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    13/04/2012

    Partie II: Rap game, connards de hippies et maison de disque

    Fuzati: « J'adore Booba »

    Par Julien Jégo

    Sur StreetPress Fuzati regrette « ne pas comprendre » notre époque. « Parfois j'aimerais bien aller en club et kiffer mais j'y arrive pas du tout ». Alors le loser écoute du jazz et de la musique brésilienne. En attendant les albums de Booba.

    J’ai lu que tu ne fréquentais plus le milieu du rap. Tu n’es donc même plus le fils caché du hip-hop dont tu parlais dans Dead Hip-Hop ?

    Je n’ai pas dit « fils caché ». J’avais dit cousin éloigné. Et je n’ai jamais fréquenté le milieu du hip-hop. Le hip-hop j’en écoute depuis 1988 mais j’ai lâché début 2000, je ne me retrouvais plus trop dans cette musique. Maintenant je suis plus jazz, rock psyché, musique brésilienne mais je me tiens toujours au courant de ce qui se fait.

    Pourquoi faire du rap alors que c’est un milieu que tu ne suis plus ? Pourquoi ne pas explorer d’autres genres ?

    Parce que ça me fait chier. Je n’ai pas envie de me mettre à chanter, je n’ai pas envie de faire un truc hybride. Le rap c’est ce que je sais faire et ce que j’aime faire. Après ce n’est pas parce que j’en fais que je suis obligé d’être à fond dans ce qui se fait aujourd’hui. Je ne réfléchis pas à ça, j’écris mes textes, je fais mes prods, je pose mes textes dessus. Après les gens appellent ça comme ils veulent, de la merde, du hip-hop, je m’en fous ! C’est vrai que je ne m’inscris pas dans le délire des rappeurs, qui veulent avoir un nouveau flow ou la nouvelle instru à la manière de. Je pense d’ailleurs que ma musique est de plus en plus personnelle.


    [Volutes]

    J’ai pas envie de devenir le rappeur de ceux qui n’aiment pas le rap

    Tu amènes au rap des gens qui n’en écoutent pas : tu en penses quoi ?

    Tant mieux, tant mieux. Mais j’ai pas envie de devenir le rappeur de ceux qui n’aiment pas le rap. Parfois des gens me disent : « toi c’est bien, ce n’est pas du rap bling-bling comme Booba. » Mais moi j’adore Booba !

    C’est étonnant d’ailleurs que tu aimes Booba…

    Mais Booba fait une des meilleures carrières en France : il est là depuis 1995. Le mec a une carrière de ouf, il écrit bien, il rappe bien. Après forcément il y a des morceaux moins bons que d’autres mais lui, il est toujours là. Lui, je me tiens au courant de ce qu’il fait parce que je sais qu’il y aura une punchline qui va me plaire, même entre deux refrains pourris. Après je me mets pas un CD de Booba mais je suis toujours curieux de savoir ce que le mec va faire.

    Donc c’est le seul que tu suis ?

    Non, j’ai écouté le dernier album de Zoxea, j’ai trouvé ça pas mal. J’ai aussi trouvé un morceau de Disiz sur son dernier EP « Tout Ca, Tout Ca » très bien produit. Le morceau est vraiment bien.


    Fuzati | Bio express

    1978 : Naissance de Fuzati à Versailles
    2003 : Premier EP du Klub des loosers avec Baise les gens
    2004 : Premier album avec Vive La Vie
    2012 : Sortie de son nouvel album La Fin De l’Espèce

    Pour l’enregistrement de ce nouvel album, tu parles souvent de “lo-fi”, d’enregistrement en une prise, d’un mixage pas toujours nickel. Tu es nostalgique de la manière dont les musiciens bossaient avant ?

    Ce n’est pas une question de nostalgie ou pas. Je fais un certain type de musique avec un son assez chaud, avec parfois des samples, parfois des trucs rejoués mais toujours dans un style 70 et je trouve que c’est ce qui convient le mieux à ma musique. Si je faisais du son de club pour que ça pète ou du son de voiture et bien j’utiliserais les technologies d’aujourd’hui et des studios. C’est comme quand les gens me cassent les couilles sur mon flow. Je ne vais pas raconter les trucs que je raconte, qui sont assez tristes, avec un flow hyper speed à la Busta Rhymes. La technique doit toujours être au service du sens.

    Avec ces nouvelles technologies, tu ne trouves pas qu’aujourd’hui tout est surfait, juste de la copie sur de la copie ?

    Mais si tu vas dans les années 70, il y a plein de trucs de soul qui se ressemblaient. C’est toujours un truc d’époque. Mais moi je n’ai pas forcément envie de cracher sur l’époque, c’est juste que je ne la comprends pas et que je me retrouve pas dedans. Parfois j’aimerais bien aller en club et kiffer sur du gros son, comprendre un peu le truc. J’essaie mais j’y arrive pas, pas du tout !

    Tu écris, tu fais tes prods, alors Detect il est là pourquoi ?

    Pour un truc super important, pour la technique. Pour les prises de voix, pour le grain, les scratchs qui sont importants et surtout pour toute la vie globale de l’album. Souvent les gens oublient à quel point la technique est importante. C’est comme les petites mains en couture.


    Ici avec Detect

    Tu as sorti ton nouveau disque sur le label Les Disques Du Manoir, que tu as toi-même créé. Quelle suite tu vas donner à ce label ?

    C’est juste un label pour sortir mes disques, je l’ai créé pour moi et pour Detect qui va sortir un EP et un album solo. J’ai déjà peu le temps de faire mes propres trucs, je ne me vois pas signer quelqu’un. Et c’est tellement difficile de faire de la musique maintenant que je conseillerais à n’importe quel musicien de créer son label, de se gérer tout seul. Que les gens ne commençent pas à m’envoyer des démos, j’en ai rien à foutre.

    Que les gens ne commençent pas à m’envoyer des démos, j’en ai rien à foutre

    Pourquoi avoir choisi de l’appeller Les Disques Du Manoir, une référence à ta jeunesse versaillaise ?

    Non, j’aime bien cette idée un peu poétique du manoir au bord de la mer avec un studio d’enregistrement. Comme dans les années 70 avec de véritables homes-studios. J’aime bien.

    Tu aimes beaucoup les années 70 ?

    Je suis pas du tout dans l’esprit “c’était mieux avant”. Je pense qu’il faut prendre le meilleur dans chaque époque. Dans notre époque par exemple, Internet c’est génial, pour trouver des disques, pour communiquer avec des gens à l’autre bout du monde, faire des collaborations. Mais dans les années 70, que ce soit dans la musique, le cinéma, c’est là où je me retrouve le plus. Mais il y avait aussi des truc hyper casse-couilles. Je pense que tous ces connards de hippies, ça m’aurait cassé les couilles. Cette espèce de naïveté… à la fin ils ont fini drogués ou sont rentrés dans le rang, dirigent des entreprises. Ce n’est pas parce qu’une époque est terminée que ca ne t’empêche pas d’aller puiser dedans. Ce que j’aime bien dans la musique, c’est le côté un peu chaud et c’est pour ça que j’écoute du jazz de ces années-là. Ça sonne un peu faux, c’est lo-fi. Aujourd’hui c’est compressé, c’est hyper numérique, ça ne me parle pas. Mais tout ça est hautement subjectif.

    Quelque chose à rajouter ?

    Bah non non, je vais aller finir mon bagel !


    La critique de l’album, c’est ici

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