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    10/03/2023

    Les victimes gardent des séquelles

    Quatre mois de sursis pour le gendarme qui avait foncé en voiture sur des Gilets jaunes

    Par Léa Gasquet

    En 2019, à Rouen, Bastien F., gendarme en repos, fonce sur un cortège de Gilets jaunes et blesse trois personnes. Condamné à quatre mois de prison avec sursis, il avait fait appel. La condamnation vient d’être confirmée.

    Un pied écrasé, une épaule broyée, une tête qui frappe le pare-brise, un coccyx cassé et des vies chamboulées. Il aura fallu quatre ans exactement pour que la justice reconnaisse les préjudices subis par Olivier, Richard et Reynald, trois Gilets jaunes normands renversés par un gendarme hors service. Ce vendredi 10 mars, la cour d’appel de Rouen a rendu son délibéré concernant Bastien F., ex pandore, désormais reconverti dans le secteur hospitalier, qui avait renversé trois Gilets jaunes sur l’avenue du Mont-Riboudet à Rouen lors de l’acte 14 en février 2019. La condamnation à quatre mois de prison avec sursis décidée en première instance, est confirmée. La suspension de permis de six mois est en revanche annulée.

    Arguant « l’état de nécessité » alors qu’il se trouvait ce jour-là à bord de son véhicule en présence de sa compagne et de leur nourrisson, Bastien F. et son avocat, Me Laurent-Franck Liénard, connu pour défendre les forces de l’ordre, demandaient la relaxe. Le visionnage des vidéos de l’accident n’a pas convaincu les juges qu’il avait pu agir sous le coup de la peur, mais plutôt, de la colère.

    Une indulgence pour l’ancien gendarme

    « Je suis soulagée pour mon client que la responsabilité pénale de Monsieur F. soit confirmée, il était symboliquement fondamental pour lui et sa reconstruction que le caractère illégitime de ce comportement soit reconnu », déclare Me Chloé Chalot, l’avocate de Richard, au sortir du tribunal.

    « Mon client demeure toujours très marqué par les faits du 16 février 2019, essentiellement psychologiquement, et les longueurs procédurales ne l’ont pas aidé à passer à autre chose. »

    Richard, aujourd’hui âgé de 50 ans, avait été heurté de plein fouet par la voiture du gendarme. Projeté contre le pare-brise du véhicule avant d’atterrir inconscient sur la chaussée, il s’en était miraculeusement sorti sans traumatisme crânien mais avec le coccyx fracturé.

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    Lors du procès en appel, l’avocat général s’était d’ailleurs appuyé sur le cas de Richard dans son réquisitoire. « L’une des victimes a fait un soleil ! », soulignait-il, demandant « la confirmation de la première peine plutôt indulgente ». L’indulgence pour cet ancien gendarme mobile frappe en effet depuis le début de la procédure. Placé en garde à vue pour « violences volontaires aggravées », il avait finalement été poursuivi pour « violences involontaires » plusieurs mois après les faits lorsque sa profession avait été révélée par la presse. Le délit de fuite n’avait pas été retenu.

    Une victime handicapé à 20%

    Joint par téléphone, Reynald, qui vit à Fécamp (76), sur la côte normande, a gardé des séquelles de l’accident. Opéré trois fois en une semaine de son épaule droite, réduite en charpie, il n’a jamais totalement récupéré sa mobilité et garde des douleurs occasionnelles. « Les médecins ont tout tenté pour m’éviter la prothèse et ça a plutôt bien fonctionné », raconte Reynald, aujourd’hui âgé de 46 ans, avant de nuancer :

    « Je ne peux plus porter de charges lourdes ni faire certains gestes. On m’a reconnu un handicap à 20% mais ce n’était pas suffisant pour demander un poste adapté. »

    Impossible toutefois de reprendre son emploi de magasinier. Reynald, est parvenu, non sans difficultés, à obtenir un poste de bureau en tant qu’agent logistique dans son entreprise.

    Suite à un accord trouvé avec l’assurance de l’accusé, il a pu être indemnisé. Une étape nécessaire pour réussir à « tourner la page », confie celui qui n’a pas pour autant déserté les rangs des mobilisations sociales et défile régulièrement contre la réforme des retraites.

    Pour les deux autres victimes, Richard et Olivier, « la liquidation des préjudices est déterminée par la confirmation de la condamnation du prévenu », explique Me Hervé Suxe. En clair, il reste encore une dernière étape avant de pouvoir définitivement passer à autre chose : le tribunal saisi sur les dommages et intérêts civils décidera des indemnisations à l’issue d’une prochaine audience en septembre 2023.

    Image de Une : photo d’illustration « Paris, Gilets Jaunes – Acte IX » prise le 12 janvier 2019 place de l’Etoile, par Olivier Ortelpa via WikimediaCommons. Certains droits réservés

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