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    08/12/2017

    Chirurgie, ventouses et suppositoires, elles ont tout testé

    « Tout le monde veut les fesses de Kim K »

    Par Inès Belgacem , Pierre Gautheron

    Elles ont entre 18 et 30 ans et rêvent toutes de fesses rebondies comme à Miami. Chirurgie esthétique, ventouses, suppositoire et autres recettes miracles, tout est bon dans la quête du cul bombé.

    Rue de Montreuil, Paris 11ème – Branchée sur le Periscope d’une copine, sagement allongée sur le ventre, Lorynne entame sa séance de lifting fessier. « N’hésite pas, mets la machine à fond », intime-t-elle à la gérante de l’institut. Sur ses fesses sont agrippées deux énormes ventouses. Elles aspirent puis relâchent inlassablement le derrière de la jeune femme aux longs cheveux gris. « C’est une manière non chirurgicale pour avoir des fesses liftées, sans cellulite et bien galbées. Ça les fait même un peu grossir », assure Josiane tout en s’occupant de sa cliente. Voilà sept mois qu’elle a lancé son business, Flawless Body, et elle l’assure :

    « Les femmes qui viennent me voir me demandent les mêmes fesses que Kim K. »

    « J’aime quand ma robe est bien remplie », traduit Lorynne. Très peu intéressée par la chirurgie esthétique, elle préfère le sport. Avant, elle portait des collants remonte-fesses, avec deux trous au niveau du derrière pour galber. « Mais ça fait des traces sous la jupe… » Les machines de Josiane lui plaisent davantage. A cette dernière de renchérir :

    « On rêve toutes d’un corps en 8, en sablier. Taille fine, hanches larges et formes généreuses. La mode, c’est d’être fine et d’avoir un fessier rebondi. »

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    Lorynne et Josiane se marrent / Crédits : Pierre Gautheron

    « T’as un gros cul » VS « t’es une frappe »

    Les machines de Josiane sont posées sur une petite table, à côté de la table de soin. Un tapis blanc imitation fourrure et un diffuseur d’huile essentielle décorent la petite salle aux murs blancs. « Quand j’étais plus jeune, on me disait “t’as un gros cul c’est moche”. Aujourd’hui on me dit “t’as un cul de ouuuf” ! » Josiane est coquette, coupe courte blonde et raie tirée à la tondeuse sur le côté. Son pantalon gris met en valeur ses fameuses formes en 8. « Avant, il fallait juste des gros seins. Les choses ont bien changé. Maintenant, on veut tout dans les fesses et rien dans la poitrine », renchérit Lorynne, toujours allongée.

    Clip Tyge – 1 of 1

    Les deux femmes sont bonnes copines. La première a joué les cobayes pour la seconde. Depuis son lancement en mai 2017, les affaires roulent pour Flawless Body. Une dizaine de clientes passent chaque jour corriger leurs courbes avec les ventouses de Josiane. « Des ondes ultrasoniques, ajoutées à l’aspiration des ventouses, stimulent le muscle. Une séance revient à faire plus de 2 000 squats », promet-elle.

    Lorynne vient régulièrement. « Je fêtais mon anniversaire il y a quelques semaines. Je suis passée ici avant pour être au top. Je le fais avant les grosses fêtes, les mariages. » La jeune femme de 24 ans est vendeuse dans le prêt-à-porter. Elle est sportive et en forme. Des courbes, elle en a. Mais rien n’y fait, Lorynne est plus à l’aise après un crochet par l’institut. « C’est un vrai complexe. » Josiane abonde. « Il y a un problème de société. Dans l’imaginaire collectif, qui dit femme noire dit gros cul. Et si on n’en a pas, on n’est pas belle. » Elle le voit bien avec sa clientèle :

    « Elles ont entre 18 et 30 ans. 70 % sont des femmes noires. 20 % arabes, 10 % blanches. Normal, puisque la plupart des modèles qui portent les formes en 8 sont des noires. »

    Lorynne poursuit :

    « J’ai envie d’être sexy, d’avoir le corps qu’il faut et d’attirer le regard des hommes. Je viens surtout pour avoir plus de hanches. Derrière je me trouve bien. Mais bon, j’en veux bien plus. »

