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    12/09/2018

    Elles venaient de déposer leurs enfants à l'école

    En Guyane, des mamans sans-papiers ont été arrêtées le jour de la rentrée des classes

    Par Tomas Statius

    En une semaine, trois femmes sans-papiers ont été interpellées alors qu’elles venaient déposer leurs enfants à l’école. Une manoeuvre déloyale estiment les associations de défense des sans-papiers.

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    Sylvia (1), 30 ans, sans-papiers brésilienne installée en France depuis 2016, a été expulsée le mardi 4 septembre. Escortée par la police aux frontières (PAF), elle a probablement pris place dans une petite pirogue, comme c’est la coutume, avant de traverser le fleuve Oyapock, qui fait office de frontière entre le Brésil et la Guyane.

    La veille, la jeune femme qui habite un squat de Cayenne emmenait sa fille pour sa rentrée des classes. Sur le chemin du retour, Sylvia tombe sur un équipage de police. Après un bref contrôle d’identité, la jeune femme est emmenée au poste, puis transférée au centre de rétention de Matoury, au sud de la ville.

    L’expulsion est expéditive. Pas le temps de voir un avocat, ni de préparer un recours pour contester son placement en rétention ou son éloignement. « Elle n’a pas eu le temps de voir un juge ni rien », précise Marion Beaufils, responsable rétention pour l’association la Cimade en Guyane.

    Trois cas depuis la rentrée des classes

    Sylvia n’est pas la seule à avoir eu maille à partir avec la police en rentrant de l’école. D’après la Cimade, l’association qui intervient au centre de rétention de Matoury, le seul de Guyane, au moins trois mamans sans-papiers ont été arrêtées depuis le début de l’année scolaire. Toutes trois ont été interpellées alors qu’elles venaient de déposer leurs enfants à l’école. Une manoeuvre particulièrement déloyale, estime les associations spécialisées dans la défense des sans-papiers. « Ils font souvent ça », affirme le membre de l’une d’entre elles.

    Le même jour que Sylvia, Myriam (1), Haïtienne, s’est faite arrêter à Matoury, alors qu’elle venait de déposer ses deux enfants de 11 et 15 ans à l’école. Quatre jours plus tard, la mésaventure est arrivée à Adeline (1). La jeune femme risquait un renvoi illico vers Haïti, son pays d’origine, alors que ses enfants, Français, étaient toujours en Guyane. Toutes deux ont finalement été libérées par la préfecture alors qu’elles devaient se rendre au tribunal administratif pour contester leur expulsion. « C’est une pratique courante. Quand la préfecture risque de se faire condamner, elle abandonne », rebondit Marion Beaufils.

    La préfecture ne commente pas des situations individuelles

    Si la situation fait hurler les professionnels du secteur et les associatifs, la préfecture de Guyane, interrogée par StreetPress, ne voit rien à redire sur la pratique. Tout au plus s’échine-t-elle à expliciter les procédures mises en oeuvre dans pareille situation :

    « S’il est procédé à l’éloignement d’un parent d’enfant mineur, les services de l’Aide sociale à l’enfance sont systématiquement sollicités. »

    Et de rappeler :

    « Dans une approche générale, la scolarisation d’un enfant ne constitue pas en soi un critère suffisant justifiant la reconnaissance d’un droit au séjour. »

    Silence radio sur le cadre de l’intervention qui a abouti à l’interpellation des trois femmes… Sylvia, elle, est toujours introuvable, rappellent les employés de la Cimade au centre de rétention. Tout comme sa fille.

    (1) Prénom modifié

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