16/11/2021

« L’identité raciale passe avant tout le reste »

Daniel Conversano, l’influenceur très très raciste qui adore Zemmour

Par Maxime Macé ,
Par Pierre Plottu

Conversano est raciste et le revendique. Il s’est même expatrié en Roumanie car la France est « bougnoulisée » et souhaite que les militants nationalistes le suivent en Europe de l’Est. Portrait d’un uber-faf.

Le regard tourné vers le caméraman, Daniel Conversano inspire profondément, se détend les épaules et frappe sa poitrine de sa main droite avant de tendre le bras sur fond de soleil couchant. Ce n’est pas vraiment un salut nazi – il replie son pouce sur sa paume – mais un salut fasciste, si on veut être précis. Lui revendique un « salut romain antique », dans cette séquence tirée d’un documentaire sur sa personne (1). Mais personne n’est dupe : quelques minutes auparavant, dans le même film, l’homme fantasmait la création d’un parti fasciste européen.

S’il n’existe pas encore de compte Twitter « Les racistes avec Zemmour », Daniel Conversano pourrait en être à l’initiative. Pour lui, le pas-encore-candidat-mais-ça-ne-saurait-tarder est le seul homme politique en capacité d’arrêter le « grand remplacement » en cours et d’inverser les flux migratoires. Il a d’ailleurs expliqué que si « l’arrêt total de l’immigration est au programme du parti que le Z dirigera, ne pas appeler à voter pour lui sera de la traîtrise ». Une félonie contre la race blanche pour celui qui assure que « l’identité raciale passe avant tout le reste ».

Raciste et anti-musulmans

Au départ, il avait bien quelques réticences. « Je préfèrerais que Marine Le Pen ait le talent d’Éric Zemmour, parce que Marine Le Pen, elle est vraiment française», déclarait-il ainsi dans une vidéo récente. Preuve que s’il est surtout raciste et anti-musulmans, Conversano garde une âme d’antisémite. Mais bon, il faut connaître ses priorités. Chez lui, c’est la défense de la « race blanche » avec en corollaire la « remigration », à savoir la déportation des populations extra-européennes du sol français, qu’il faut faire passer en premier.

Car Daniel Conversano est un raciste, un vrai, qui s’assume comme tel. Un homme qui n’apprécie guère l’écrivain antisémite Marc-Edouard Nabe à cause de sa « négrophilie » et de son « arabophilie ». Un homme pour qui les influenceurs de la fachosphère Le Raptor et Papacito, pourtant radicalement d’extrême droite, ne sont pas crédibles car ils seraient de la « droite antiraciste ».

Conversano a créé le mouvement Suavelos en 2016, devenu Les Braves en 2019. Un groupe communautaire blanc où les dénominateurs communs sont la couleur de peau et le fait d’être d’extrême droite. / Crédits : DR

Un homme aussi qui n’hésite pas à lâcher sa communauté de trolls contre le rédacteur en chef de StreetPress, Mathieu Molard. Ce dernier avait eu le malheur de qualifier de « délirantes » ses idées politiques néo-fascistes. S’ensuit un harcèlement d’une rare intensité, ciblant le journaliste et ses proches. Car Conversano est un influenceur qui a une petite côte au sein de la fachosphère. Ses deux chaînes YouTube dépassent les 30.000 abonnés cumulés, près de 10.000 personnes suivent sa chaîne Telegram et 16.000 son compte Twitter.

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Le philosophe

Après des études de philosophie à Grenoble, Daniel Conversano a commencé à militer dans l’entourage de Dieudonné au théâtre de la Main d’Or. Il rentre alors dans le petit milieu autoproclamé de « la dissidence », dominé par la figure d’Alain Soral. Le nouvel homme à tout faire de l’humoriste antisémite va le rencontrer à plusieurs reprises. C’est d’ailleurs grâce à Soral que la notoriété de Conversano va exploser. Grâce au « débat » entre les deux hommes arbitré par Dieudonné en décembre 2016 dans l’émission Niveau Zéro. Après quelques minutes d’échanges musclés, la confrontation d’idées va tourner court : le leader d’Egalité & Réconciliation a frappé Daniel Conversano, lui reprochant de ne pas respecter « les musulmans patriotes ». La séquence explose les compteurs d’audience. En quelques jours, elle est vue plus d’un million de fois.

