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« Parfois je la sens à peine, parfois elle est très présente au point d’avoir du mal à me concentrer sur autre chose. Elle est toujours sous-jacente et je ne sais pas comment l’apaiser, c’est très frustrant. »
Et elle n’est pas la seule dans ce cas.
Errance médicale
« Ce n’est pas du tout un problème de soignants malveillants ou maltraitants, mais le matériel ne suit pas », insiste la jeune femme. Claire bénéficie d’un très bon suivi médical à l’Hôpital Pitié Salpêtrière de Paris, auprès de qui elle a pu réaliser une batterie d’examens il y a deux ans, ainsi que chez sa gynécologue pour son suivi régulier et cette douleur inexpliquée.
Faute d’examen en profondeur, elle a longuement cherché un établissement possédant un IRM grande taille en France, seule, pour faire identifier et espérer soigner ce qui lui fait mal. C’est-à-dire pas uniquement traiter les symptômes. Il existe bien des scanners dans lesquels elle peut rentrer, mais ça ne suffit pas. Or trouver un IRM pouvant supporter à la fois son poids et accueillir sa corpulence, très marquée au niveau du ventre, relève de l’impossible, même en champ ouvert, un dispositif pourtant moins restreint pour les corps gros (et les claustrophobes). « Et on m’a expliqué qu’il y a des risques de brûlures si mon corps est trop près des parois de l’appareil. » Quant à chercher dans d’autres pays, Claire n’en a absolument pas les moyens, entre ses soucis de mobilité, les frais de voyage et le non-remboursement par la Sécurité sociale.
Des soins pour tous
Comment peut-on déclarer que l’obésité est une priorité de santé en France si les personnes dites obèses ne peuvent pas se faire soigner correctement et dignement ? Selon le site du Ministère des solidarités et de la santé, la France comptait en 2019 plus de huit millions de personnes adultes dites obèses, c’est-à-dire présentant un indice de masse corporelle (IMC) supérieur à 30. Le collectif Gras Politique, que Claire a depuis rejoint, soulevait déjà la question en 2018. L’année dernière Bruno racontait à Rue89 Strasbourg des obstacles similaires. Il avait des difficultés à trouver un scanner pouvant supporter ses 291 kilos. Il envisageait même de se faire examiner dans une clinique équestre ! Claire aussi s’est résolue, malgré l’humiliation, à appeler des cliniques vétérinaires pour savoir si elles étaient équipées d’un IRM compatible avec son poids et sa morphologie. « On m’a répondu que ça ne se faisait plus pour des raisons d’hygiène. » Bruno et Claire ne sont pas les deux seules personnes en France ayant besoin d’un IRM grande taille, d’autres attendent sans avoir pu médiatiser leur parole. « Plus tu es grosse plus tu disparais de l’espace public et d’internet », soupire Claire.
« J’ai envie d’être traitée comme une personne normale. » Ne pas avoir à se demander si elle doit se priver d’un soin médical parce qu’il n’est pas prévu pour un corps comme le sien. Claire voit ce manque comme un « nouveau défi scientifique » à relever pour les entreprises constructrices d’IRM, une innovation qui pourrait enfin accueillir toute personne ayant besoin de cet examen. Rien n’a changé depuis la publication de la vidéo, qui affiche plus de 18.000 vues et presque 500 commentaires qu’elle ne lit plus, car ils sont souvent trop violents. En attendant la fabrication de ce modèle rêvé et adapté à tous les corps, y compris les plus gros, elle continue de revendiquer son droit à être soignée maintenant, et pas après une hypothétique perte de poids. « La santé, ce n’est pas pour tout le monde. » Et personne ne devrait s’en faire une raison.