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    23/09/2024

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    Périgord : Les magouilles financières de l’élu-entrepreneur Thierry Gauthier

    Par Leo Le Calvez

    Homme d'affaires influent et élu local du Périgord, Thierry Gauthier aurait usé de son statut de conseiller communautaire pour transformer ses terrains agricoles en terrain constructible. Une plainte a été déposée pour prise illégale d’intérêt.

    Dans son coin du Périgord, Thierry Gauthier est un homme influent. Entrepreneur avisé, il est à la tête de plusieurs entreprises œuvrant dans des domaines aussi divers que les télécommunications, les commerces en tout genre (lingerie pour bébés, électroménager, vente de fournitures industrielles…), le foncier et l’immobilier ou le tourisme. Il est notamment propriétaire du « Domaine de Monrecour » un château hôtel-restaurant situé sur la commune de Saint-Vincent-de-Cosse, et du complexe hôtelier Le Périgord sur la commune voisine de La-Roque-Gageac. Un véritable empire peu compatible avec sa fonction de maire adjoint de la commune de Beynac-et-Cazenac (24) et son mandat au sein de la Communauté de communes Sarlat-Périgord Noir (CCSPN). Une double, ou triple casquette qui ouvre la porte à de possibles conflits d’intérêts, car c’est justement au sein de l’intercommunalité que se décident les grands projets d’aménagement du territoire dont bénéficieraient largement ses entreprises.

    Le 17 janvier dernier, l’association Défendre l’intérêt général en Dordogne (DIGD) a déposé une plainte contre lui auprès du Parquet national financier (PNF), pour « prise illégale d’intérêt ». L’association accuse Thierry Gauthier d’avoir abusé des Orientations d’aménagements et de programmation – dite OAP –, « pour rendre, sur la commune de Saint-Vincent-de-Cosse, ses propres parcelles constructibles au détriment de celles des autres habitants », augmentant ainsi nettement leur valeur. Le dossier a été transmis au parquet de Bergerac. La procureure de la République, Sylvie Martins-Guedes confirme à StreetPress « qu’une enquête est en cours, confiée à la Brigade de Recherches de la gendarmerie de Bergerac, et ne peut rien dire de plus pour le moment ».

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    Une participation au vote qui pose question

    Selon les documents en notre possession, lors de la délibération du conseil communautaire du 3 juillet 2023, l’élu-entrepreneur Thierry Gauthier était présent et a voté, sans surprise, en faveur de la modification du Plan local d’urbanisme intercommunal (PLUi). Comme l’indique l’association DIGD dans sa plainte, il a voté l’octroi à lui-même de deux hectares de droit à construire sur une de ses parcelles auparavant inconstructible.

    Un projet mené à sa demande. En effet, un an plus tôt, en 2022, le 12 avril exactement, Thierry Gauthier formulait une requête par courrier au président de la CCSPN, pour une demande d’extension pour son domaine touristique. StreetPress a pu consulter la lettre en question :

    « Afin que notre établissement puisse correspondre aux attentes de nos clients pour les années à venir, il est indispensable que nous puissions obtenir les surfaces demandées ci-dessous afin d’y réaliser les services attendus comme : piscine extérieure, hammam, sauna, salle de massage, 30 chambres de luxes, etc… »

    Et si l’OAP qui le concernait dans la modification en préparation en 2022 lui donnait déjà 1.450 mètres carrés pour son domaine, cela ne lui suffit pas. Il lui faut 2.700 mètres carrés de surface pour pouvoir construire tous les services de son domaine touristique en projet.

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    Contacté par StreetPress, Thierry Gauthier s’est contenté d’indiquer n’avoir demandé « aucune dérogation de surface constructible supplémentaire. La proximité avec Jean-Jacques de Peretti (1) n’a donc rien à voir dans cette affaire. » Thierry Gauthier, officiellement élu sans étiquette, reconnaît néanmoins être proche du maire de Sarlat-La-Canéda, président de la communauté de communes et ancien ministre des Outre-Mer d’Alain Juppé.

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    Depuis l’objectif « zéro artificialisation nette » de la loi Climat et résilience, les communes doivent se plier à des nouvelles règles d’urbanisme consistant à réduire de 50 % l’artificialisation des sols d’ici à 2030, avant d’arriver à 100 % d’ici 2050. L’association DIGD estime que, pour appliquer la loi, les communes doivent réduire leur capital de constructibilité des terrains, mais « encore faut-il que la répartition soit équitable », écrit-elle dans sa plainte.

    Selon l’association DIGD, l’extension des zones constructibles en faveur de Thierry Gauthier se fait au détriment d’autres périgourdins. En effet, la décision s’inscrit dans un contexte de rareté des terrains constructibles en raison de l’obligation des élus locaux de protéger les terres agricoles. « Certains propriétaires de parcelles initialement constructibles voient ainsi ces dernières devenir inconstructibles par le truchement ou le simple jeu de vase communicant en direction des terrains de M. Gauthier à Monrecour », pointe l’association. Et dans sa plainte de citer en exemple « la population du quartier ou hameau de Larrit [qui] s’est ainsi trouvée avec la portion congrue de la répartition des terres constructibles, sans possibilité d’extension au-delà de l’implantation de leur propre maison. »

    Sollicité, Thierry Gauthier indique que « le PLUi de 2023 ne [lui a], en aucune manière, permis “d’acquérir” quelques hectares supplémentaires ! L’OAP n°41, que vous visez, ne fait que répondre à un parti d’aménagement précisé dans le projet d’aménagement et de développement durable (PADD) du PLUi visant à favoriser la vitalité de l’économie sarladaise avec comme objectif celui de conforter la dynamique touristique du territoire en diversifiant l’offre actuelle. »

    Et pour la consommation foncière, Thierry Gauthier indique que « force est de constater, le PLUi de 2023 est plus que vertueux puisqu’il génère une consommation de simplement 126,75 hectares contre une consommation passée de 293,65 hectares, soit une diminution de plus de la moitié de la consommation foncière. »

    En revanche, Thierry Gauthier n’a pas répondu à la question s’il n’aurait pas dû sortir de la salle au moment du vote.

    (1) Sollicité, Jean-Jacques de Peretti n’a pas souhaité s’exprimer en raison de «contestations portées devant le tribunal administratif par les représentants des opposants au projet de déviation de Beynac contre ce même PLUi. Le contentieux est en cours et vous comprendrez que je ne puisse pas m’exprimer le temps de l’instruction. »

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    Illustration de Une de Timothée Moreau.

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