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    15/02/2016

    StreetPress a passé une semaine au tribunal

    Qui a voulu flinguer Karim Achoui, le sulfureux avocat du milieu ?

    Par Julien Mucchielli , Marty

    Qui a collé 2 balles dans le buffet du baveux ? Flics, voyous ou concurrent amoureux, les hypothèses sont nombreuses car Karim Achoui a plus d'un ennemi.

    Cour d’assises de Melun, le 8 février. – La victime, mise élégante et port altier, pose ses deux mains sur la barre : « Karim Achoui, 48 ans. » Un temps, puis d’une voix claire et sonore : « avocat ». Le 22 juin 2007, l’ex « avocat du milieu », s’effondrait en plein Paris, sous les balles d’un gros calibre.

    Qui voulait la peau du sulfureux Karim Achoui ? En première instance, 6 hommes étaient côte à côte sur le banc des accusés de la cour d’Assises de Paris. Parmi eux, Djamel Hakkar, caïd réputé de Nanterre accusé d’avoir commandité l’assassinat, et Jacques Haddad, voyou notoire. Ces deux-là, dans le huis clos d’une réunion secrète, auraient monté l’assassinat de « l’avocat du milieu ». Mamadou Ba et Ruddy Terranova auraient respectivement conduit la bécane et pressé la détente. A Paris, ils sont tous acquittés. Les preuves rapportées sont faibles. La conspiration s’écroule. Le parquet ne fait appel que pour Ba et Terranova. Sur le banc des accusés, à Melun, ne reste que les 2 exécutants présumés. L’accusation, cette fois-ci, n’entend pas repartir bredouille.

    2 bastos dans le buffet

    Le 22 juin 2007, il est près de 22 heures mais le ciel est encore clair. Karim Achoui quitte son cabinet du 10, boulevard Raspail au bras de sa compagne. Il raconte à la cour :

    « Mon regard est attiré par un homme casqué, de l’autre côté de la rue. Son attitude m’interpelle. Nous nous approchons de mon véhicule à l’angle de la rue de Varenne, je le vois porter sa main à une sacoche, et là, je comprends. »

    Il pousse son amie, « Non, non, non ! » crie-t-il avant de détaler. L’homme casqué descend et tire à trois reprises des balles de 11.43 – le calibre favori des voyous pour rectifier les rivaux. Deux atteignent l’avocat qui s’écroule. Le tueur s’approche, il va l’achever, mais son gros calibre s’enraye. Il réessaie, en vain, à quatre reprises – quatre étuis non percutés que l’expert balistique retrouvera. Une balle lui traverse le poumon gauche, l’autre l’atteint à la hanche et lui effleure la verge en sortant. Karim Achoui a failli mourir.

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    Une balle lui traverse le poumon gauche, l’autre l’atteint à la hanche et lui effleure la verge en sortant. / Crédits : Marty

    Meurtri sur son lit d’hôpital, il convoque la presse dès que possible et proclame, tonitruant, avoir été la victime de « quelques moutons noirs de la police ». Il est Karim Achoui le sulfureux, l’avocat du milieu honni par une police amère de voir des gros bonnets défendus – et parfois libérés – avec tant de brio par ce baveux jugé interlope et plein de morgue, astre des prétoires et phare de la procédure pénale. Certaines brigades lui vouent une haine farouche. D’ailleurs Me Achoui en est persuadé, la secrétaire qu’il a renvoyée début juin de cette même année avait été infiltrée par la brigade de répression du banditisme (BRB). Tout cela il le détaille dans un livre paru fin 2008, dans lequel il raconte sa vérité, son scenario.

    Karim Achoui, ses amis, ses emmerdes

    Il faut bien le dire, Karim Achoui a beaucoup d’ennemis. Il cherche, dans ses dossiers, qui pourrait lui en vouloir. Quelques mécontents, dont le baveux a encaissé les espèces sans fournir de prestation. Il y a aussi ce client, détenu, dont Achoui a séduit la compagne. Le terrible Fabrice Hornec, gros bonnet du milieu, pourrait aussi lui en vouloir. Ou son ex-belle famille, dont le beau-père est commissaire divisionnaire honoraire. D’ailleurs, le 22 juin au matin, Karim Achoui avait été condamné par le tribunal correctionnel dans un litige les opposant, et suspendu cinq ans par le barreau de Paris. Ces pistes sont rapidement écartées. Karim Achoui vit dans l’angoisse, protégé par un garde du corps ancien du Mossad et offre 150.000 euros à quiconque lui donnerait le tireur.

