Alma-Marceau, à deux pas des studios d’Europe 1 – Louis de Gouyon Matignon – « Oui, comme l’avenue de Matignon à Paris » – s’avance d’un pas sûr. Ton poli, d’aucuns diront obséquieux, veste couleur caramel, tee-shirt blanc et regard franc, le jeune homme a la panoplie parfaite du rejeton de bonne famille. Et pourtant s’il était invité dans la matinale d’Europe1, ce n’était pas pour se plaindre du matraquage fiscal, mais d’un autre lynchage, autrement plus dramatique. Celui de Darius, jeune Rom tabassé à Pierreffite-sur-Seine :
« J’étais là pour porter les couleurs du drapeau Rom, si je puis dire. »
Louis a fondé l’Association de la défense de la culture tzigane. Et le garçon de bonne famille est devenu le porte voie médiatique des Roms et des Tziganes. Bon client, il écume les plateaux à chaque polémique. Et quand on le lance sur le sujet, il sort les crocs avec un discours que ne renierait pas Georges Marchais :
« Je montre du doigt les sociaux-traites, les solférinistes, qui n’ont fait que trahir l’intérêt français. Je m’indigne et j’appelle les Français à résister, à prendre conscience que les Roms font partie de notre territoire, c’est le devoir de la France des les accueillir et de les protéger ! C’est ça la France. »
Fils de
Pas sur que son discours fasse l’unanimité dans les repas de famille. Car les De Gouyon Matignon ont le sang bleu : un ancêtre, maréchal d’Empire leur permet d’accrocher la particule. Et le grand père de l’étudiant en droit privé général est… marquis. Une ascendance que Louis, yeux bleus et chevelure à la Jamie Lannister assume : Il est en effet membre de l’Association de la Noblesse Bretonne (ANB). Et sa scolarité il l’a faite en pensionnat privé au Clifton College, à Bristol. Ça ne s’invente pas. A lire son CV tout droit sorti du who’s who, difficile de croire qu’à 23 ans, il est aussi l’auteur de trois livres et dictionnaires sur la langue et la culture tziganes. Mais quand on remet en question sa street cred, ça le met en rogne :
« Oui, j’ai un nom à particule et je suis issu de la vieille noblesse française. Ce qu’on me reproche c’est le sempiternel regain du blanc qui défend le noir. Toutes les personnes qui défendent d’autres minorités, on leur fait ce reproche. Mais si on ne les défend pas, il n’y a personne. »
Gueule de métèque
Louis a pris la route avec les tziganes :
« J’ai rencontré les gens du voyage, les manouches et les gitans grâce à la musique de Django Reinhardt. J’avais 16 ans. Et par la musique j’ai fait mon trou et je suis allé vivre avec les gens du voyage, en partant les week-ends et l’été sur les routes avec eux. La première fois que j’ai dormi dans une caravane, je me suis levé assez tôt, j’ai regardé autour de moi et je me suis senti à ma place. »
Après la musique, il apprit la langue, en 2 ans, grâce à un petit carnet dans lequel il notait toutes les expressions entendues et qu’il a transformé en dictionnaire de la langue tzigane. Désormais il se sent autant chez lui sous les dorures du 16ème que dans une caravane. Aujourd’hui son association n’est pas domiciliée dans les beaux quartiers où il habite, mais dans le bar de Saint-Ouen La Choppe des Puces tenu par « un ami » des débuts, le roi des forains, Marcel Campion.
Louis dans le métro
Politique
Après son passage sur Europe 1, Louis s’engouffre dans le métro, direction l’Ouest parisien. « Je dois aller bosser mes cours dans le cabinet de mon père », explique-t-il. Le trajet est l’occasion d’en apprendre plus sur son autre passion, la politique : « Je veux une France qui bouge, qui gueule, avec des noirs, des arabes, des chinois, des juifs, des manouches, des gens différent et pour l’instant tu vois des noirs, des arabes, des femmes, des handicapés, des homosexuels au sein des assemblées ? »
Il s’engage mais sa première expérience a vite tourné court. Lors d’un rassemblement de gens du voyage il rencontre Pierre Hérisson, sénateur UMP. Celui-ci le prend comme assistant parlementaire avant de le virer quelques temps plus tard. La raison : ses actions juridiques en faveur des gens des voyages, menés contre des membres de l’UMP et de l’UDI. Finalement c’est l’écologiste Daniel Cohn-Bendit qui le poussera à se lancer à son compte :
« Je l’ai appelé, un peu au culot. ll m’a dit : “Tous les partis sont en train de sombrer, lance ton propre truc.” »
Ça sera le Parti européen. Un mouvement fédéraliste, avec pour priorité affichée « les jeunes », et « l’identité européenne ». Il se décide à partir en campagne pour les européennes avec « la liste la plus jeune de l’histoire de cette élection » : moyenne d’âge 23 ans.
« C’était un pari un peu fou. On savait qu’on aller prendre une branlée et qu’on n’aurait pas de remboursement de nos frais de campagne. Mais il fallait le faire. »
Le tout jeune parti de deux mois à peine réalise avec un budget d’environ 3.000 euros, 0.03% en Île-de-France. « Ce qui n’est pas trop mal » juge Louis.
No Futur ?
Un inconnu, intrigué, interrompt notre conversation : « Tu as vraiment fait tout ce que tu viens de dire ? C’est impressionnant! Bravo ». Et l’homme s’évanouit dans la foule d’anonymes descendant à la station rue de la pompe. Une situation qui ravit l’intéressé. « Soit j’irai loin, soit je me casserai la gueule, car je ne suis pas un bon politicien » prophétise-t-il déjà. C’est en rigolant qu’il nous fixe la ligne de conduite qu’il aimerait tenir dans les années à venir : « Toujours rester honnête et de ne pas rejoindre un parti politique et toujours dire ce que je pense même si ça peut être préjudiciable ».
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