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    06/11/2025

    « L'administration sélectionne les paroles autorisées »

    À Lyon 3, un collectif féministe attaque l'université en justice pour « censure »

    Par Lou Brayet

    L’association ALyon-Nous dénonce l'interdiction répétée de conférences sur la Palestine ou l’antiracisme à l’université Jean Moulin Lyon 3 et porte l'affaire devant le tribunal administratif ce 6 novembre.

    « Si la présidence pense nous épuiser par la censure, elle se trompe. » Sur les réseaux sociaux, le collectif féministe ALyon-Nous est « remonté ». Depuis plusieurs mois, les militantes de cette association, créée en 2017, constatent des interdictions « systématiques » par l’université Jean Moulin Lyon 3 (69) pour leurs événements antiracistes ou sur le conflit palestinien. Il y a d’abord cette conférence sur la participation des femmes à la lutte palestinienne avec Rima Hassan le 28 mars 2024, puis celle sur l’intersectionnalité et la convergence des luttes antiracistes et féministes qui devait avoir lieu ce 31 mars. Ou encore la conférence « Femmes et génocide, réalités palestiniennes », refusée par deux fois le 19 septembre et le 9 octobre.

    Le collectif a depuis saisi les tribunaux avec trois procédures : un référé liberté pour protéger leur droit à organiser la conférence, un référé suspension pour bloquer le refus de l’université et enfin un recours au fond pour contester la décision de manière plus complète devant le tribunal administratif. L’audience doit avoir lieu à Lyon ce 6 novembre.

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    Représentées par l’avocate Célia Bert Lazli et soutenues par la Legal Team Antiraciste — un collectif de juristes engagés contre les discriminations —, les militantes veulent faire de cette affaire un combat politique autant que juridique. Dans leur communiqué, le collectif insiste :

    « Une université ne devrait pas sélectionner les paroles et réduire au silence celles qui dérangent. »

    Contactée, l’université Lyon 3 se contente d’un message laconique, renvoyant toute explication à l’audience : « Une procédure étant engagée devant le tribunal administratif, l’université réservera ses réponses aux griefs de la partie demanderesse. »

    Antiracisme et Palestine censurés

    Sonia (1), 21 ans, étudiante en master de droit et membre du collectif, constate un tournant depuis l’irruption du conflit palestinien dans le débat public. À chaque fois, Lyon 3 justifie ses refus par des raisons de sécurité, citant systématiquement dans ses mails « le risque de trouble à l’ordre public ». Concernant la conférence du 9 octobre, l’université précise que « compte tenu du contexte et de la sensibilité du sujet » ses ressources financières et humaines « ne permettent pas d’assurer la sécurisation nécessaire à l’événement ».

    Un argument « intenable », rétorquent les militantes qui dénoncent l’écart de traitement entre leurs initiatives et d’autres événements autorisés. En avril, l’Union nationale inter-universitaire a pu inviter la députée Hanane Mansouri, membre du parti UDR d’Éric Ciotti et favorable au rapprochement LR-RN. Pour ces personnalités politiques, souligne Sonia, « l’université sait mobiliser les moyens nécessaires pour sécuriser ces événements ».

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    La justification pour la conférence « Femmes et génocide, réalités palestiniennes » ne tient d’ailleurs pas pour ALyon-Nous : le collectif avait déjà obtenu un devis du service de sécurité de la faculté, à hauteur de 560 euros, qu’elles se disaient prêtes à financer. Auparavant prise en charge par l’établissement, la sécurité des événements étudiants doit désormais être demandée et payée par les associations.

    Une interdiction illégale

    En attendant l’audience, une cagnotte a été lancée pour couvrir les frais d’avocat. En cas de victoire, elle permettra également de financer les 560 euros de sécurité imposés par la faculté. En cas de défaite, la conférence se tiendra ailleurs, « coûte que coûte », et les fonds seront reversés aux associations palestiniennes.

    Le cadre juridique semble leur donner raison : depuis octobre 2023, le Conseil d’État et plusieurs tribunaux administratifs, à Lyon comme à Strasbourg, ont répété qu’il était illégal d’interdire une conférence au seul motif d’un contexte géopolitique tendu, faute de trouble établi à l’ordre public. Plus récemment, le 26 novembre 2024, le tribunal administratif de Strasbourg a estimé que le refus d’autoriser une conférence avec Rima Hassan portait atteinte à la liberté d’expression.

    (1) Le prénom a été changé.

    En photo de Une : Le siège de l’université Lyon 3. © Creative commons by-nc-sa 2.0 via flickr.com/guerric

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