En ce moment

    30/11/2021

    On a lu les pires journaux de France

    Dans la presse d’extrême droite on parle remigration, lobby gay et enlèvement

    Par Pierre Plottu , Maxime Macé

    StreetPress s’est plongé dans la presse d’extrême droite. Vous n’allez pas être déçu du voyage. Au menu : remigration forcée, enlèvement du négationniste français Reynouard, et lobby gay dans l’Église.

    Le dossier choc du mois est à lire dans le dernier numéro de la revue identitaire et négationniste Réfléchir et Agir. Le canard consacre un long dossier à la « nécessaire remigration » des populations étrangères (ou supposées comme telles). Dix-huit pages à lire entre un article sur « La peinture allemande sous le IIIe Reich » et un autre sur « le complot des blouses blanches » dans la rubrique « Judaïca ».

    Réfléchir & Agir présente ses solutions finales

    Plus qu’un précis sur ce fantasme de l’extrême droite radicale, il s’agit surtout pour les auteurs d’égrener ses deux solutions (finales) au cas où les populations qui devraient être remigrées ne le souhaiteraient pas. Mais qui sont-elles ces personnes ? Et bien il s’agit tout simplement « toutes les personnes non-européennes », françaises ou non. Pour la question des « métis », le choix est simple : soit la remigration, soit devenir un citoyen de seconde zone « interdit de droit de vote, d’emploi dans la fonction publique et de se marier avec un Blanc ». Les lois de Nuremberg du régime nazi ont sûrement servi de base à la rédaction de ce dossier.

    Quant à la remigration forcée, voici leurs projets. Dans un premier cas et c’est la méthode « douce », ils envisagent la déportation « de force » des 12 millions de « réémigrables » en Guyane.

    Quid de la méthode « musclée » ? Outre de « tirer pour tuer » sur ceux qui tenteraient de franchir la frontière, les néo-fascistes de Réfléchir vont plus loin. Ils imaginent ainsi faire intervenir l’armée pour expulser les 12 millions de personnes vers les pays limitrophes de la France. « Cette solution a l’avantage d’être peu coûteuse et surtout de mettre le chaos dans les pays voisins », explique l’auteur de ce brûlot raciste. Il aura de toute façon fallu quitter l’Union européenne, l’ONU et l’OTAN au préalable. Et tant pis pour l’Erasmus à Sigmaringen.

    Obsession

    Fiction toujours chez Rivarol où Jérôme Bourbon nous raconte par le menu la tentative d’enlèvement dont aurait été, selon lui, victime le négationniste français réfugié en banlieue de Londres, Vincent Reynouard. Il n’était pas présent, mais Bourbon décrit la scène avec précision. Digne d’un polar.

    « La police britannique et Interpol (si c’est bien d’eux qu’il s’agit) ont sonné en bas de son domicile en milieu d’après-midi. Vincent descend l’escalier, ouvre la porte. Voyant les policiers lui indiquant qu’ils veulent parler à Vincent Reynouard, ce dernier décline une fausse identité, puis claque aussitôt la porte sur les policiers (…). Entendant les policiers qui ont finalement réussi à ouvrir la porte d’entrée grimper quatre à quatre les marches d’escalier jusqu’au deuxième étage, il a tout juste le temps de fuir par la cour intérieure du petit immeuble qui donne sur une sortie à l’arrière du bâtiment de sorte qu’il a pu semer ses poursuivants ».

    Les faits remonteraient au 25 octobre dernier et depuis, l’auteur nazi n’aurait pas donné signe de vie selon Bourbon, pourtant bien informé. Chez Rivarol, on doute du fait que les individus qui se sont présentés chez Vincent Reynouard soient de la police et d’Interpol… Notamment car les « policiers » n’auraient rien emporté suite à leur perquisition, pas même le téléphone portable de Reynouard.

    Il n’en faut pas plus pour que Jérôme Bourbon y voit la main de Juifs. « Si ce n’est ni Interpol, ni la police britannique qui a sonné chez lui ce jour-là, qui cela pouvait-il bien être ? Mais qui ? Serait-ce le fameux « qui » de Claude Posternak apostrophant le général Delawarde le 18 juin dernier sur CNews ? », mitraille Bourbon. Reprenant au passage cette fausse interrogation devenue un vrai slogan antisémite qu’ont inventé ceux qui voient la main des Juifs derrière la pandémie de Covid.

    Mention spéciale à l’illustration qui accompagne ce récit : Vincent Reynouard se cachant au milieu d’une de ces piles de chaussures de déportés qu’on découvert les Alliés en entrant dans les camps de la mort… Rivarol et ses obsessions négationnistes.

    https://backend.streetpress.com/sites/default/files/7.png

    Chez Rivarol, une illustration montre le négationniste Vincent Reynouard se cachant au milieu d’une pile de chaussures de déportés. / Crédits : Rivarol

    Sur le Front

    Du côté de Présent, le quotidien national-catholique, on s’est réjoui de fêter le 24 novembre le 10.000e numéro du journal. L’occasion de publier les félicitations que lui ont adressés Jean-Marie et Marine Le Pen. Cette dernière célèbre « cette longévité et cette persévérance contre vents et marées malgré les innombrables difficultés » propres au journal.

