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    18/12/2018

    Salut nazi et polo allemand

    Bastion Social : une virée violente pour fêter le titre des Bleus

    Par Christophe-Cécil Garnier , Yann Castanier

    La France vient tout juste d’être sacrée championne du monde quand Edgar et Manon tombent sur 6 membres du Bastion Social de Chambéry. La rencontre vire au pugilat. Résultat des courses ? Pommette tuméfiée pour elle, séquelle psychologique pour lui.

    Tribunal correctionnel de Chambéry – À peine arrivé, le juge prévient : « En raison du mouvement Justice morte sur Chambéry, toutes les audiences sont reportées ». Dans la salle, le visage d’Edgar se rembrunit. Son affaire ne sera jugée qu’en juin 2019. « Je serai là », affirme-t-il d’emblée. Quand il sort de la salle, il croise le regard de Mathias Jacquet et de Florian Danger, deux membres du Bastion social, un mouvement d’extrême droite dont StreetPress vous parlait par ici. La dernière fois qu’il a croisé les deux hommes, c’était le soir de la Finale de la coupe du monde.

    Avec ma gueule de métèque

    Il est entre 19h et 19h15 en ce samedi 15 juillet quand Edgar et sa copine décident de rallier le Carré Curial, l’une des places phares de Chambéry. Cela fait à peine une demi-heure que les Bleus de Didier Deschamps sont à nouveau sur le toit du monde. L’effervescence se fait sentir. Le jeune couple s’est époumoné à domicile devant les buts de Griezmann, Pogba et Mbappé. Après la rencontre, accompagné du frère d’Edgar, de sa copine et de deux amis, le groupe décide rallier le centre-ville. Il se gare un peu à l’écart de l’agitation, puis remonte à pied l’avenue Jean Jaurès avant de tourner à droite pour s’engouffrer dans la petite rue Jean-Pierre Veyrat, entre un bar-tabac et une boulangerie.

    « Edgar est Colombien, moi d’origine espagnole, mes amis sont tous les deux d’origine maghrébine. Un bon groupe ! », sourit Manon quelques mois plus tard, attablé à une terrasse de café en compagnie d’Edgar. Quelques mètres plus loin, le groupe croise une petite bande, forte de six éléments. Tous sont vêtues de noir. Tous sont membres du Bastion Social, un mouvement néo-fasciste récemment installé à Chambéry.

    Polo allemand et salut nazi

    Edgar remarque tout de suite les polos de certains d’entre eux, frappés du drapeau de l’Allemagne. Il crie dans l’euphorie : « Vive la France ! On est champion du monde ! ». « J’avoue que j’avais un peu d’alcool en moi mais on fêtait la victoire. J’ai peut-être pu avoir ce côté provocateur mais rien d’insultant ou quoi », se souvient-il. Le groupe adverse ne bronche pas. Lorsque le trentenaire se retourne pour parler à un de ses amis, il voit deux d’entre eux faire un salut nazi en sa direction.

    Edgar ne peut s’empêcher de lancer : « Ah en plus vous êtes des fachos ». Puis réplique par un doigt d’honneur. Soudain, les deux nationalistes courent vers lui et lui assènent « un gros coup de poing » selon les déclarations de Manon à la police. Edgar tombe par terre. Un des membres du Bastion lui porte plusieurs coups de pied. Le couple identifie plus tard l’agresseur : il s’agit de Mathias Jacquet. Lors de la rixe, Manon aide son copain et saute sur l’assaillant, tente de lui donner des coups de pied, avant de se faire frapper. « Deux ou trois » autres membres du Bastion interviennent ensuite pour porter des coups à Edgar et à son frère qui essayait de le défendre.

    Deux femmes et un homme s’interposent finalement pour mettre fin à la baston. La police arrive sur les lieux. Les bastonneurs du Bastion repartent de là où ils sont arrivés. Vers la place du château de Chambéry et leur local, qui se trouve 500 mètres plus loin.

    Connu comme le loup blanc

    Quelques minutes plus tard, la police interpelle les agresseurs d’Edgar et Manon. En plus de Mathias Jacquet : Florian Danger, Romain L., Bruce V. et Maxime L. Tous sont placés sous contrôle judiciaire avec interdiction formelle d’entrer en contact les uns avec les autres… Une obligation légale qu’ils ne respectent pas vraiment. Pour preuve, le jour où StreetPress rencontre Mathias Jacquet, ce dernier est accompagné de… Romain L.

    « Mathias Jacquet était le plus turbulent et a été un des deux à faire le salut nazi, raconte Edgar après avoir croisé le petit groupe au tribunal. Le commandant de la brigade connaissait déjà ces personnes-là ». Pour cause, ce dernier, Florian Danger et trois autres membre d’Edelweiss Pays-de-Savoie, l’ancêtre du Bastion Social, étaient déjà passés devant la justice en octobre 2017, après avoir attaqué le concert de rentrée de la Fédération anarchiste.

    Quand nous l’avions interrogé sur les événements de juillet, Mathias Jacquet s’était contenté de dire qu’un groupe de militants du Bastion avait été « pris à partie par une autre bande de jeunes et pour des raisons qui n’avaient rien à voir avec la politique, plutôt de l’euphorie et de l’ébriété du moment des individus qui les ont apostrophés » :

    « Il y a eu un échange de coups et une bagarre mais ça n’a aucun lien avec le Bastion. Ce sont encore des faits que je déplore et ça ternit notre image. »

    Résultat des courses pour Manon et Edgar ? Dix jours d’arrêt de travail pour la première et un hématome à la pommette. Seulement trois jours pour lui mais un « d’un état de stress post-traumatique » selon un certificat médical. Cette agression n’est pas la seule de membres du Bastion social envers des badauds. Depuis sa création, le groupe a été condamné six fois pour des violences envers des personnes lambdas et non-politisées.

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