concept d’une scène réservée aux femmes. « J’essayais de travailler des sketches que je pensais plus adaptés au côté soirées filles », raconte t-elle. Avant de se rendre compte « qu’il n’y a pas de raison que les filles aiment plus un type d’humour qu’un autre ». Pour elle, ce qu’il faudrait c’est plus qu’une scène dédiée aux femmes :

    « Je préfèrerais voir les autres [filles humoristes] dans des plateaux mixtes sans qu’il y ait besoin de ça. »

    Tout le monde acquiesce. Car dans le milieu, les clichés perdurent. Lisa Radusznski entend encore parfois des réflexions de la part des mecs « t’es drôle pour une meuf » ou sa variante « c’est rare les meufs qui me font rire ».

    « D’habitude il y a plus de monde. »

    Le public épars de ce soir a demandé de l’énergie aux jeunes femmes. Répartis autour de la petite scène, seulement quelques groupes de filles et trois couples. Au fond de la salle, le régisseur qui fait office de chauffeur de salle, avance dans les rangs et demande au public « d’exagérer » pour mettre l’ambiance. « D’habitude il y a plus de monde, mais on a changé d’horaire. 19h, c’est peut-être plus difficile pour coller aux sorties de bureau », confie Lisa Raduszynski.

    En remontant après le spectacle il y a foule au bar. Les clients consomment vite leur boisson à 5 euros, condition pour accéder au sous-sol. A 20h, ce sont les têtes d’affiche du Paname Comedy Club qui brûleront les planches. Au programme Seb Mellia, Paco Perez et … une seule femme : Marion Mezadorian.

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