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    03/05/2012

    « C'est un débat d'énarques, même si Sarko n'a pas fait l'ENA »

    Présidentielle : le débat vu d'un foyer de jeunes travailleurs

    Par Elodie Font

    Pour le débat d'entre-deux-tours de la présidentielle StreetPress s'est délocalisé dans un foyer de jeunes travailleurs. 2h50 de chips, de «chiffres imbitables» et de «coups bas» et au final une victoire (presque) par KO pour Hollande.

    Où ? Dans un foyer de jeunes travailleurs, à Paris, près de la place de la Nation. Dans une salle avec Coca, Orangina, chips et noix de cajou à volonté.

    Qui ? Une vingtaine de jeunes. Certains sont encore étudiants, aussi bien en ressources humaines qu’en informatique. D’autres, comme Karen à la Banque de France ou Julien dans la « conception électronique », bossent déjà. Moyenne d’âge : 23 ans.

    Leur choix avant le débat ? Avantage Hollande, clairement. Abdel, un plombier de 25 ans, fait les calculs : « Au premier tour, on est tous allé voter ensemble, je pense qu’on était 80 % à voter Hollande. » Robin, 23 ans, étudiant en informatique, sourit : « en même temps, je comprends pas comment on peut être jeune et voter à droite. » Avec quelques irréductibles : Carmen qui penche pour l’UMP, Julien au centre et Amélie, plus à gauche. Après 1h30 de débat, elle se pointe dans la salle avec un drapeau Front de gauche glané à la manif du 1er mai la veille. Bonne joueuse, elle crie : « allez Hollande ! »

    À quelle heure s’est barré le premier téléspectateur ? 21h32, en plein combat de chiffres sur l’économie. À 21h, nous étions 25 à suivre le top départ. Après 2h50 de débat plus ou moins intéressant, nous n’étions plus que 7…dont les 3 journalistes infatigables de StreetPress. Écrémage 100 % garanti, encore plus efficace que The Voice.

    Sérieux, qui comprend ce qu’ils disent ? Qui peut vérifier tous les chiffres ? Seulement 300 économistes en France ?

    Le moment le plus relou ? Incontestablement, la partie éco entre 22h et 22h30. Bâillements prononcés, chips engloutis, portables qui sonnent un peu trop forts. Robin se marre :

    « C’est un débat d’énarques là… même si Sarko a pas fait l’ENA ! Sérieux, qui comprend ce qu’ils disent ? Qui peut vérifier tous les chiffres ? Seulement 300 économistes en France ? Ça me conforte dans l’idée qu’ils vivent tous les deux dans un autre monde. Depuis 45 minutes, ils ne se battent plus pour la France, ils se battent pour leur gueule. »

    Le passage le plus drôle ? Le rap d’Hollande, basé sur une rythmique « moi, président de la République » assénée 16 fois. « Allez, stop, mais stop ! » éclate la salle. Manon, une étudiante de 23 ans, pense aux conséquences en riant : « il va prendre trop cher au Petit journal. »

    Le moment le plus houleux ? Le quart d’heure immigration/vote des étrangers. Abdel, exaspéré, soupire à haute voix : « Mais pourquoi Sarko parle des musulmans là ? Pourquoi ? Tous les immigrés sont pas musulmans ! » Soupirs ostensibles dans la salle. Robin, lui, est ravi : « 99 % des gens qui regardent attendent qu’ils se rétament, attendent les moments où ils se cassent mutuellement, le reste est imbitable. Les gens regardent cette émission comme s’ils mataient Secret Story. »

    Il va prendre trop cher au Petit journal

    La remarque pertinente sur Pujadas et Ferrari ? De l’avis de tous, ils sont transparents. Quoique, Robin est intéressé par des détails capillaires : « c’est fou, Pujadas, il a toujours sa coupe de Playmobil. »

    Le meilleur débatteur (en toute objectivité) ? Farès, interne en médecine , trouve Hollande « plus à l’aise » : « c’est normal, il est en tête et en position de force. » Manon trouve elle-aussi Hollande « pas mal » : « j’avais peur que Sarko l’écrase, parce qu’il a du charisme, qu’il parle par raccourcis et que les gens aiment bien ça. Je suis un peu rassurée. » Elle poursuit : « de toute façon, je me rends compte que les gens votent souvent au pif et que peu d’entre nous sont politisés. » Robin trouve « Sarko bon dans l’exercice. Mais là, après 5 ans, il n’est plus crédible. »

    La méthode la plus originale pour départager Hollande et Sarkozy ? Julien, qui remporte la palme haut la main : il a sur les genoux un calepin sur lequel il délivre des + et des – aux deux débatteurs, en fonction de leurs interventions. « Ce qui m’agace, ce sont les coups bas pour mieux déstabiliser l’adversaire. Moi, je suis là pour écouter le fond, la forme m’intéresse moins. » En 2007, il a voté Sarkozy et au premier tour 2012, il a opté pour Bayrou. Minuit s’approche, Julien peut faire les comptes et le couperet tombe : Hollande l’emporte. Mais, avant de se décider pour de bon, le jeune homme de 27 ans a prévu une journée décryptage des éditos/qu’est-ce qu’en pense Christophe Barbier/qu’en disent les observateurs. « Pour être sûr que mon opinion est la bonne. »

    Alors alors, qui c’est qui gagne ? Hollande déclaré vainqueur par KO. Même Carmen, 27 ans et économiste, hésite un peu. Au premier tour, elle a voté Sarkozy, qu’elle trouve plus « crédible » sur les questions éco. Mais en entendant « pour la première fois » le discours d’Hollande sur « l’immigration et l’énergie » elle est un peu plus partagée. Sans savoir pour autant si elle va carrément changer son vote. Julien le Bayrouiste hésite également. Abdel, beau joueur, parle d’un « match nul » : « Sarkozy est plus offensif, il parle pas de sa politique. Hollande est plus précis. »

    Ce qui m’agace, ce sont les coups bas pour mieux déstabiliser l’adversaire. Moi, je suis là pour écouter le fond

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