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    24/07/2019

    « La tendance en ce moment, c’est plutôt deux dents côte à côte comme Dosseh »

    Jérémy Kaldili fait les grillz de Booba, Kimpembe et Jaden Smith

    Par Valentine Poignon

    Pour fabriquer ses grillz, le gratin du rap français fait appel à Jérémy. Mais ces bijoux buccaux ne sont plus réservés qu'aux stars. Comptez seulement 90 euros pour décorer une dent avec une bague en argent.

    « J’ai fait une dent en or en forme de maître Yoda à Booba. » Jérémy Kaldili est bijoutier, mais pas n’importe lequel. Depuis trois ans, il fait partie des rares artisans à créer des grillz, ces bagues à placer autour des dents. Sur-mesure, personnalisables à l’infini, ses bijoux ont tapé dans l’oeil d’un paquet de rappeurs. Kaaris, Dosseh, Kalash Criminel, Dinos, Gradur, Benash, Leto, sont passés par son shop de Maisons-Alfort, dans le Val-de-Marne. « Il s’est beaucoup occupé de mes dents, Jérémy m’enjolive la mâchoire », raconte en riant le Parisien Jok’air. Jérémy commente en souriant : « C’est mon plus fidèle client ! » Le bijoutier a la côte même au-delà des frontières : il a fait une dent en or pour Jaden Smith, le fils de Will Smith. « On s’est rencontrés à la boutique Colette. Je lui ai proposé de lui créer un grillz. »

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    Jérémy Kaldili, le bijoutier du rap français. / Crédits : Valentine Poignon

    La chanteuse Mai Lan, le footballeur Kimpembe, les candidats de télé réalité Eddy et Raphaël des Anges, tous sont clients du jeune créateur de 25 ans.

    « Mais j’ai aussi des étudiants ou des designers. Je voudrais rendre le grillz accessible. »

    Créateur de grillzs autodidacte

    « Pour créer des grillz, il n’y a pas d’école, ni de tuto. J’ai appris sur le tas », lâche Jérémy Kaldili d’un mouvement qui fait vaciller sa grosse chaîne en argent. « Je l’ai conçu comme une chaussette, un bijou que tu glisses sur la dent. » Il y a quatre ans, il réquisitionne l’atelier de joaillerie de son père à Maisons-Alfort pour lancer son affaire. « J’aimais la culture américaine, je regardais des clips de rap où les mecs avaient des dents en métal. Moi, je maîtrisais l’or, les diamants. Je me suis lancé », raconte le businessman à casquette et jean troué.

    Il commence par tester les différentes techniques sur ses propres dents, jusqu’à trouver le matériel adéquate et la méthode parfaite. Il réalise d’abord l’empreinte de la dentition à l’aide d’une pâte, « comme les orthodontistes le font pour un appareil dentaire ». Puis cette « base » est plâtrée pour « révéler la forme des dents ». Dans l’un des tiroirs de son atelier, il les collectionne. « Là, c’est celui de Kaaris. Je lui ai fait six dents en argent, dont des canines de vampire. »

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    Le modelage qui a servi à réaliser un dentier vampire à Kaaris. / Crédits : Valentine Poignon

    À partir de ce moulage, Jérémy dessine le grillz avec de la cire. Il le fabrique ensuite dans le métal souhaité : or 18 carats blanc, rose, jaune ou argent. Aucun autre. « Ce n’est pas le même matériel que les bijoux qu’on porte sur la peau. Tous les métaux ne peuvent pas aller dans la bouche, certains risquent de rouiller. » Il peut aussi ajouter certains métaux précieux, comme il l’a fait pour le champion du monde Presnel Kimpembe qui lui a demandé des diamants. « C’est un peu la tendance chez les footballeurs », commente-t-il.

    Il ouvre officiellement l’Atelier du grillz en 2016. « À l’époque, il n’y avait pas de sites ou de lieux physiques. Je voulais rendre ça facile d’accès. Mes premiers clients étaient des potes ou des gens que je rencontrais en soirée », explique-t-il sans se laisser déconcentrer par le son de French Montana, diffusé en fond dans l’atelier. Très vite, les clients mordent à l’hameçon :

    « Rien que cette semaine, j’ai fabriqué une trentaine de grillz. »

    De Raphaël des Anges à Jok’air

    C’est la télé-réalité qui popularise ses bijoux. « Peu après mes débuts, Raphaël des Anges de la télé-réalité m’a fait une commande. Il s’est pris en photo avec et m’a tagué sur Instagram ». Steven des anges et Eddy toquent à sa porte. Suivent des rappeurs. L’affaire est lancée.

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    L'artiste dans ses oeuvres. / Crédits : Valentine Poignon

    Chacun arrive à la boutique avec ses idées. Une dent, toute une rangée, les deux canines… Tout est possible. Le rappeur Cheu-B a par exemple demandé une dent en argent, gravé avec le logo Versace. Cédric Doumbe, huit fois champion du monde de boxe, a lui choisi de couvrir ses dents de devant, haut et bas, d’or.

    La commande la plus WTF revient à Jok’air qui, pour la pochette de son album Jok’Rambo, a réclamé « en urgence » des dents de lapin en argent. Depuis, l’ex-membre du groupe MZ ne jure que par Jérémy et son Atelier du grillz. « Je kiffe la personne et son boulot. Je lui ai même demandé de faire fondre l’or de ma maman. »

    Macron avec un grillz ?

    Le bijoutier touche un public de plus en plus large. Récemment, il a créé un grillz pour une actrice française dont le nom est précieusement gardée secret. « C’est pour une série Netflix, la prod l’a envoyé ici », rapporte-t-il. « J’ai des gens qui viennent se faire créer leurs bijoux comme ils pourraient se faire tatouer », raconte Jérémy, qui assure que « le grillz se démocratise vite ». 90 euros pour la dent en argent, 180 pour celle en or. Les tarifs grimpent pour ceux qui réclament l’ajout de détails en 3D ou des gravures. Comptez 680 euros, tout de même, pour une dent sertie de diamant. « La tendance en ce moment, c’est plutôt deux dents côte à côte comme Dosseh. »

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    Il est armé jusqu'aux dents. / Crédits : Valentine Poignon

    Sur le compte instagram de la boutique, il n’y a pas que des rappeurs mais aussi étudiants ou des designers d’intérieur. Tous « grillzés » par Jérémy. Comme ce batteur d’un groupe de rock amateur, qui vient à l’atelier en cette fin d’après-midi chercher son bijou en or, adapté à sa prémolaire. Queue de cheval, corps fin et dentition parfaite, le mélomane d’une vingtaine d’années essaie pour la première fois son grillz. Il galère quelques instants. « C’est un coup de main à prendre, c’est comme tout », le rassure Jérémy. « C’est hyper fin, je la sens pas frère », assure l’homme en passant sa langue sur ses dents.

    « C’est encore un peu tabou, mais dans 5 ou 6 ans, je suis sûr que ça sera commun », jure le bijoutier. Sur son fil insta, il y a une photo de Jok’air, tout sourire argenté, debout aux côtés de la première dame de France, Brigitte Macron. Jérémy se marre :

    « Qui sait, peut-être qu’un jour, le président sera grillzé. »

    Article réalisé en partenariat avec le CFPJ

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