    À la brigade criminelle, l’enquête piétine. Les témoignages sont minces et décrivent deux hommes casqués, sur une moto type Yamaha R1 ou un scooter T-max – les impressions divergent. Le tireur ferait environ 1m80, serait mince et de type méditerranéen, selon Karim Achoui. Le conducteur serait noir. C’est tout. Quelle aubaine, donc, ce 20 novembre 2007, quand la brigade régionale d’enquête et de coordination (BREC) et la DRPJ de Versailles reçoivent une dénonciation anonyme. Le tireur serait Rudy Terranova, qui aurait agit pour le compte de Djamel Hakkar afin d’éteindre une dette de 50.000 euros.

    Le policier destinataire du renseignement est le commissaire Stéphane Lapeyre. Il est le premier à témoigner au deuxième jour du procès. Comme en 2013 à Paris, il répète que Ruddy Terranova était son informateur régulier depuis la fin de l’année 2006, et débute son propos par un petit cours pratique de gestion des indics, car « traiter des informateurs est un métier dangereux, difficile, sensible. Un informateur est un voyou, c’est aussi un traître, il peut aussi bien trahir l’agent qui le traite. Ce n’est pas un agent infiltré », prévient-il.

    La thèse du complot policier

    Il esquisse le portrait de Terranova, un homme qui a une bonne connaissance de la délinquance, volubile, qui aimait se valoriser et faisait du name dropping d’illustres voyous qu’il se targue de fréquenter. En outre, le garçon est en contact avec le milieu islamiste, alors le commissaire inscrit Terranova au bureau central des sources. Au cours de leur collaboration, Terranova est incarcéré. Qu’importe, le commissaire ira le voir deux fois en prison et récoltera plusieurs informations. Mais à l’été 2007, les relations se dégradent :

    « Il a tenté de me manipuler en me faisant prendre en photo par des délinquants, en venant armé à un rendez-vous, en essayant d’obtenir mon adresse personnelle. »

    Terranova est radié du registre en septembre 2007, black listé en octobre. « Versatilité chronique », est-il noté.

    Terranova est interpellé pour cette affaire, le 14 avril 2008, comme presque tout le monde, et mis en examen pour tentative d’homicide volontaire (curieusement, la préméditation n’est pas retenue et ne le sera pas). Karim Achoui suit l’enquête, il prépare son livre. Ses soupçons prennent forme, le tireur est en lien avec un cador du renseignement. Le commissaire Lapeyre est le maître d’œuvre du complot visant à l’éliminer. Il couche cela sur papier et le clame sans faillir au premier procès.

    La présidente demande son avis au commissaire sur cette obstination de la partie civile à son encontre. Pourquoi lui ? Ils n’ont jamais été confrontés au cours d’une affaire, Lapeyre ne le connaît même pas. Il formule une hypothèse :

    « Je ne comprends pas cet acharnement, si ce n’est pour envoyer un signal aux véritables commanditaires : ‘Ça y est, j’ai compris, je ne vous balancerai pas, ne finissez pas le boulot.’ »

    Karim Achoui, meurtri, miraculé, tenterait de calmer les ardeurs des affranchis qui ont voulu l’abattre en collant tout sur le dos d’un flic.

    Ce lundi 8 février, Karim Achoui est invité à livrer sa version. Il abandonne le scenario du complot policier. C’est dit calmement et sans ambages :

    « Je me suis trompé du 1er au dernier jour sur la police. J’avais des raisons de leur en vouloir mais aujourd’hui, je vous le dis les yeux dans les yeux, je me suis égaré. »

    L’atmosphère se détend, la présidente rebondit :

    « Et puis, pourquoi la police aurait voulu vous tuer ? – Voilà ! Pourquoi la police républicaine aurait voulu faire ça, c’est absurde. »

    Sympathique moment de communion dans le prétoire.

