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    07/03/2018

    « La sexualité est politique »

    Flozif, papesse de l'érotisme lesbien à Paris

    Par Alice Herait

    Avec deux décennies passée à investir la scène queer parisienne, Flozif s'est forgée une solide réputation de militante du cul. Elle promeut les sexualités alternatives et le plaisir féminin.

    « Je suis incapable de vivre dans un milieu normé. » Attablée à une terrasse du 11e arrondissement, Flozif parle librement de sa sexualité, de ses expériences mais refuse de donner son âge. Tout ce que l’on sait, c’est que la militante, cheveux poivre et sel coupés façon punk, a deux décennies d’ancienneté sur la scène culturelle queer parisienne. Flozif, vêtue d’un débardeur noir et d’une ceinture cloutée, multiplie les activités : tout à la fois documentariste, organisatrice de festivals de cinéma, actrice et activiste. Avec comme fil conducteur, la volonté de promouvoir les sexualités alternatives :

    « La sexualité est politique. À une époque, mes copains gays s’éclataient dans des fêtes, les filles, elles, étaient le parent pauvre. Je me suis dit qu’on était jamais mieux servies que par soi-même. »

    Dès 2009, Flozif se fait remarquer avec ses PlayNights. Des soirées underground autour des sexualités, où les femmes lesbiennes, trans ou queer, peuvent se rencontrer et donner libre cours à leurs désirs, tant que les règles du consentement y sont respectées. Organisées une à trois fois par an, elles font partie des seules sex-parties réservées aux femmes à Paris :

    « C’est la seule façon pour que cette sexualité puisse exister et s’exprimer. »

    Promouvoir des sexualités alternatives

    Organisées dans la grande salle de la boite gay NeXt, les soirées se divisent en deux parties : bar et espace cosy en haut, backrooms et cabines en bas. En début de soirée, des ateliers en lien avec les pratiques BDSM sont organisés : cire, fouet, bondage japonais… Flozif précise :

    « Ces ateliers permettent de se rencontrer et de créer des échanges avant la soirée. »

    La fête continue ensuite dans différents espaces conçus pour se rencontrer, baiser, mater du porno ou danser. Les Playnights sont aussi des lieux « d’empowerment » selon Flozif :

    « Dans une société où la culture dominante est l’ultra-féminisation et l’hétéronormativité, les Playnights sont aussi une façon de laisser s’exprimer des sexualités autres, dans un espace où elles se sentiront moins jugées. »

    L’idée des Playnights lui vient un soir, au Beverley, le dernier cinéma porno de Paris. Elle y organise un ciné club de films queers réservé aux femmes. « À l’intérieur, les filles ont commencé à se débrider », raconte-t-elle :

    « Je me suis dit que si on pouvait faire ça dans une séance de cinéma on pouvait le reproduire dans une fête. »

    « La culture alternative est la culture de mon adolescence »

    Flozif passe son adolescence dans des squats parisiens « à l’époque de la scène punk et des Beruriers noirs ». « Mon père s’occupait d’alcooliques et ma mère donnait des cours d’éducation sexuelle dans les écoles, ce qui à l’époque était inédit. » Fille de parents militants, elle a retenu de son éducation qu’il était possible de s’éloigner de la norme imposée. Quant à son pseudo, Flozif, elle l’a hérité de l’époque Myspace :

    « Comme on dit que j’ai un tempérament de feu, mon slogan c’était ‘Flozif, c’est sexplozif’ »

    Passée par l’école du cirque avant d’étudier l’histoire de l’art et de basculer dans le montage audiovisuel, Flozif s’est également formée au Shibari, le bondage japonais, lors de ses passages dans la capitale allemande. Une technique qu’elle entend rapprocher des milieux de la danse plutôt que des milieux fétiches. Après quelques performances et démonstrations de cordes, depuis janvier, elle enseigne cet art à ceux qui revendiquent d’autres formes d’esthétiques : des personnes queers, trans, mais aussi des personnes grosses ou poilues, celles qui généralement se sentent mal à l’aise dans des espaces « classiques ».

    Avant-garde

    Aujourd’hui, si les soirées de Flozif remportent un franc succès, il arrive que certaines tiquent : « En distribuant des flyers, on me dit parfois que je prône l’infidélité et l’amour à plusieurs, que c’est dévalorisant. Généralement, les personnes qui se permettent ce genre de réflexion n’ont jamais mis les pieds dans une Playnight », confie Flozif.

    L’organisatrice, qui se dit « anti-jugement » estime qu’elle est encore la cible des a priori qu’elle tente justement de briser : « À partir du moment où l’on touche aux sexualités, on est forcément critiqué ». Mais rien ne fera plier la militante, qui a déjà un programme bien chargé pour 2018. Actuellement à l’affiche avec son rôle dans le film My Body My Rules, elle poursuit également ses Playnights et ses cours. Elle organisera, aussi, le What the Fuck Fest, festival queer des sexualités dissidentes, prévu pour cet été.

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