La rubrique « À propos » du site internet de l’Observatoire des violences politiques est relativement vide. Un manifeste vague au sujet des violences d’extrême gauche, restées « inconnues du grand public », qui mélange écologistes, France Insoumise, militants antifascistes… Et très peu d’informations sur les animateurs du site. Dans les mentions légales, rien non plus. Et aucune des « enquêtes » publiées depuis la création du site en décembre 2023 ne sont signées.
Les créateurs de cet « observatoire » qui se veut « une plateforme dédiée exclusivement l’étude de cette mouvance » se font discrets. Mais ils sont prolifiques ! Plus de 200 papiers contre des cibles, qui vont de la gauche parlementaire aux antifascistes du Saint-Sauveur. Dans sa stratégie de normalisation, l’Observatoire a publié en décembre 2024 une « enquête » sur l’agression de l’eurodéputée Rassemblement national Marie Dauchy par un commerçant en Savoie lors de la campagne législative de juin 2024. « De bonne volonté », l’élue a répondu aux questions de l’officine suivie par un peu plus de 2.000 followers sur Twitter-X, sans trop savoir à qui elle s’adressait. « Je ne suis pas fermée aux médias indépendants, et je donne toujours leur chance aux jeunes », explique Marie Dauchy. L’eurodéputée avoue n’avoir pas particulièrement cherché à savoir à qui elle parlait, et après avoir consulté sa messagerie, se rend compte qu’elle n’a même jamais connu les noms de ses interlocuteurs. À parution, elle a quand même repartagé l’article sur ses réseaux sociaux, sous prétexte que la presse ne s’était guère intéressée à son affaire, malgré plusieurs articles de presse qui ont relaté le procès de son agresseur. Dans son sillage, une dizaine de cadres RN repartagent aussi les publications de l’Observatoire. « Je dois vous avouer que je ne suis pas sûre que j’aurais répondu si j’avais eu connaissance de ces profils… », bafouille Marie Dauchy au téléphone. StreetPress a éclairé sa lanterne.

Créé fin 2023, l’Observatoire des violences politiques prétend mettre en lumière les violences d’une « extrême gauche » fourre-tout. Partagé par des membres du Rassemblement national, il dissimule ses proximités avec l’extrême droite violente. / Crédits : DR
Le leader du groupe néofasciste l’Oriflamme
L’Observatoire des violences politiques a été déposé auprès de la greffe des associations comme « observatoire de la vie démocratique ». Parmi ses fondateurs se trouvent Paul Carton et Éric Vienne. Le second est un ancien militaire et secrétaire général de Place d’armes, une association d’anciens militaires qu’il a cofondé. Il a aussi été responsable de la section Occitanie et des réseaux sociaux des Volontaires pour la France. Un groupuscule d’extrême droite composé notamment d’anciens militaires adeptes de la théorie complotiste du « grand remplacement » et dont plusieurs membres sont à l’origine du groupe terroriste d’extrême droite « Action des forces opérationnelles » (AFO), qui doit être jugé prochainement.
Quant à Paul Carton, l’homme a longtemps été le leader du groupuscule néofasciste rennais l’Oriflamme, connu pour ses violences contre des militants de gauche ou contre des personnes LGBT, qui avait une taupe des services de renseignement dans ses rangs, avait révélé Mediapart. Paul Carton semble s’être rangé des croix celtiques depuis son procès – pour lequel il a été relaxé en appel. Pour mieux se recycler ? Son organisme a un fort tropisme rennais, entre « enquêtes » sur le milieu antifasciste local et articles à charge contre des militants de la France Insoumise et des syndicalistes étudiants.
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Un harcèlement très ciblé
« Tout s’explique ! », s’exclame Gautier Langlois, membre de l’Union pirate, un syndicat étudiant de Rennes 2, et militant LFI. En octobre 2024, il a été la cible d’un des articles de l’Observatoire, qui l’accusait de menaces et de harcèlement d’un militant Reconquête et cadre de la Cocarde étudiante à Rennes. Des accusations que Gautier Langlois réfute : il n’a pas porté plainte pour diffamation, « faute de moyens », mais a envoyé un mail de mise en demeure à l’Observatoire, ainsi qu’à son hébergeur, pour obtenir la suppression de l’article. Sans suite pour le moment.
Le militant a été marqué, par la manière dont l’article a été repris dans les milieux néofascistes. Il se souvient :
« C’était clairement téléguidé, dès que l’Observatoire l’a publié, l’Oriflamme l’a repris, en me mentionnant directement sur Twitter et Instagram et en faisant des commentaires sur mon physique. »
« Mon compte Instagram était public, j’ai reçu des messages de menace, des dizaines de militants d’extrême droite ont regardé ma story… », continue-t-il. Début janvier, Lucas Meret, un autre militant de la FI Rennes a été visé par un article similaire, pour des posts sur les réseaux sociaux jugés « irrespectueux » par les rédacteurs de l’Observatoire. Immédiatement, l’Oriflamme repartage l’article et la machine s’emballe. Les messages de menace et d’insultes se multiplient : « Tu vas longer les murs », « Tu vas supplier à genoux », « On va retrouver ta famille et tous les planter sale fdp », « Le jour où je te croise, je te crache dessus »… Ce qui inquiète le plus l’étudiant, c’est la divulgation d’un certain nombre d’informations personnelles, dont son lieu de résidence, par l’Observatoire. « Comme on revendique d’être antifascistes, et qu’on essaye d’être visibles, on est ciblés car ils imaginent qu’on est les chefs », suppose Gautier Langlois.
Quand l’Observatoire ne se concentre pas sur la gauche rennaise, il publie des enquêtes, parfois truffées d’informations policières confidentielles. Une bonne partie d’entre elles sont mal interprétées, voire carrément fausses – ils ont par exemple confondu deux personnes dans un article sur le bar antifasciste Saint-Sauveur.
Contactés, l’Observatoire des violences politiques, Paul Carton et Éric Vienne n’ont pas répondu à nos sollicitations.
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