    Aveux… aux WC

    Pour trouver le commanditaire, tout espoir est vain. Mais pour Karim Achoui, le tireur est là, ça ne fait aucun doute. Il est questionné par la défense de Ruddy Terranova, Maîtres Michel Konitz et Louise Tort, sur les incohérences. Pendant 10 mois Karim Achoui ne donne d’autres informations que « 180 cm, mince, méditerranéen », puis on l’appelle pour le prévenir qu’un suspect est en garde-à-vue, alors il s’épanche dans le Parisien :

    « Je n’oublierai jamais son regard, son visage. »

    Et le commissaire Richardot, en charge de l’enquête à la brigade criminelle, organise un tapissage. Derrière une vitre sans tain, Karim Achoui doit, s’il en est capable, désigner un tireur. Il n’hésite pas : c’est le N°7, avec le sweat Diesel, et c’est Ruddy Terranova – qui mesure 1m92. Me Konitz croit bien que cette reconnaissance lui a été suggérée. « J’ai reconnu son regard de manière absolu, je suis certain à 100% sur le physique, à 90% sur le visage », se défend aujourd’hui la victime.

    Karim Achoui répète à plusieurs reprises sa conviction totale quant à la culpabilité de Terranova. Il glisse dans sa déposition une anecdote ahurissante : Terranova lui aurait confessé son crime, à l’instant, dans les « water closets » du tribunal. L’avocat général, croyant certainement à une blague, lui fait répéter :

    « Vous voulez dire les lieux d’aisance, en bon français ? Et que vous a-t-il dit ?
    – Il s’est excusé, m’a dit qu’il était sensible à mon engagement spirituel, à mes causes »

    Achoui est notamment engagé dans la défense de Moussa de Baraka City, cause à laquelle Terranova, musulman, serait sensible. Le ton est bon, mais la nouvelle improbable. Un homme qui nie depuis 8 ans avouerait dans ces conditions ? Me Konitz intervient, il ne le croit pas du tout. Sa consœur Me Tort, ébahie, est scotchée. Achoui ne se laisse pas démonter :

    « Il a confessé son crime à Melun comme il l’avait fait en première instance. »

    C’est inédit, comme information. Les deux avocats protestent : « Mais il était détenu ! Mais il était détenu ! » Dans un large box surélevé, entouré de gendarme, l’hypothèse d’une confession est effectivement douteuse. Karim Achoui s’énerve et hurle :

    « – Je n’accepterai pas qu’on me traite de menteur, qu’on remette en cause ce que je dis
    – Bien sûr qu’on le remet en cause ! »

    Terranova, assis sur une chaise au premier rang, se tape le front. La présidente lui demande son avis, il répond, dépité :

    « Je comprends que c’est sa dernière cartouche, mais moi j’ai jamais dit ça. »

    L’algarade cesse, Karim Achoui s’en va. Il ne reviendra pas.

    Des dénonciations trop anonymes

    Retour en 2008. Comme l’a indiqué le commissaire Lapeyre, un renseignement anonyme, ça se vérifie. Les enquêteurs s’emparent de la téléphonie, établissent des liens entre Terranova et Hakkar, Terranova et Haddad. Parfois directs, parfois indirects. Ils notent la présence de Terranova quelques jours avant les faits, près du cabinet de Me Achoui, ce qu’ils interprètent comme un repérage. Et puis il y a Daoud Thiam.

    C’est le meilleur ami de Ruddy Terranova et il hante ce dossier. Pris dans les interpellations multiples du 14 avril 2008, il fait en garde-à-vue des confessions qui accablent son ami. Il parle tout d’abord d’une réunion préparatoire au domicile de Terranova, où le complot aurait été ourdi. C’est là qu’il aurait décliné la proposition d’être le pilote de la moto. Puis, le 20 juin, il croise Terranova à la gare Saint-Lazare. Là, il lui aurait dit, casque à la main et regard inquiétant, être « en mission ». Daoud Thiam aurait pris peur, puis aurait cassé sa puce de téléphone et disparu des radars.

    C’est donc un témoin clef, mais il est hélas introuvable et ne viendra pas déposer à la cour d’assises de Melun. La défense pense qu’il est l’auteur du renseignement anonyme, voire le pilote de la moto, qu’il n’avait nullement décliné l’offre qu’on lui avait faite. Ce serait en raison de cette collaboration avec la police qu’il n’a pas été poursuivi. C’est improuvable, mais cela instille le doute dans l’esprit des jurés.

