Veste grise sur pull gris et tout sourire face à la caméra, Audrey Pulvar lance :
« Les jeunes diplômés, les cadres d’entreprises et les lanceurs de start-up ont besoin de formations avec les meilleurs spécialistes. C’est ce que nous allons leur proposer à Green Management School. Rejoignez-nous ! »
Sur la vidéo de promo, l’ex journaliste reconvertie en politique joue les VRP pour une école privée qui revendique de former aux enjeux environnementaux les cadres de demain. En échange de près de 8.000 euros, les étudiants en alternance de Green Management School (GMS) bénéficient de deux demi-journées par semaine de cours en ligne. Au programme, environnement (climatologie, géopolitique du changement climatique…) et start-up nation (positive business, startup thinking)… Si l’école met assez largement en avant l’ancienne journaliste entrée en politique, l’inverse est moins vrai. À peine une poignée de tweets au printemps 2020 y font référence et depuis plus rien. À croire que la candidate du PS n’assume pas vraiment de jouer les égéries pour une école privée. StreetPress aurait aimé lui poser la question, mais nos demandes d’interviews sont restées sans réponse.
L’école GMS met assez largement en avant l’ancienne journaliste entrée en politique, notamment dans son recrutement comme ici sur Facebook. / Crédits : GMS
Pulvar, chargée du recrutement
Le projet d’école a été initié en 2017 par Audrey Pulvar, Franck Papazian – président de Mediaschool, un groupe de 38 écoles privées de communication – et Franck Kerfourn, déjà directeur de l’une d’entre elles. L’ex-présidente de la Fondation Nicolas Hulot (FNH) de 2017 à 2019 est toujours, en parallèle de son siège au Conseil de Paris et sa campagne pour les élections régionales, directrice scientifique de l’école privée. Une activité plutôt lucrative, selon sa déclaration d’intérêts faite à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique. Pour la période de janvier à juin 2017, elle a touché 42.000 euros, soit 7.000 euros par mois, puis 4.000 euros sur novembre et décembre 2019. Sur ce document, l’activité est présentée comme une mission de conseil sans plus de détails. Contactée à plusieurs reprises, elle n’a pas souhaité répondre à nos questions.
L'activité d'Audrey Pulvar chez GMS est plutôt lucrative : pour la période de janvier à juin 2017, elle a touché 42.000 euros, soit 7.000 euros par mois, puis 4.000 euros sur novembre et décembre 2019. / Crédits : HATVP
Ce qui était attendu d’elle n’est pourtant pas vraiment secret. Pendant l’une des réunions de présentation organisées en ligne, Audrey Pulvar prend ses distances avec la façon dont on la présente :
« On m’a attribué le titre, à mon sens usurpé, de directrice scientifique parce que je ne suis pas du tout scientifique. Mais mon boulot, c’est d’animer le conseil scientifique et de constituer l’équipe pédagogique de GMS. »
Le but affiché est donc d’utiliser son carnet d’adresses établi au fil de ses années d’engagement associatif et politique pour convaincre des pointures de rejoindre l’aventure GMS. Au téléphone, Dominique Bourg – membre du conseil scientifique de GMS et ancien président du conseil scientifique de la FNH – le confirme sans détour :
« L’école n’existerait pas sans l’apport qu’a donné Audrey, c’est très clair. Ce sont ses relations à elle qui ont fait que ces enseignants sont venus faire des cours. »
Pour lui, le conseil scientifique de GMS est même directement issu de celui de la fondation Nicolas Hulot. « On l’aimait bien, elle nous a demandé ça, on lui a dit oui parce que c’était elle », reconnaît-il. Et c’est ce corps professoral qui fait toute la force de GMS. Audrey Pulvar a ramené du beau monde : une climatologue reconnue, Marie-Antoinette Mélières, un membre du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) François Gemenne, l’agronome Marc Dufumier ou encore le vice-président de la Commission nationale du débat public Floran Augagneur.
Le conseil scientifique de GMS est tiré du carnet d'adresses de l'ancienne journaliste. / Crédits : GMS
Les cours en ligne, c’est plus rentable
Un casting de grands noms qui a permis de convaincre 130 élèves dès sa première rentrée, en octobre 2020. La maquette de cours prévoyait seulement 30% de cours en présentiel, à suivre sur l’une des huit villes à travers la France où le groupe Mediaschool (38 écoles privées de communication) – dont fait partie GMS – possède des campus. Et avec le Covid, la formation a généralisé les cours en ligne. Pour justifier ce choix, le directeur de GMS, Franck Kerfourn, joint par StreetPress, met en avant le plus faible bilan carbone et l’absence de contrainte géographique : un étudiant peut, d’où qu’il soit en France, suivre la formation. C’est aussi une façon de réaliser de grosses économies sur l’immobilier. De l’aveu même de son directeur, Franck Kerfourn, le passage au tout numérique devrait permettre à GMS d’atteindre le seuil de rentabilité en deux ans au lieu de trois.
L’essentiel des cours est pré-enregistré, sous format MOOC, avec la possibilité de poser des questions dans un chat sur la plateforme auxquelles l’enseignant pourra répondre plus tard. Les étudiants y consacrent deux demi-journées par semaine et une fois tous les MOOC de l’enseignant visionnés, une séance visio est organisée pour enfin interagir avec lui en direct. Les élèves jugent la formule efficace. Hugo (1) a découvert GMS via une publicité ciblée sur Facebook qui mettait en avant Audrey Pulvar. C’est aussi elle qui anime toutes les réunions de présentation en ligne censées convaincre les futurs étudiants. À 34 ans, Hugo retrouve les bancs de l’école en parallèle de son poste de chargé de projets RSE dans une agence de conseil. Au départ, il avait peur du greenwashing. Après quelques mois de formation, il se dit agréablement surpris et même parfois en difficulté face à la densité des connaissances à maîtriser.
Des étudiants satisfaits
À 21 ans, après sa licence de communication, Inès (1) cherchait quant à elle une formation qui lui permettrait d’aligner son projet professionnel avec ses convictions écologiques. Lors d’un salon étudiant, une autre élève, tout juste enrôlée par GMS après trois ans passés dans une autre formation Mediaschool, l’a convaincue. L’expérience est à la hauteur de ses attentes :
« Les cours sont passionnants, j’adore ce que je fais. Je ne me suis vraiment pas trompée. »
Le coût élevé de la formation n’est pas vraiment un problème pour les élèves interrogés, dans la mesure où il est pris en charge par leurs employeurs. Comme l’avait souligné Charlie Hebdo l’année dernière, l’école revendique un partenariat avec 200 entreprises, bien connues pour leur engagement environnemental comme l’Oréal ou LVMH.
Qu’importe, enseignants et étudiants sont globalement contents de l’expérience. Avec une nuance : pour Dominique Bourg, cette réussite « n’est pas du tout quelque chose de reproductible ou qu’on peut développer à l’infini » si l’objectif est de maintenir la qualité d’enseignement. La direction a annoncé à StreetPress son intention d’ouvrir une seconde promotion, en doublant les effectifs et donc le chiffre d’affaires.
(1) Les prénoms ont été modifiés.
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