Ce mardi 7 décembre, comme chaque jour depuis près d’un mois, 83 travailleurs sans-papiers tiennent le piquet de grève devant les locaux de leur employeur, RSI Interim. Quelques dizaines de personnes sont venues partager un café et les soutenir. Ils luttent depuis un mois pour que Belvedia, maison-mère de RSI Interim, donne aux grévistes les promesses d’embauches qui leur permettront de régulariser leur situation.
Cette nuit-là, à 23h, la nouvelle tombe : Mahamadou, porte-parole des travailleurs sans-papiers de Gennevilliers reçoit un mail de l’entreprise niçoise. Elle vient à l’instant, lit-il, d’envoyer les 83 promesses d’embauches et 81 attestations de concordance d’identité nécessaires à leur régularisation. Mahamadou s’empresse de crier la grande nouvelle à tous ses compagnons :
« Les camarades étaient tellement contents quand j’ai annoncé la nouvelle. Ils ont commencé à danser »
« Je savais qu’on allait réussir »
Pour obtenir les fameux documents, les 83 ouvriers sont restés nuit et jour dehors, emmitouflés dans leurs couettes pour affronter les températures glaciales. « Il y a des jours où j’étais démoralisé. Je voulais juste rentrer dans le foyer où j’habite pour dormir au chaud dans mon lit », reconnaît Yatté. Certains grévistes rentraient ponctuellement dormir pour revenir au petit matin avec les batteries rechargées et reprendre part à la mobilisation. Depuis l’installation du piquet de grève le lundi 8 novembre, Yatté n’a quitté son poste que deux nuits. « Avec le froid, ma voix a beaucoup changé », glisse le jeune malien, sourire aux lèvres, l’air de dire que cela en valait la peine. Il lance avec joie :
« Mais on a tenu. J’avais beaucoup d’espoir, je savais qu’on allait réussir à avoir nos documents. Surtout grâce aux soutiens. »
Les travailleurs ont pu compter sur la solidarité de nombreuses personnes. La mosquée de Gennevilliers est venue plusieurs fois offrir des repas chauds à l’ensemble des travailleurs. Et plusieurs politiques ont marqué leur soutien. « La majorité du Conseil municipal de la ville s’est positionnée pour soutenir les travailleurs de RSI », détaille Grégory Boulord, adjoint au maire Front de gauche de la ville du 92. « On a fait livrer une toilette, un barnum, un brasero, des couettes, des repas chauds, des vêtements… Les élus venaient à tour de rôle sur le piquet de grève pour afficher leur soutien aux travailleurs », explique l’adjoint. La CGT ainsi que des élus PCF et LFI ont également marqué leur soutien.
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Un combat sans concession
Au fil du mois de grève, l’agence Belvedia a fourni au compte-gouttes des documents aux grévistes. D’abord 27 attestations de concordance d’identité, puis plus tard 19 promesses d’embauches et par la suite 60 en espérant que les ouvriers quittent les lieux. « On a dit qu’on ne bougerait pas tant que tous les travailleurs n’auront pas reçu leurs documents », avait répondu le Malien qui travaille pour RSI depuis cinq ans.
Jusqu’à ce mardi, soir de victoire. Pour autant, le combat est loin d’être terminé. Vendredi 9 décembre une délégation de grévistes sera reçue par le maire afin de « caler la stratégie pour les rendez-vous préfectoraux », avance Grégory Boulord. « Le maire va mettre la pression avec la députée et la conseillère départementale pour être reçus par le préfet. » Yatté insiste :
« On a décidé qu’on tiendra le piquet de grève jusqu’à ce que chacun d’entre nous obtienne un rendez-vous à la préfecture. »
« Quand on aura des papiers on pourra travailler avec l’esprit tranquille sur les chantiers. Le chef ne nous mettra pas la pression », espère Mahamadou. Yatté, lui, pense déjà au moment où il pourra revoir ses parents au Mali :
« Ça fait presque sept ans que je n’ai pas vu ma famille au pays. »
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