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    Et Mamadou Ba dans tout ça ? Il aurait conduit le deux-roues... / Crédits : Marty

    Et Mamadou Ba dans tout ça ? Il aurait conduit le deux-roues. C’est un grand noir athlétique à l’allure placide, détenu pour d’autres faits depuis neuf ans, et qui depuis son box passe son temps à griffonner des mots à ses deux avocats, maîtres Frank Berton Et Roksana Naserzadeh. Il traverse l’audience en fantôme, forcé qu’il est d’assister à son procès où les charges qui l’impliquent sont si faibles que l’avocat général demandera son acquittement.

    Il atterrit dans le dossier le 27 septembre 2009, par un renseignement tout aussi anonyme que celui qui impliquait Terranova. Un homme se pointe au 36, quai des Orfèvres, et fait descendre un commandant de la Crim’. Il confirme pour Terranova et glisse le nom de Mamadou Ba, refuse de dévoiler son identité et s’en va. Les enquêteurs vont retrouver Ba – déjà incarcéré à l’époque – et s’apercevoir qu’il a été arrêté le 13 septembre 2007 sur une moto Yamaha R1 volée dix jours avant les faits du 22 juin. Lui explique qu’il a volé cette moto le jour de son interpellation, à « une bande de turcs de son quartier » qui donc avaient dû voler l’engin au mois de juin.

    Il avait dans son répertoire les numéros de deux personnes accusées d’avoir pris part à l’opération (et acquittées en 1ère instance). Et Mamadou Ba s’est très mal défendu, refusant de dire dans quelle mosquée il devait être ce vendredi soir. « Je ne voulais pas impliquer l’imam, un proche de mon père. C’aurait été la honte sur la famille », explique-t-il aujourd’hui. Il a un phrasé propre, une syntaxe au cordon, le ton posé. Il a passé beaucoup de temps à étudier en prison. Ayant refusé les expertises psychologiques et psychiatriques, peu d’éléments biographiques viendront nourrir son procès.

    Ruddy Terranova, Corse et Sicilien

    La personnalité de Ruddy Terranova, presqu’autant que celle de Karim Achoui, occupe les débats. Sa vie est un mauvais roman. Ce ne sont pas les bas-fonds, mais pas loin. Il débute :

    « Déjà, j’ai passé un tiers de ma vie incarcéré. »

    Né en 1978 à Marseille, il est élevé par sa grand-mère, une Corse pied noir, et son grand père gendarme, farouche partisan de l’Algérie française et membre appliqué de l’OAS. Ce dernier lui inculque Marc Aurèle et le stoïcisme, il a le ceinturon facile et le petit Ruddy très vite s’endurcit.

    Sa mère le récupère vers 5 ans – il ne connaît pas son père biologique, un homme d’origine sicilienne – et ils s’installent en région parisienne. Il a un beau-père, un Corse du milieu souvent incarcéré mais qui débourse sans compter pour que Ruddy fréquente les bonnes écoles. Il lui apprend aussi à tirer, vers 10 ans. Son beau-père est abattu en 1995 dans un règlement de compte. Sa mère est atteinte d’un cancer. Ruddy ne percute pas grand-chose, et puis un jour de 1996, il la découvre pendue à leur domicile.

    Son casier judiciaire est inauguré en 1997 par un délit mineur, puis il fait un bref passage à la légion étrangère, avant de poursuivre ses péripéties judiciaires et de tomber pour 4 ans. Une aubaine selon lui :

    « Cette condamnation était nécessaire, j’étais un danger pour la société, je n’avais plus de notion de bien et de mal. »

    C’est dans l’islam qu’il retrouve ses repères : il s’est converti pour épouser sa dulcinée. Il sort de prison et part au Soudan se battre contre des milices chrétiennes où il sera blessé. Retour en France, trois condamnations – dont une pour association de malfaiteurs en vue d’une entreprise terroriste – et une existence instable et paradoxale, musulman rigoriste et aspirant voyou, proche de caïds réputés, cabotage sulfureux en eaux islamistes et dans les marécages de la grande délinquance.

    Terranova à la barre. achoui3_bord.jpg

    Pour cette affaire, il a fait 5 ans et demi de détention provisoire, en cellule d’isolement pour se protéger du sort que les voyous réservent aux indicateurs. Depuis son premier acquittement, il suit un psychologue et un psychiatre. Il s’est même fait hospitaliser un mois, pour mieux se réadapter. Désormais, il a trouvé un travail chez PSA. « C’est la première fois de ma vie que j’ai un boulot stable », déclare-t-il. Sa femme, qui viendra témoigner, dit de lui que c’est un excellent père.

