Jeudi 6 juin, les militants antifascistes se réunissaient dans toute la France afin de rendre hommage à Clément Méric, étudiant à Sciences Po de 18 ans, décédé à la suite d’une bagarre avec des skinheads. A Paris, ils s’étaient donné rendez-vous à deux pas de la gare Saint-Lazare, là où Clément a été tué. Quelques centaines seulement. Les purs et durs, ses camarades de lutte.
Silencieusement, ils ont rejoint la place Saint-Michel et le rassemblement organisé par les associations anti-racistes et les partis politiques. Au total, 5.000 à 6.000 personnes pour commémorer la mémoire du jeune anar’. « Clément, 05.06.2013, à jamais l’un des nôtres ». Le mot d’ordre officiel : rester calme et ne pas répondre par le sang. Pourtant certains esprits s’échauffent : « Ils vont payer cher leur bavure », lâche un militant à l’écart. Entre tristesse et colère, les antifas de France accusent les partis politiques de gauche comme de droite de faire de la récupération politique. Une chose est sure, le combat continue…
Antonin, 25 ans, ancien SUD Sciences Po
« J’espère que ça dégénérera pas, juste par respect pour Clément. »
Je suis là parce qu’un camarade de mon syndicat étudiant s’est fait tuer à coup de poing américain hier. J’espère qu’il n’y aura pas de récupération politique immédiate avec des gens qui portent le drapeau d’une lutte qui est celle du groupe antifasciste, qui lui a fait le taff. Malheureusement, on va avoir un déferlement médiatique. J’espère que ça dégénérera pas, juste par respect pour Clément. Mais si ça peut rappeler que ça a un impact de laisser des xénophobes et des homophobes défiler dans les rues au nom d’une liberté d’expression qu’on ne doit pas leur laisser, alors je comprends que ça dégénère.
J’espère qu’il n’y aura pas de récupération politique
Ali*, 20 ans, militant antifa
« Même si on ne peut pas les attaquer directement, on est présents et on sait où ils sont. On ne se laissera plus faire ! »
Faut qu’il y ait un mort pour que les gens se mobilisent, c’est un peu pathétique. J’espère que sa mort pourra servir à quelque chose pour la lutte antifasciste sur la capitale. Les gens pensent encore que c’est un mythe, mais à Paris, c’est une réalité ! C’est un fascisme de l’ombre, dans les petites ruelles. Mais aujourd’hui on voit que ça peut arriver à Saint-Lazare, dans des endroits méchamment fréquentés. La violence est libre de leur côté. Ici c’est pas le monde des Bisounours. Ça peut arriver à n’importe qui. Il y a trois jours encore, une fille s’est faite agresser à Argenteuil parce qu’elle portait le voile. On veut pas répondre par la violence, c’est la facilité. On doit remettre sur la table la solidarité, la cohésion sociale et faire des rassemblements pour montrer aux fascistes que même si on ne peut pas les attaquer directement, on est présents et on sait où ils sont. On ne se laissera plus faire.
*Le prénom a été modifié
Ici c’est pas le monde des Bisounours
Pascal aka Scalp, 46 ans, militant CNT
« A la fin des années 80, on avait assaini la situation »
La dernière fois que j’étais dans le combat antifasciste, c’était à la fin des années 80. On avait assaini la situation. Puis la montée du FN et l’organisation de l’extrême droite avec les Manif’ pour tous ont remis en action un certain nombre de groupuscules. Il y a une tradition de violence de l’extrême droite qui lui est propre. Ça fait une quinzaine d’années qu’on n’a pas vu d’actions aussi graves, et elles sont pas isolées. On le voit aujourd’hui parce que c’est le bilan le plus grave.
Il y a trente ans, on avait les mêmes phénomènes avec le FN et des mouvements skinheads. Je me suis fait tirer dessus à mon premier collage d’affiche, et les bagarres étaient régulières… Avec l’organisation des mouvements antifas et des bandes de banlieues, cristallisés autour des mouvements sociaux et étudiants, l’offensive était plus à la gauche et l’extrême gauche. On avait fait reculer ces mouvements. Aujourd’hui l’offensive est de l’autre côté, et tout réapparaît une génération plus tard.
Je me suis fait tirer dessus à mon premier collage d’affiche
Dario, 18 ans, rappeur et antifa
« Il faut qu’on garde notre sang froid »
Je me suis fait réveiller ce matin par l’appel d’un ami. Il m’a dit qu’hier soir à 18 heures, en pleine journée, un étudiant de Sciences Po s’est fait tuer par cinq fachos dans une rue commerçante en plein cœur de Paris. J’ai pensé à ça toute la journée. Je me demande ce qu’on peut faire, comment ça peut encore arriver aujourd’hui et pourquoi ça mobilise pas plus de monde. Je veux qu’on arrête de légitimer le fascisme, qu’on arrête de donner raison à tous ces discours. Il faut qu’on garde notre sang froid, qu’on n’agisse pas comme eux, le venger avec des coups. Il faut qu’on recommence à diaboliser ces partis, l’UMP comme le FN, qui mobilisent des gens, qui ont des signes ostentatoires du fascisme et du nazisme. Faut descendre dans la rue, on a tous notre rôle à jouer. Je m’inquiète, ça aurait pu être moi.
bqhidden. Je veux qu’on arrête de légitimer le fascisme
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