    À noter : sollicité, Zemmour a pour sa part snobé Présent… Néanmoins, la rédaction du quotidien pourra se consoler avec les messages d’amitié qui lui sont parvenus pour ce numéro anniversaire. Des mots d’amour dont le quotidien publie une sélection sur pas moins de six pages. Avec notamment celui de l’association des Amis de Robert Brasillach qui loue la « fidélité jamais démentie » du canard au poète collabo fusillé à la Libération. Ou encore ce tendre message d’un autre lecteur assidu qui assure à la rédaction « qu’au Royaume des cieux Charles Maurras, le maréchal Pétain, Bastien-Thiry sont certainement fiers de vous avoir pour descendants et continuateurs ». Décidément, la “gaulliste” Marine Le Pen est très bien entourée dans ce numéro anniversaire.

    https://backend.streetpress.com/sites/default/files/8.png

    La rédaction de Présent a publié les messages d’amitié qui lui sont parvenus pour son numéro d'anniversaire. Parmi eux, celui de l’association des Amis de Robert Brasillach qui loue la « fidélité jamais démentie » du canard au poète collabo fusillé à la Libération. / Crédits : Présent

    N’empêche que le RN fait dans la câlinothérapie des radicaux. Outre ce petit mot de la candidate, on trouve chaque semaine dans Présent la chronique de Bruno Gollnisch, toujours membre du bureau national du parti lepéniste. Julien Odoul a lui son rond de serviette sur la web-télé identitaire TV Libertés, pourtant fondé par des ex-FN pas très portés sur le marinisme. Le porte-parole du parti a été envoyé débattre avec Stanislas Rigault le mois dernier et y a montré sa frimousse régulièrement depuis. Philippe Balard, journaliste de LCI débauché par le RN pour les régionales, a également été envoyé pour débattre avec Antoine Diers, porte-parole des Amis d’Éric Zemmour, fin octobre. Mine de rien, le RN soigne sa droite.

    https://backend.streetpress.com/sites/default/files/9.png

    Julien Odoul (porte parole du RN) se rend régulièrement sur le plateau de la webtélé identitaire TV Libertés, pourtant fondé par des ex-FN pas très portés sur le marinisme. / Crédits : TV Libertés

    « Cassandre »

    Pour L’Incorrect, si des hommes d’Église ont, comme l’a démontré le rapport Sauvé, fait subir des abus sexuels à des centaines de milliers d’enfants, c’est qu’elle est gangrénée par le lobby gay. Le mensuel des proches de Marion Maréchal attaque le sujet par une longue digression sur « la pédophilie à caractère homosexuelle » et soulignant que « la part d’homosexuels dans le clergé est grande ». Il rappelle ensuite un document de la Congrégation pour l’Éducation Catholique de 2005 expliquant que ne peuvent en principe être ordonnés les hommes aimant les hommes. Et plus particulièrement ceux qui « soutiennent ce qu’on appelle la culture gay ».

    Un rapport Sauvé qui a décidément secoué la fachosphère. Chez Media-Presse.info, émanation des intégristes de Civitas, on verse dans le négationnisme des faits mis en lumière par la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (CIASE). Plus de 330.000 victimes ? Que nenni ! répond MPI, ce ne sont là que des « calculs approximatifs ». Source : crois-moi, frère.

    Saucisse(s)

    Et puisqu’en 2021, faire une revue de presse des médias d’extrême droite n’aurait pas beaucoup de sens sans s’attarder sur la production de la galaxie de sites de « réinformation » et autres influenceurs « dissidents » ou « patriotes », StreetPress est allé y faire tour.

    Papacito a publié sur YouTube un nouvel « entretien choc ». Il s’y attarde notamment sur sa convocation devant les policiers de la Brigade de répression de la délinquance contre la personne (BRDP). C’était pour se justifier de ses menaces contre des journalistes et des militants politiques de gauche. Spoiler : même s’il se montre bravache, il n’a pas envie d’y retourner… Sinon, après avoir accusé les Francs-maçons de pédophilie, Papacito a tapoté une saucisse sur un mannequin censé représenter Jean-Luc Mélenchon en riant grassement. Une prestation qui a été saluée par ses fans sur les réseaux sociaux. « Influenceur », donc.

    https://backend.streetpress.com/sites/default/files/10.png

    Sur Youtube, Papacito a publié une nouvelle nouvelle vidéo. Il a notamment tapoté une saucisse sur un mannequin censé représenter Jean-Luc Mélenchon en riant grassement. / Crédits : Capture vidéo Youtube de Papacito

    Du côté du site Égalité et Réconciliation, Alain Soral est toujours aussi antisémite, mais verse aussi dans le complotisme « covidosceptique » depuis que la pandémie a frappé. Toujours aussi mégalo, il réclame également – en vain – un débat avec Éric Zemmour, sans doute pour grappiller un peu de notoriété. Mais il disserte aussi sur la taille du membre viril de Baptiste Marchais et sur ses, évidemment nombreuses, conquêtes féminines. Voilà le niveau.

    Faf, la Newsletter

    Chaque semaine le pire de l'extrême droite vu par StreetPress. Au programme, des enquêtes, des reportages et des infos inédites réunis dans une newsletter. Abonnez-vous, c'est gratuit !

    Faire bouger les lignes, avec vous.

    StreetPress pratique un journalisme ouvert, conscient et engagé. Comment être neutre face au racisme, au sexisme, à l’homophobie et à toutes les formes de discriminations ? Pour faire bouger les lignes nous avons choisi d’enquêter sur ceux qui en politique comme ailleurs portent cette haine. Chaque mois nous publions des enquêtes et la newsletter FAF, consacrée à l’extrême droite. Elle est gratuite et pourtant elle coûte au moins 70 000 euros à produire.

    Je soutiens StreetPress  
    mode payements

    NE MANQUEZ RIEN DE STREETPRESS,
    ABONNEZ-VOUS À NOTRE NEWSLETTER