    Clip Tyge – 1 of 1

    « La culotte de cheval c’est grave à la mode ! » Kahina est une autre cliente régulière de Josiane. Les deux femmes discutent, assises dans le couloir de l’institut qui sert de salle d’attente. « Mais même les vergetures c’est tendance. Sur les fesses comme sur les seins ! » Récemment, sur Instagram, une artiste a même sublimé les siennes en les peignant couleur or. Kahina est brune, mince, a une taille fine. « En ce moment je suis au chômage, alors j’ai plein de temps pour passer ! » Elle voudrait plus de fesses, mais se demande si celles de Kim K. ne sont pas trop grosses pour sa corpulence. « Celui de la fille dans le clip “1 of 1 de Tyga” t’irait mieux », lui conseille Josiane, en le mettant sur la télé accrochée sur le mur du fond. La mannequin et hit girl Amina Blue y déambule en maillot de bain deux pièces. Taille fine, derrière généreux. Josiane rebondit sans quitter la télé des yeux :

    « De toute façon si t’as pas de fesses aujourd’hui c’est un problème. Regarde les clips, il n’y a que ça. »

    Gonfle tes fesses comme à Miami

    La culture US, les vixens et les influenceuses, Josiane suit tout. Les photos de femmes aux formes généreuses défilent sur son téléphone. « Il n’y a que ça sur mon Instagram », rigole-t-elle : Bernice Burgos à la salle – « une clippeuse US qui fait le buzz en ce moment » -, Ayisha Diaz et Lira Mercer en tenue de soirée moulante – deux autres vixens américaines -, ou encore des super stars comme Beyoncé en jupe tube ou la rappeuse new-yorkaise Cardi B en bas résille. Elles pèsent plus de 130 millions de followers réunies. « Aux États-Unis, ça fait un moment que cette mode existe. En France ça doit faire 4 ou 5 ans. Mais il y a beaucoup moins de modèles, même s’il y a quelques filles de télé-réalité. »

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    Au calme. / Crédits : Instagram Ayisha Diaz

    L’entrepreneuse originaire d’Évry a d’ailleurs importé son concept de ventouse du continent américain. L’an dernier, hôtesse dans une banque, elle rêve de galber son fessier et gommer sa cellulite. Mais la chirurgie esthétique proposée en France ne l’attire pas. Après avoir fait sa petite étude de marché, elle trouve un institut dans ses prix à Miami, qui propose des méthodes non chirurgicales. Josiane booke deux semaines de vacances au sud de la côte est pour s’offrir sa cure de ventouse. « J’ai fait deux séances espacées de trois jours. Et j’ai trouvé ça mortel ! Ça a super bien marché. » :

    « Je sais que je ne suis pas la seule à me renseigner sur les méthodes à l’étranger. Il y a plein de forums sur ces sujets. »

    Josiane prend quelques mois pour réfléchir à son business plan et mûrir sa décision. « Une fois sûre que ça n’était pas une lubie, que je voulais vraiment me reconvertir, je me suis lancée. » Elle part se former en Colombie, réunit ses économies et s’associe à son mari. Une fois ses machines importées des États-Unis, elle ouvre dans le 11ème arrondissement. Ses séances sont facturées 120 euros. « Je conseille d’en faire six pour que ça tienne au moins un an. Ca ne tient pas éternellement et il faut l’entretenir avec du sport. » Flawless Body est aujourd’hui le seul institut du genre en France.

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    Gonfle ton booty comme à Miami / Crédits : Pierre Gautheron

    Les modèles arrivent dans l’Hexagone

    « Je suis venue casser les stéréotypes. J’étais la première ronde dans la télé-réalité. J’ai montré qu’on pouvait être une bimbo avec des formes. » Sarah Fraisou, 25 ans, fait partie des influenceuses à avoir importé la mode sur le petit écran français selon Josiane. « C’est la seule à parler de sa chirurgie de manière transparente. » Au volant de sa Volkswagen noire dans les rues de Paris, Sarah Fraisou monte le son. « C’est le dernier album de Booba. Celle avec Niska est lourde. Ils ont fait du sale. » La jeune femme au 944.000 followers insta l’a reçu la veille sur sa boîte mail, quelques jours avant la sortie. « On m’a dit “c’est une exclu, cadeau”. Je n’ai pas posé de question. » Il y a cinq ans, elle s’est fait connaître en intégrant le casting de la saison 2 des Princes de l’Amour. Elle a depuis enquillé les Princes 3, deux saisons des Anges et une des Vacances des Anges. « Cinq étés que je me tire ! » Ses fans, qu’elle a surnommé « Team Grosse », lui envoie régulièrement des messages :

