Ménilmontant, Paris 20e – « Yaya, reviens ici, c’est à ton tour. » Equipé de sa petite caméra Canon, Rosnay Ekotto, 20 ans, tourne l’ultime épisode de la première saison du Petit Yaya. La web-série, diffusée sur Youtube depuis trois ans, raconte les aventures et les galères d’un gamin qui fait tourner en bourrique tout le monde dans son quartier. Réalisée avec des bouts de ficelle, des acteurs amateurs et le ter-ter pour décor, elle fait un carton auprès des kids. Certains épisodes de cette web-série humoristique atteignent 500.000 vues sur YouTube.
Raconter la routine du quartier
Ce lundi, c’est un peu le bazar. Une dizaine d’acteurs traînent entre le hall d’immeuble et le parc du 140 Ménilmontant, encore bondé à 17h. Les acteurs sont « des amis, des voisins ou des connaissances » du jeune réalisateur. En attendant leur tour, Jessy et Cheryl, des jumelles de 16 ans, improvisent un petit shooting photo pour leur compte Instagram. « Quand il a besoin de nous, il passe un coup de fil et on arrive », explique l’une d’elles. Ici, tout le monde est bénévole. « À la base, c’était juste un délire », explique Rosnay, entre deux séquences.
Son style décalé et sa teinture rouge contrastent avec sa personnalité plutôt calme. Autodidacte, il a commencé à tourner des vidéos au lycée :
« Ma mère m’a offert une caméra pour Noël. C’était l’époque des Vines, j’ai commencé à en faire de temps en temps. »
Ca tourne / Crédits : Djenaba Diame
Rapidement, il se fait un petit nom dans l’univers des viners. TheGrims, -« tout le monde m’appelle comme ça »—, et cumule 31.000 abonnés sur Facebook et 68.000 sur Youtube.
En 2015, il a l’idée de lancer une série pour raconter « la routine dans le quartier, au 140 » :
« J’ai choisi Yaya comme personnage central parce qu’il est marrant, il a un bon profil. »
Le réal de 20 piges connaît son acteur principal depuis l’époque où il porte des couches. Aujourd’hui, le petit Yaya a 13 ans, même si son personnage en paraît plutôt 10 ou 11. « C’est vrai, le petit Yaya est chiant, mais au fond il a un cœur d’ange », commente le jeune acteur, élève en 4e au collège Francine Fromond. « Personne n’a calculé le premier épisode ». C’est seulement le second, tourné presque deux ans plus tard, qui cartonne. TheGrims met ce succès sur le compte d’une « nouvelle génération de gosses qui squattent Youtube ».
Tonton Marcel et Maître Gims
Fin de la pause, Tonton Marcel, le guest du jour, s’impatiente gentiment :
« C’est pour bientôt ? J’vais pas tarder à partir avec les gosses. »
L’intervieweur préféré des rappeurs français est venu remonter les bretelles du personnage incarné par TheGrims, qui cumule les fonctions d’acteur et de réalisateur. « Dans la série, je suis l’oncle de Yaya et TheGrims le pousse à faire n’importe quoi, c’est pour ça que je dois le faire morfler », détaille Tonton Marcel. Rencontré « par hasard, dans un grec à Châtelet », il a accepté de participer parce que ses enfants raffolent de la série.
Le fameux petit Yaya. / Crédits : Djenaba Diame
« On collabore aussi avec le comédien Blackii et les Q.E Favelas, un groupe de rap qui monte, ont participé à l’épisode 8 », raconte Rosnay. Pour la prochaine saison, la fine équipe rêve d’inviter Maître Gims. Ce n’est pas impossible, ils en sont convaincus :
« Faut y aller au culot ! »
Pour la scène de la baston, on retourne à l’autre bout du parc. Après quelques coups de pinceau, TheGrims est prêt. « Ça fait vrai, on dirait que tu t’es fait tabasser », commentent les enfants. Alexandra, une amie, prend le relais derrière la caméra. Tonton Marcel simule une balayette, puis mitraille de faux coups de poing le jeune acteur. « On recommence pour être sûrs qu’on a tout. » Silence, on tourne… Mais un peu plus loin, les jumelles reprennent en chœur une chanson d’Alicia Keys. Petit attroupement autour d’elles. « Dites-leur de la fermer », peste TheGrims.
Le quartier est fier de nous
La dernière séquence enfin dans la boîte, tout le monde se retrouve sur les marches du hall d’immeuble pour bavarder. Et ça cogite pour trouver de nouvelles idées en vue de la prochaine saison. « Tout le monde nous conseille. Tout le monde nous soutient, les enfants sont hyper contents de jouer, de se voir sur Youtube et leurs parents aussi », assure TheGrims. « Les grands du quartier nous donnent aussi des idées, parfois ils nous prêtent même leur voiture », complète Yaya.
Ils promettent des « scénarios plus travaillés et de meilleures scènes » pour la saison 2. Pour autant, ils ne veulent pas passer pro. TheGrims l’assure :
« L’identité du truc c’est qu’on fait ces vidéos entre nous, pour s’amuser. Il n’y a pas de prise de tête et on ne veut pas que ça change. »
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