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    27/05/2013

    « Honte à vous ! »

    On était au match de la descente du Paris Football Club

    Par Matthieu Bidan

    Une saison en enfer : l'année prochaine, le PFC, l'autre club historique de la capitale, jouera en CFA, après une saison catastrophique. Pour leur adieu au National, les joueurs de Jacques Santini ont encore perdu, sous les moqueries des suppo

    Le temps est gris ce vendredi soir au stade Charlety pour le dernier match de la saison du Paris Football Club face à Uzès. Une heure avant le coup d’envoi, les trams de la ligne 3 qui bordent le stade arrivent à une allure plus fréquente que les supporters qui semblent avoir déserté un club relégué depuis une semaine en CFA, le quatrième échelon du football français. Sous une pluie fine, les supporters passent les guichets au compte-gouttes et les deux seules personnes déjà à l’intérieur sont là pour distribuer des flyers. « Il n’y a pas grand monde ce soir ! » lance l’un d’eux, casquette vissée sur la tête. Non, ça ne se bouscule pas et le stade Charlety apparaît bien grand avec ses 20.000 places. Les enceintes du stade crachent l’hymne de Rohff en hommage à la ville lumière alors que le premier supporter foule les gradins.

    Lose Un supporter qui n’en est même pas vraiment un: « C’est quelle équipe qui joue ce soir ? C’est le Racing Club de France, non ? » demande Joël, un chti plus habitué des travées de Bollaert que de Charléty. Le deuxième club de la capitale souffre d’un manque de notoriété flagrant. L’affluence au stade Charléty pendant cette saison de National a tourné autour des 500 spectateurs. Quelques aficionados du club arrivent tout de même quelques minutes avant le coup d’envoi. Emmanuel, opérateur de saisie, est abonné depuis plusieurs années, même s’il avoue se sentir un peu seul dans ce stade vide. « On a essayé de ramener la famille, les amis, mais ils ne reviennent pas … » Le supporter, avec sa veste blanche, passe faire un tour à la buvette et confie au passage s’être « intéressé au PSG quand il était plus jeune » mais comme il « habite dans le XVe arrondissement, c’est plus pratique pour aller au match ». Au loin, des chants viennent rompre la Pop’n‘B version NRJ qui précède la rencontre. C’est la poignée d’ultras du club de la capitale qui longent le stade pour rejoindre leur place habituelle.

    On a essayé de ramener la famille, les amis, mais ils ne reviennent pas


    Les supporters du PFC, c’est autre chose que les yuppies du Parc

    Ultras 20h. Coup d’envoi de la rencontre, l’entrée des joueurs sur la pelouse détrempée s’accompagne des chants de la vingtaine d’ultras, qui a pris place sur le côté de la tribune. Isolés du reste des spectateurs, ils sont les seuls à se faire entendre dans les travées de Charléty. La communion avec les autres supporters est inexistante, les ultras d’un côté, les supporters lambdas de l’autre. D’ailleurs, ils cultivent leur isolement. « On ne parle pas aux journalistes, ils écrivent beaucoup de conneries » assène l’un d’eux. Les applaudissements des autres spectateurs ont du mal à se faire entendre dans l’immensité de ce stade vide.

    A l’opposé, tout en haut de la tribune, entouré de sièges vides, un ancien membre du staff qui a quitté le navire il y a quelques mois tire le bilan de la saison: « Le projet était intéressant, avec tous ces jeunes issus de l’académie. Malheureusement, ils n’étaient pas prêts ». Le grand bonhomme, bonnet sur la tête, a préféré quitter le club puisqu’il ne s’y retrouvait pas « tant sur le plan sportif que relationnel ». En tout cas, avec le recul, il juge comme une bonne idée l’arrivée de Jacques Santini, ancien sélectionneur des Bleus, en tant que directeur sportif au mois de janvier. « Pour un club amateur, c’était une très bonne idée, il a apporté son expérience et son œil d’expert. ». Un avis que ne partage pas Gilles, enseignant en école maternelle présent à tous les matchs : « Santini, on ne le voit jamais au stade, son arrivée n’a servi à rien ».

    Santini on ne le voit jamais au stade, son arrivée n’a servi à rien


    Ambiance de folie à Charlety

    CFA Le premier but d’Uzès à la 13e minute vient interrompre la conversation. L’ironie laisse place aux encouragements du côté des ultras. Les membres du « Old Clan » chambrent leur équipe: « Hourra, Hourra, on est en CFA ! ». L’ambiance est morose et sur le terrain le PFC, qui a du mal à exister, lance quelques contres vite contenus par les rouges du Gard. Malgré le score, un des ultras enlève son t-shirt, sous la pluie et dans le froid, tandis que les autres chantent malgré tout leur amour pour le club dans une prose digne de Patrick Sébastien: « Plus que la cocaïne, plus que boire l’apéro, plus qu’une belle coquine ».

    Deux supporters sont pourtant ravis et explosent de joie au retour des vestiaires quand Uzès double la marque. Deux cinquantenaires sont là, béret sur la tête et accent chantant. Ils expliquent leur présence: « A la base, on est venus pour voir des gonzesses si tu vois ce que je veux dire » raconte l’un d’eux le sourire en coin. « Donc pas de photos, on est là incognito » enchaîne-t-il avec son accent à la Pagnol qui détonne dans le gris parisien de ce match de la descente. Au loin, on entend toujours les mêmes. Cette fois-ci, l’ironie n’est plus de mise et les « Bougez-vous le cul » se font plus directs.

    Dernier fumigène Sur la pelouse, la réaction se fait attendre, mais le PFC réduit le score à la 74ème minute du match et les premiers applaudissements descendent des tribunes. Dans un ultime moment de joie, les ultras craquent un fumigène, le dernier faisceau de lumière de cette saison bien sombre. Au bord du terrain, et malgré la réduction du score, même les jeunes ramasseurs de balles semblent s’être désintéressés du match. Derrière le but, chasuble orange sur le dos, le petit fan de foot écoute la radio avec son portable et se lance dans quelques jongles histoire de se réchauffer. « Je commence à avoir froid, il caille ce soir » confie-t-il.

    Au coup de sifflet final, quelques joueurs s’écroulent au sol alors que la nuit est tombée sur Charléty. La plupart regagnent les vestiaires, la tête basse, pendant que la poignée d’ultras les apostrophe avec véhémence: « Honte à vous ! ». Les supporters rencontrés promettent pourtant d’être là l’année prochaine, même en CFA. « C’est quand même un club historique ! Le premier de la capitale, bien avant le PSG » tente de se convaincre Emmanuel en quittant les travées de Charléty. Pas facile pour le petit Paris Football Club de briller dans l’ombre du grand Paris Saint-Germain, encore moins en CFA.

    bqhidden. Hourra, Hourra, on est en CFA !

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