    « Des filles très jeunes me remercient, me disent qu’elles ont repris confiance en elles. Elles se disent ‘une grosse peut arriver jusqu’à la télé’. »

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    En 2015, la jeune femme part en Tunisie pour sa première liposuccion. / Crédits : Instagram Sarah Fraisou

    Son survet’ complet Paris Saint-Germain lui colle à la peau et laisse entrevoir ses tatouages dans le bas du dos. Il y a quatre ans, juste avant sa seconde participation aux Anges, elle saute le pas de la chirurgie esthétique :

    « En France, on a du mal avec ça. Plus tu as des formes généreuses, plus tu es considérée comme vulgaire. Alors qu’aux USA t’es fraîche et archi-côtée. »

    En 2015, la jeune femme part en Tunisie pour sa première liposuccion. Une seconde suivra quelques années plus tard. Son idée n’est pas de mincir, mais de sculpter davantage son corps :

    « À la base, j’ai une morphologie droite. J’ai fait creuser ma taille, enlever du dos, des bras, du ventre et j’ai tout réinjecté dans mes fesses. Pour être en 8. »

    En France, une liposuccion ne peut excéder cinq litres de graisses. « En Tunisie ça n’est pas le cas. Je me suis fait enlever 18 litres par lipo. »

    « T’as entendu parler des cubes Maggi pour grossir tes fesses ? »

    « Avant on installait des prothèses sur les fesses. Mais c’était visible et ça vieillit assez mal. Maintenant on transfère des graisses sur les fesses », explique Billel, 32 ans, le grand frère de Sarah. Les Fraisou ont lancé ensemble leur agence de tourisme médical en Tunisie, d’où ils sont originaires. « Les taxes ne sont pas les mêmes, le personnel médical est moins cher, les chirurgiens moins gourmands qu’en France. Ça se ressent sur les tarifs. » Le pays est un spot majeur du tourisme esthétique. Depuis huit ans, le frère et la soeur proposent toutes sortes d’opérations chirurgicales. Mais leur best-seller reste l’injection de graisse dans les fesses depuis quelques années. Facturée 3.000 euros. « C’est clair que c’est un budget, mais c’est bien en dessous de la France – où ça coûte entre 6 et 12.000 – ou les États-Unis – où la note avoisine les 25.000 dollars. »

    Billel l’assure, c’est sa soeur qui a lancé la mode il y a quatre ans. Et depuis, son planning de réservations est booké chaque semaine. Ses clientes sont les mêmes que Josiane : elles ont entre 18 et 30 ans, majoritairement noires. À Billel de conclure :

    « De nos jours, ça ne veut plus rien dire d’avoir un cul plat et de devoir mettre une ceinture. »

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    Sélina est un 8 / Crédits : Pierre Gautheron

    Le sujet est effectivement pris très au sérieux sur les réseaux sociaux. Des milliers de posts Facebook existent sur le sujet et proposent des remèdes mystérieux. Des pages web comme grossirmesfesses.com ou myfesses.club pullulent et proposent elles aussi leurs solutions. Crèmes miracles, pilules prodigieuses, suppositoires, autant de « trucs chelous » selon Selina, instagrameuse fitness : « On ne sait pas ce qu’il y a dans tous ces produits… ». La grande brune s’est intéressée à tout. « Tu connais les cubes Maggi ? Paraît-il que ça fait grossir les fesses », soupire-t-elle dubitative. Il y aurait aussi l’huile de poisson, dit krill, qui étalée aurait les mêmes vertus. Reste, à côté des remonte-fesses classiques – un collant avec deux trous au niveau du derrière pour galber le fessier -, la culotte coussin, pour donner un peu plus de volume. Selina rage :

    « Des nanas hyper influentes sur Insta racontent n’importe quoi sur ces produits ! Quand tu as une telle notoriété, tu ne peux pas te permettre de faire de la pub pour n’importe quoi. »

    Des photos d’opérations loupées, d’effets secondaires, d’éclatement des chairs et autres boursouflures se trouvent aussi sur les réseaux sociaux. L’exemple le plus médiatique reste celui d’Oneal Ron Morris, une fausse chirurgienne qui injectait du ciment dans les fesses de ses patientes.