C’est dans la même année qu’il lance l’une de ses émissions phares sur YouTube : Vive l’Europe. Le concept est simple : Conversano interviewe une personnalité d’extrême droite sur son actualité ou sa doctrine. Sa marque de fabrique, une « liberté d’expression totale ». À son micro vont se succéder des individus parmi les plus radicaux de l’extrême droite : l’ancien skinhead Serge Ayoub, le président du Parti de la France Thomas Joly, le responsable de la feuille de chou antisémite Rivarol Jérôme Bourbon, le chantre de la pseudo-théorie raciste et complotiste du « grand remplacement » Renaud Camus, Jean-Marie Le Pen en personne, le président des Nationalistes Yvan Benedetti… La liste est quasiment sans fin et s’étend même à Maxime Brunerie, un militant du groupuscule Unité radicale, qui s’est fait connaître en tenant d’assassiner Jacques Chirac ou encore plus récemment un obscur plumitif mis en examen dans l’affaire de la tentative du coup d’Etat orchestré par Rémy Daillet-Wiedemann.

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L’agence matrimoniale

Il faut dire que l’idéologie de Conversano est particulièrement radicale. Un temps passé par le néo-nazisme, il s’affiche désormais comme « nationaliste blanc ». Une formule qui cache (mal) le suprémacisme décomplexé de ce chantre d’une Europe blanche, fermée et dominatrice. Il se revendique « raciste, racialiste ». Rêvait il y a quelques années d’un « parti fasciste » et estime qu’on devrait tirer sur les migrants qui arrivent « à la nage » sur les plages européennes. Dans une vidéo récente, on lui demande s’il souhaite une guerre civile raciale. Conversano fait semblant de botter en touche car « la réponse à cette question est possiblement illégale », dit-il.

Pour lui, faire des enfants blancs est en soi un acte militant. Il se décrit comme « nataliste ». Daniel Conversano s’évertue à expliquer à ses ouailles qu’il est nécessaire de préserver « la race blanche » qui serait en danger. En faisant des enfants mais aussi en s’expatriant. La France serait déjà « bougnoulisée », il appelle donc ses partisans à partir vivre en Europe de l’Est, des territoires blancs « préservés ». Lui-même a donné l’exemple puisqu’il vit désormais principalement en Roumanie – même s’il revient régulièrement en France – et exhorte ses partisans à faire de même. Il a ainsi créé le site « bâtir un foyer » pour faire se rencontrer, moyennant finance, des jeunes femmes d’Europe de l’Est et des militants d’extrême droite… « Un réseau de prostitution », persiflent les mauvaises langues de son camp.

Conversano a aussi créé le mouvement Suavelos en 2016, devenu Les Braves en 2019. Il ne s’agit pas à proprement parler d’un groupe militant comme pouvait l’être Génération identitaire ou le Bastion social avant leurs dissolutions respectives. Les Braves c’est avant tout un groupe communautaire blanc où les dénominateurs communs sont la couleur de peau et le fait d’être d’extrême droite.

Derrière les engagements de Daniel Conversano, il y a surtout un petit business bien rodé. Il fait payer jusqu’à 420 euros pour un forfait annuel all inclusive de ses vidéos et de cours de russe. / Crédits : DR

Derrière ses engagements, il y a surtout un petit business bien rodé. Le YouTubeur refile à ses fans des émissions vidéo payantes mais aussi des cours de russe ou d’histoire et des bouquins. Et la parole de Conversano est chère : jusqu’à 420 euros pour un forfait annuel all inclusive.

(1) Edit le 18/11 : nous avons remplacé « à sa gloire » par « dédié à sa personne ».