    Avachi sur sa chaise, il occupe le prétoire de sa grande et lourde carcasse (125 kg) qui traîne la patte et se soutient sur une canne en bois. Il a rasé sa longue barbe et ses cheveux sont plaqués en arrière (comme le Karim Achoui des grandes heures). Il supporte mal toutes les accusations proférées à la barre, parfois il trépigne, parfois il râle, alors la présidente le tance et Me Konitz se lève en furie, lui fait les gros yeux et le rabroue. « Ruddy, tu te calmes ! Ruddy, tu ne dis rien ! » Alors Terranova s’excuse d’un geste ou d’un mot.

    Terranova lorsqu’il s’exprime, est déconcertant. Il a beaucoup de choses à dire, il cite tantôt Nietzsche, tantôt Chateaubriand, tantôt Céline, mais ça part dans tous les sens. Il ne sait plus comment clamer son innocence. Surtout, il brocarde le commissaire Lapeyre, un corrompu selon lui, qui se faisait payer par des délinquants en échange d’informations sur des opérations policières à venir contre eux. « Lapeyre, c’est le Neyret francilien », lâche-t-il en référence au numéro 2 de la PJ de Lyon, mis en examen pour corruption. Terranova ne supporte pas d’être désigné comme un indicateur de la police. À la cour, il brandit ces deux bras.

    « Vous voyez, dans ce bras-là, du sang sicilien, dans l’autre du sang corse. Je préfère encore être condamné à tort que l’on pense que je suis une balance ! »

    Les avocats montent au front

    Pour lui, tout ce dossier n’est « qu’une vue de l’esprit, une construction intellectuelle », mais il peine à le démontrer. Qu’importe, son avocate Louise Tort monte au prétoire comme un boxeur qui saute les cordes d’un ring. Sa démonstration aura d’autant plus de force que le réquisitoire de l’avocat général, qui a requis 8 années d’emprisonnement, a été pauvre et lacunaire. Elle plaide :

    « Le renseignement anonyme ? Aucun élément qui vienne corroborer la version du commissaire Lapeyre. La téléphonie ? Le 11, il est boulevard Raspail, et alors ? C’est le centre de Paris, ça veut dire quoi ? Rien. Comme lorsqu’il borne à Saint-Lazare : c’est la gare pour rentrer chez lui ! »

    Elle reprend les témoignages, souligne les incohérences. Elle ne parle pas, elle pétarade. Elle ne plaide pas, elle exige « son acquittement au bénéfice de la certitude ».

    Viennent les règlements de compte. Karim Achoui est défendu par Me Edouard Martial et Raphaël Chiche, qui sont ses amis. Me Chiche tente de réunir tous les éléments pour soutenir l’accusation contre Ruddy Terranova et Me Martial vient au secours de Karim Achoui et brocarde l’attitude hostile de la défense. Il cite Céline : « La merde a de l’avenir, vous verrez qu’un jour on en fera des discours ». Et la défense n’a pas résisté à la tentation de filer la métaphore du caca. Me Tort :

    « Oui, je suis une merde et je fouille la merde, sauf que ça s’appelle pas de la merde, ça s’appelle de la victimologie. Une personne, pour savoir qui lui a fait du mal, c’est quand même intéressant de savoir qui sont ses ennemis. »

    Des pistes insuffisamment exploitées par les enquêteurs, selon elle.

    Avant elle, Me Berton et Naserzadeh ont sobrement fini de terrasser les anémiques lambris de charges qui pesaient encore à l’encontre de Mamadou Ba. Et enfin, Me Konitz s’est levé pour vitupérer contre celui qu’il abhorre, Karim Achoui. « Ce type me fait peur parce qu’il est remarquablement intelligent, il a une prestance, je n’ai pas l’habitude », confesse-t-il.

    « Vous avez la preuve que le dossier il pue, et pas parce que de la matière fécale sort de notre bouche, il pue parce que Karim Achoui c’est un menteur, un manipulateur. Il triche. »

    Puis, à l’adresse de son client :

    « Ruddy, si je t’aime, c’est pas parce que t’as eu une enfance fracassée, c’est parce que t’es un naufragé de la justice. »

    Vendredi 12 février, Mamadou Ba et Ruddy Terranova ont été acquittés. Le colosse s’est effondré en pleurs sur sa chaise. Sur Twitter, Karim Achoui est atterré.

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