En ce moment

    20/05/2015

    Le coup de com’ vire au bad buzz

    Quand la SNCF veut faire payer les graffeurs pour décorer son patrimoine

    Par Juliette Surcouf

    Pour valoriser son patrimoine, la SNCF invite des artistes à décorer ses bâtiments abandonnés. Mais pour poser sur un vieux château d’eau, les graffeurs devront payer et même céder leurs droits d’auteurs. Pigeons vous avez dit ?

    « C’est comme si la SNCF nous foutait un flingue sur la tempe et que nous devions appuyer sur la gâchette en disant “merci !” » Hennen Bebbouche a la rage et ce n’est pas parce que son TER est à la bourre. Depuis un peu plus d’une semaine, la SNCF a lancé un appel à projet pour faire décorer son patrimoine désaffecté. Mais alors que le groupe ferroviaire pensait donner un coup de pouce aux artistes en manque de visibilité, c’est la grogne. Sur Internet, une pétition appelant au boycott de l’opération a déjà recueilli 3.000 signatures en à peine 4 jours. Hennen, une scénariste à l’origine de la mobilisation, ne décolère pas :

    « Au début je me suis dit que c’était super cool. Puis après j’ai lu les clauses du concours et c’est une pure arnaque ! »

    La SCNF se rêve en père Noël

    Tout semblait pourtant partir d’une bonne intention. Afin de mettre en valeur ses bâtiments en cours de réhabilitation, la SCNF a lancé début mai à un appel à projet destiné à des artistes en tous genres. Troupes de théâtres, organisateurs d’expo ou graffeurs, ils sont invités à déposer un dossier pour retaper 16 sites à travers la France, dont 6 en région parisienne.

    Parmi les spots, un alléchant château d’eau et même un viaduc. Les surfaces proposées oscillent entre 600 m² et 29.000 m². Joint par StreetPress, le service com’ de la SNCF, en dit un peu plus sur les dessous de cette démarche à priori généreuse :

    « Par le passé il nous a été demandé de très nombreuses fois par différents acteurs artistiques d’ouvrir ces lieux. Cet appel à manifestation d’intérêt sert à canaliser ces sollicitations. »

    C’est vrai qu’on ne compte plus les bâtiments de la SNCF investis par des collectifs d’artistes, comme le squat le Shakirail sur les voies de la Gare du Nord à Paris.

    Des artistes qui ont l’impression de passer pour des pigeons

    Mais les artistes mobilisés ont l’impression de se faire rouler. En cause, le cahier des charges imposé par la SNCF qu’ils jugent abusif. Ils doivent en effet financer intégralement leur projet, payer une redevance pour l’occupation des lieux et même céder leurs droits d’auteurs gratuitement à l’entreprise. Des conditions qui les mettent en rogne, d’autant plus que l’occupation par des artistes permet à la SNCF de protéger ses bâtiments des squatteurs indésirables. Hennen est remontée comme un coucou :

    « En gros, c’est à l’artiste de s’endetter et sortir de sa poche pour revaloriser le patrimoine de la SNCF ! »

    Du côté de la SCNF, on se défend comme on peut :

    « Nous somme justes désireux de donner vie à nos sites fermés. Nous ne faisons pas d’argent là-dessus. C’est une expérimentation permettant aux artistes de s’approprier un temps ces endroits et en tirer profit. »

    Rendez-vous au tribunal ?

    Ce n’est pas la première initiative autour de l’art mené par la SNCF. En 2009 elle avait invité 4 street artistes – Jonone, Seak, Sozy et Zedz – à réaliser une fresque sur un train Thalys. Quant à la RATP, elle a mis à disposition les murs de son centre-bus de la rue Lagny (Paris 20e) pour les graffeurs du coin.

    Sauf que cette fois, ça sent plutôt le badbuzz. L’affaire se rapproche de celle à laquelle a du faire face le magazine féminin Biba début mai. Celui-ci proposait à des illustrateurs en quête de notoriété de dessiner une trousse à maquillage offerte en goodie par le magazine. A la clé ? La coquette somme de 60€ en bon d’achat ! Face à la levée de boucliers, le concours a été annulé.

    Mais pour la SNCF, cela pourrait aller plus loin. Jointe par StreetPress, Katherine Louineau, membre du syndicat des plasticiens CAAP, menace de porter plainte :

    « Il pourrait y avoir matière à les attaquer et ils serviraient d’exemple. Nous en discutons avec notre avocat. »

    Pour continuer le combat contre l’extrême droite, on a besoin de vous

    Face au péril, nous nous sommes levés. Entre le soir de la dissolution et le second tour des législatives, StreetPress a publié plus de 60 enquêtes. Nos révélations ont été reprises par la quasi-totalité des médias français et notre travail cité dans plusieurs grands journaux étrangers. Nous avons aussi été à l’initiative des deux grands rassemblements contre l’extrême droite, réunissant plus de 90.000 personnes sur la place de la République.

    StreetPress, parce qu'il est rigoureux dans son travail et sur de ses valeurs, est un média utile. D’autres batailles nous attendent. Car le 7 juillet n’a pas été une victoire, simplement un sursis. Marine Le Pen et ses 142 députés préparent déjà le coup d’après. Nous aussi nous devons construire l’avenir.

    Nous avons besoin de renforcer StreetPress et garantir son indépendance. Faites aujourd’hui un don mensuel, même modeste. Grâce à ces dons récurrents, nous pouvons nous projeter. C’est la condition pour avoir un impact démultiplié dans les mois à venir.

    Ni l’adversité, ni les menaces ne nous feront reculer. Nous avons besoin de votre soutien pour avancer, anticiper, et nous préparer aux batailles à venir.

    Je fais un don mensuel à StreetPress  
    mode payements

    NE MANQUEZ RIEN DE STREETPRESS,
    ABONNEZ-VOUS À NOTRE NEWSLETTER