Le groupe Ebra qui se revendique « premier groupe de presse français » (1), propriétaire de neuf titres de presse locale (Le Dauphiné Libéré, Les Dernières Nouvelles d’Alsace…) diffusés chaque jour dans l’Est de la France est dirigé par un soutien (discret) du parti d’Éric Zemmour. C’est en tout cas ce que laissent supposer les likes de son PDG, Philippe Carli, sur le réseau social LinkedIn, comme l’a d’abord révélé Mediapart.

Le PDG d’Ebra, plus grand groupe de presse locale dirigé par le Crédit Mutuel, multiplie les likes sur les posts LinkedIn de Sarah Knafo et Marion Maréchal Le Pen. / Crédits : DR
Elon Musk, les eurodéputés d’extrême droite Marion Maréchal Le Pen et Matthieu Valet, ont ainsi eu droit aux coups de pouce (numériques) de Philippe Carli. Mais il semble surtout aligné sur les thèses de Reconquête, le parti fondé par Éric Zemmour. Sur ces seuls deux derniers mois, il a « aimé » 12 publications de la députée européenne Sarah Knafo et des dizaines d’autres parfaitement raccord avec la ligne du parti d’Éric Zemmour.

Philippe Carli semble beaucoup aimer l'eurodéputée Reconquête Sarah Knafo et ses positions. / Crédits : DR

Mais alors vraiment beaucoup... / Crédits : DR
Ebra tendu
Ses likes dessinent en effet un profil politique très radical. Celui d’un identitaire, obsédé par l’immigration algérienne qui serait la source, semble-t-il croire, d’une grande partie de nos maux et notamment de l’insécurité qu’il dénonce à grands coups de likes vengeurs. Mais aussi d’un ultra-libéral, aligné sur les thèses de l’association d’extrême droite Contribuables et associés, aujourd’hui proche de la galaxie Reconquête. La France serait, juge-t-il, un « pays communiste » écrasé par la dette et une fonction publique pléthorique. Il semble d’ailleurs voir d’un très bon œil le retour à la Maison Blanche d’un Donald Trump, désormais associé à Elon Musk.

Le profil de Carli se dessine comme celui d'un ultra-libéral, aligné sur les thèses d'une association proche de la galaxie Reconquête. La France serait, juge-t-il, un « pays communiste » écrasé par sa dette et sa fonction publique. / Crédits : DR
À Reconquête, on accueille le sujet avec gourmandise. « C’est une bonne nouvelle que vous m’apprenez là. Je vais aller faire des piges à L’Est Républicain », sourit le porte-parole du mouvement, Stanislas Rigault. Il précise que Philippe Carli n’est pas connu des principaux cadres du parti. Même son de cloche du côté d’Identité Libertés, le mouvement fondé par Marion Maréchal.

Le PDG fait des petits likes aux eurodéputés d’extrême droite Marion Maréchal Le Pen et Mathieu Valet. / Crédits : DR

Il semble voir d’un très bon œil le retour à la Maison Blanche de Donald Trump, et est obsédé par l’immigration algérienne qui serait la source, semble-t-il croire, d’une grande partie des maux du pays. / Crédits : DR
Ebra m’en tombent
« Philippe Carli n’a pas à embarquer les titres Ebra dans son coming-out nauséabond », dénonce le syndicat des journalistes SNJ-CGT, dans un communiqué publié quelques heures après le coup de fil de StreetPress, ce jeudi 23 janvier 2025. Ils s’inquiètent de voir les journaux du groupe associé à l’idéologie radicale de son PDG et lui demandent « de s’expliquer » et de réaffirmer « les principes éditoriaux du groupe Ebra : lutte contre le racisme, les discriminations, le sexisme… »
Ce jeudi, des rédacteurs en chef des différents titres du groupe ont confronté leur patron, a rapporté Mediapart. Il se serait défendu en assurant que ses réseaux sociaux étaient gérés par une autre personne, dont il s’est dit « très mécontent ». Peu crédible. On peut relever dans les commentaires des échanges anodins mais plutôt personnels.
Il a finalement abandonné cette version quelques heures plus tard. Le service communication du groupe a répondu aux questions de Mediapart – mais pas à celles de StreetPress pourtant envoyées sensiblement au même moment – assurant que « comme souvent exprimé sur le web, retweeter ou liker ne vaut pas approbation ». « Ces interactions n’ont aucune vocation à indiquer une quelconque préférence de M. Carli ou du groupe Ebra », ajoute le service communication.
Dans les couloirs des rédactions, de nombreux journalistes espèrent même son départ. « Est-ce que le Crédit Mutuel [propriétaire du groupe Ebra] va le lâcher ? », s’interroge un journaliste. La banque mutualiste impose à ses salariés le respect d’un « code éthique » incluant un « devoir de réserve » et « dans l’exercice de leurs fonctions (…) une stricte neutralité d’opinion ». « Normalement, ils n’aiment pas trop faire de vagues », commente le même journaliste : « Et là, c’est une grosse vague… »
Contactés, ni Philippe Carli, ni la direction du Crédit Mutuel n’ont répondu à nos sollicitations.
(1) Le groupe Ebra, propriété du Crédit Mutuel, possède Le Dauphiné Libéré, Le Progrès, L’Alsace, les Dernières Nouvelles d’Alsace, L’Est Républicain, Le Républicain Lorrain, Le Bien Public, Le Journal de Saône-et-Loire et Vosges Matin.
Illustration de Une de Caroline Varon.
NE MANQUEZ RIEN DE STREETPRESS,
ABONNEZ-VOUS À NOTRE NEWSLETTER