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    On fait tous ça le matin / Crédits : Pierre Gautheron

    « Faut entretenir ça ma fille »

    Selina est grande et élancée. Merci à « une bonne génétique ». Le 8, elle le porte en leggings et brassières à longueur de post Insta. La plupart de ses 62.000 followers la suivent pour ses fesses, totalement naturelles. Elle donne des conseils pour les muscler, propose des exercices et des recommandations nutritionnelles. « Je voudrais être influenceuse et faire de la télé-réalité. J’ai participé à Ninja Warrior aussi », raconte la coach de profession. « Mais pour percer dans le fit-game, c’est compliqué. » Si elle apprécie cette mode, elle ne s’y est pas engouffrée par hasard. Selina sait que les squats intéressent en ce moment :

    « C’est clair qu’on ne m’interroge presque que sur mes fesses. Que voulez-vous. Avant on voulait être Kate Moss, maintenant on veut toujours plus de volume. »

    Depuis quelques temps, elle est égérie pour la salle de sport I Love my Popotin, spécialisée dans les exercices fessiers. « J’ai commencé avec mes copines qui se plaignaient de leurs fesses. Mais il s’avère que c’est une tendance qui dépasse mon cercle d’amies », juge le fondateur Nelson. L’ancien coach en salle de 34 ans a ouvert en 2014 avec un concept simple : des séances de sports personnalisées exclusivement centrées sur les fesses, accompagnées d’une demi-heure de massage palpé roulé. L’endroit a des airs de salle de danse, avec des grands miroirs au mur et une barre en bois de frêne. Des rideaux à damiers transparent tombent sur le parquet.

    « Le fessier est le plus gros muscle mais aussi le plus fainéant du corps. Raison pour laquelle il est nécessaire de l’entraîner de manière isolée. »

    I Love my Popotin est plus qu’à l’équilibre depuis son ouverture. « On a 20 % de bénéfices supplémentaires par rapport à l’an dernier », assure Nelson, qui facture 170 euros les quatre séances. « C’est clair que ça marche fort », surenchérit Selina, qui voit son nombre de followers augmenter jour après jours sur Instagram. Nelson ouvre d’ailleurs une seconde salle courant janvier :

    « Le plus dur est de se faire connaître. Que les gens sachent que ce genre de service existe. Pour le reste, la demande est bien là. »

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    Moi et mes ventouses, OKLM / Crédits : Pierre Gautheron

    Josiane abonde. Pour la comm’ de Flawless Body, elle a parié sur Instagram et le bouche-à-oreille. Régulièrement, elles invitent des influenceurs urbains dans son institut, qui ne manquent pas d’apparaître sur sa page et de partager leurs après-midi sur la leur. « Le problème, c’est qu’aucune personnalité ne veut montrer ses fesses. Mais je les invite pour d’autres choses, comme un blanchiment de dent – qu’on fait aussi. » Le rappeur Dehmo, ex de la MZ, le snapeur Denatora, la candidate de télé-réalité Astrid Nelsia ou encore l’actrice de série YouTube Deborah Power. « Je viens de banlieue. Ce sont des gens qui ont la même culture, qui sont dans mon réseau. Et puis c’est une tendance assez urbaine. »

    Dans les guests de Josiane, on retrouve l’humoriste Noah Lunsi – que nous vous avions présenté dans notre documentaire Des Barres. Sur Snapchat, l’influenceur a lancé le Mabé Challenge. « C’est du lingala, ça veut dire mauvais. C’est le truc que tu devrais pas regarder, mais que tu vas quand même regarder », rigole-t-il au téléphone. Régulièrement, il reçoit des photos un poil dénudé de ses fans féminines, qu’il reposte ensuite. « C’est parti d’une blague. Je voulais arrêter mais les gens le réclament. Alors je partage les photos des femmes les moins osées. » La plupart sont en 8 et portent les fameuses formes généreuses. Des morphologies que ses followers n’hésitent pas à commenter, hommes comme femmes :

    « Je le vois avec les réactions. La morphologie idéale, c’est une femme qui mange bien et qui a une belle cambrure. Le plus important n’est pas un cul énorme, mais un fessier bien galbé. »

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    Vive les gros popotins / Crédits : Pierre Gautheron

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