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    22/03/2012

    Une augmentation de 75 % d'ici à 2017…

    Manifestations monstres au Québec contre la hausse des frais de scolarité

    Par Clément Baudet

    C'est du jamais-vu au Québec : 220.000 étudiants sont en grève ! Ils comptent sur les manifs d'aujourd'hui pour faire plier le gouvernement. Et expliquer qu'une telle augmentation les « empêcherait d'aller à l'universit

    Des milliers de carrés de feutre rouge ont fleuri sur les manteaux à Montréal, au Québec. Symbole de la lutte contre la hausse des frais de scolarité annoncée par le gouvernement libéral de Jean Charest. 220.000 étudiants, en grève générale et illimitée, protestent contre une augmentation de 75 % des frais de scolarité d’ici à 2017. Rien que ça. Dans cinq ans, les frais avoisineront les 3.700 $ par semestre (plus de 2.800 €), trois fois plus qu’aujourd’hui !

    Je ne serais jamais allée à l’université Parmi les manifestants, Sophie, 21 ans étudiante en anthropologie à Montréal. Avec une mère enseignante (en arrêt de travail depuis quatre ans) et un père concierge, ses parents sont « trop riches pour le gouvernement » et elle n’a « droit à aucune bourse. »

    Alors, pour financer ses études, elle travaille 20 heures par semaine dans une pâtisserie. Un job arrêté il y a six mois à cause d’une mononucléose. Elle s’en sort uniquement grâce à l’héritage de son grand père, décédé il y a peu. « Je suis un cas parmi tant d’autres », répète-t-elle : « si j’étais née dix ans plus tard, avec une telle augmentation des frais de scolarité, je ne serais jamais allée à l’université ! » Sophie craint que sa petite sœur, aujourd’hui âgée de 12 ans, se retrouve dans cette situation.

    La France et l’Allemagne comme exemples Parce qu’ils ont peur, justement, que l’entrée à la fac ne soit plus assez démocratique (d’après les estimations de l’IRIS, 30.000 étudiants risquent d’être privés d’accès à l’université), et parce que le gouvernement ne veut rien entendre, les manifestants sont de plus en plus nombreux. Des profs, des parents, des associations les soutiennent. Se sentant pousser des ailes, la coalition large pour une solidarité syndicale étudiante (CLASSE) ne demande pas uniquement l’abrogation de cette augmentation, elle revendique également la gratuité scolaire. Jeanne Reynolds, porte-parole de la CLASSE :

    « Le gouvernement compare toujours avec la moyenne canadienne (5366 $ – environ 4000 €), mais nous, nous voulons prendre exemple sur les pays scandinaves, sur la France et l’Allemagne qui ont des frais de scolarité très bas. »

    15.000 € la licence Dans la foule, également, Céline Lafontaine, prof de sociologie à Montréal. Elle est signataire avec 1.600 collègues du manifeste contre la hausse. Un manifeste pour protester contre l’alignement de l’université sur le modèle de l’entreprise. Selon elle, l’endettement des étudiants va devenir un grave problème : « On peut difficilement contribuer à la vie sociale avec ce fardeau. » Non seulement le problème la touche en tant que prof, mais Céline s’était elle-aussi endettée pour ses études : 20.000 $ pour une licence (environ 15.000 €), un prêt étudiant gelé à 6 % qu’elle rembourse encore.

    «Il faut se battre pour conserver nos études accessibles et de haut niveau. Les deux prochaines semaines sont cruciales pour le mouvement.»

    Guy Bourbonnais est sur la même longueur d’onde. Il prend part à toutes les manifestations depuis un mois. « Très jeune j’ai pris conscience que je ne pourrais pas aller à l’université », raconte-t-il. Ce musicien de 60 ans, issu d’une famille populaire de Montréal, s’est débrouillé pour sortir de la misère, pour « éveiller sa curiosité et son esprit critique ».

    « Je ne veux pas que certains jeunes soient exclus du système scolaire comme je l’ai été. Ça dépasse l’université, c’est un enjeu de société. L’éducation est un bien public, indispensable pour une société pacifiée. »

    Le grouvernement inflexible En face, le gouvernement ne lâche rien. Le budget provincial voté le 20 mars n’a pas entendu le message des étudiants. Il justifie la hausse par une augmentation de financement. Mais « les bourses ne compenseront pas la hausse », précise Céline. Surtout, derrière ces revendications, c’est toute la politique du gouvernement Charest en matière de politique scolaire qui est pointée du doigt. En 2005, le gouvernement était revenu sur sa réforme des prêts et des bourses, à la suite de nombreuses manifs étudiantes. Et cette fois-ci ?

    Pour suivre le direct des manifestations, cet après-midi : http://www.livestream.com/manifestationetudiante.

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