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    24/02/2015

    Vitrines cassées, lacrymos et coups de matraques

    A Toulouse, black blocs et antifas se sont fightés avec la police

    Par Paul Conge

    La manifestation de samedi, organisée pour dénoncer les « répressions policières » et les « expulsions » du site de Sivens, a tourné à l’échauffourée. Des vitrines éclatent, les canettes pleuvent sur la BAC. Les policiers répliquent à coups de matraques.

    « Il n’y a pas eu de consigne policière d’interdire la manif », s’étonne un militant NPA. Derrière lui, une foule bigarrée s’agglutine à deux pas de la place du Capitole. Il est 14 heures, ce samedi 21 février. Si les manifs de novembre dernier ont toutes donné lieu à des échauffourées avec les forces de l’ordre, la préfecture n’a cette fois « pas vu de raison d’interdire » le cortège, déclaré en préfecture. Logiquement, le maire UMP a râlé. Quelques-uns glissent qu’ils ont connu le préfet moins conciliant…

    Si la majorité des manifestants ont défilé pacifiquement, les retrouvailles entre la police et les black blocs ont vite viré au clash : des dizaines de vitrines explosées sous le feu des lacrymogènes, des coups de matraque qui pleuvent. Bilan : 15 personnes interpellées.

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    La préfecture n'a cette fois « pas vu de raison d'interdire » la manifestation. / Crédits : Paul Conge

    14 heures – Quelques centaines de zadistes, anarchistes, autonomes et militants de la gauche anticapitaliste se sont rassemblés à l’appel du NPA, d’Attac et du collectif Zad 31. Dans la foule encore statique, un campeur du site de Sivens allume une sono portative, crachotant ses décibels d’électro-reggae. Dreadlocks, fringues de rave, odeurs de joint. Ambiance zen, man. Une banderole en hommage à Rémi Fraisse est déployée. À côté, un attroupement de clowns charrie les quelques « BACeux », postés à quelques pas. « C’est parti pour mieux se passer », commente Yann, secrétaire fédéral du NPA. Un zadiste ironise :

    « On ne voit pas trop les CRS, ils doivent être planqués dans le métro. »

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    Une banderole en hommage à Rémi Fraisse est déployée. / Crédits : Paul Conge

    14 heures 30 – Malgré l’ambiance décontractée, la tension grimpe dès le départ, lorsque le cortège s’engage sous la pluie, rue Alsace-Lorraine, principale artère du centre-ville. Les traditionnels slogans un poil belliqueux jaillissent des mégaphones :

    « “Un flic, une balle, justice sociale” et “flic, porc, assassin”. »

    Regroupés en « bloc radical », les antifas se sont arrangés pour prendre la tête du cortège avec leurs bâches en noir et blanc. Alertée, la BAC glisse le long des murs. Des noms d’oiseaux fusent à son encontre. Partout, à travers la rue marchande, les rideaux de fer se baissent à l’approche de la manifestation. La serveuse d’un café s’inquiète :

    « La police vient de nous dire de fermer. »

    Pas d’incidents à recenser, la foule bifurque sur le boulevard en direction du Monument aux Morts, dans le respect du tracé.

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    Ambiance zen : Dreadlocks, fringues de rave et odeurs de joint. / Crédits : Paul Conge

    15 heures 30 – Les premières grenades lacrymogènes éclatent à l’arrière de la foule, restée paisible. Une militante pour le droit des animaux assure que les policiers les auraient balancées après s’être fait asperger de peinture par des manifestants :

    « J’ai tout vu, la BAC a balancé des lacrymogènes, elle est intervenue de suite pour isoler la tête de la manif. »

    Difficile de confirmer. L’instant d’après, des antifas masqués allument des fumigènes.

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    « La BAC a balancé des lacrymogènes, elle est intervenue de suite pour isoler la tête de la manif. » / Crédits : Paul Conge

    15 heures 45 – La situation devient chaotique, les manifestants courent dans tous les sens. Alors que le cortège se disloque, à l’avant, les black blocs, ces militants anticapitalistes camés à l’insurrection, cagoulés, gantés et vêtus de noir, dégainent leur matériel : marteaux, masses et bombes de peinture. Le serveur d’un bar associatif commente :

    « Symboliquement, ils s’en prennent aux banques parce que ça représente le capitalisme. »

    Après la devanture de HSBC, première victime, des pare-brises et des vitrines de plusieurs boutiques du quartier des Carmes sont étoilées par des coups de masse. Ils sont conspués par le reste des manifestants.

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    Des antifas masqués allument des fumigènes. / Crédits : Paul Conge

    Un jeu de chat et de la souris démarre entre les flics et les émeutiers en herbe, qui tracent à plein régime. Coursés par les CRS, une cinquantaine de black blocs se faufile dans les ruelles de la ville, lâchant au vol des gros pétards et des feux d’artifice. Les CRS ne sont jamais loin.

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    Coursés par les CRS, les black blocs se faufilent dans les ruelles de la ville. / Crédits : Paul Conge

    16 heures – Alors que le reste du défilé se reforme rue de Metz, les black blocs esseulés tentent de dresser quelques barricades à l’aide de barrières prises sur les chantiers. Ils canardent les vitrines et l’entrée du métro. Une étudiante de l’université du Mirail, grimée en clown, s’égosille sur les passants :

    « Rentrez chez vous, c’est des malades ! »

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    A l'approche du cortège, les boutiques se ferment. / Crédits : Paul Conge

    Fidèles à leur stratégie habituelle, les black blocs, talonnés de près par les CRS, se ruent hors du centre-ville. Arrivés sur les quais, pour ne plus être reconnaissables, ils se débarrassent de leur accoutrement et de leurs cagoules dans la Garonne.

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    Pour ne plus être reconnaissables, ils se débarrassent de leur accoutrement et de leurs cagoules dans la Garonne. / Crédits : Paul Conge

    16 heures 30 – Le reste du cortège, chapeauté par quelques antifas, débarque près de la Cour d’appel de Toulouse. Pour les manifestants, c’est symbolique, comme le confie à StreetPress un Zadiste :

    « Trois de nos camarades sont en train d’être jugés au tribunal d’Albi, ils risquent d’être expulsés [du site de Sivens]. »

    Devant le tribunal, les policiers essuient des tirs de bouteilles et de pierres par les mêmes individus masqués qu’au début. La BAC, à cran, sort les matraques télescopiques.

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    Devant le tribunal, la police interpelle plusieurs manifestants. / Crédits : Paul Conge

    17 heures – Ce qui reste du cortège bouche la voie du tram. Pour les déloger, la police les arrose copieusement de grenades lacrymogènes. Peine perdue. A plusieurs reprises, la BAC, en position de tortue, se rapproche des plus récalcitrants :

    « Lui, là, avec les lunettes de ski, on le chope ! »

    Elle charge et procède à plusieurs interpellations très musclées, déversant généreusement les coups de matraque. Un jeune militant a la tête ensanglantée, la BAC l’écrase au sol pendant plusieurs minutes. Une jeune fille les interpelle :

    « Mais lâchez-le, vous êtes complètement tarés ! »

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    Pour disperser les manifestants, les forces de l'ordre sortent les canons à eau. / Crédits : Paul Conge

    18 heures – Alors que les matraques ont déjà largement servi, un officier lance au mégaphone :

    « Nous allons faire usage de la force ! »

    Ils finissent par doucher l’avenue avec un canon à eau, l’artère se vide progressivement. Un militant tient mordicus à déployer son drapeau arc-en-ciel estampillé « Peace ».

    18 heures 30 – C’est finalement le ciel qui aura raison des derniers manifestants : il se met à grêler. Même les plus motivés décident de plier bagage.

    Condamnations : 4 personnes ont été jugées lundi en comparution immédiate et condamnées à des peines de prison avec sursis et des heures de travail d’intérêt général. Six autres personnes doivent encore être jugées.

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