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    13/11/2015

    600 réfugiés déplacés en deux semaines

    Gros Avion, Bus : Pour vider la jungle de Calais, l’Etat emploie les grands moyens

    Par Tomas Statius

    Depuis les révélations de StreetPress sur le jet privé de la Police Aux Frontières, le gouvernement a passé la seconde. La PAF utilise désormais un avion de 78 places. Ahmed, jeune syrien, nous raconte son voyage sur Air Sans Pap’ et son retour à Calais.

    Jungle de Calais (62) – Ahmed sort tout juste de sa tente quand on l’accoste. Bonnet bleu marine enfoncé sur les oreilles, et doudoune bien fermé, ce jeune syrien revient de Nîmes. S’il a migré dans le sud, ce n’est pas vraiment pour y trouver le soleil. 8 jours plus tôt, Ahmed a été envoyé en Centre de Rétention à 1000 bornes de Calais :

    « Ils m’ont attrapé dans le Tunnel sous la Manche. Le lendemain on s’est retrouvé dans un avion pour Nîmes. On nous a envoyé dans un centre fermé avec 30 autres réfugiés »

    Un avion de 78 places à disposition de la police

    Cette histoire Ahmed la partage avec un nombre croissant de réfugiés. Après les révélations de StreetPress sur Air Sans Pap’, cet avion loué à l’année pour vider la jungle, les transferts de migrants, au départ de Calais, se sont multipliés.

    Ces 3 dernières semaines, selon le décompte de la Cimade, plus de 600 réfugiés ont été envoyés en rétention à l’autre bout de la France contre une centaine pour les 6 mois précédents. Pour organiser ces transferts quotidiens, fini le petit jet de location. L’Etat utilise désormais un moyen porteur de 78 places qui appartient à la Sécurité Civile et des bus privés.

    Transférés de force, selon la Cimade, 98% des migrants sortent de rétention au bout de quelques jours. Dès leur libération, ils entament, comme Ahmed, le voyage retour vers le Nord de la France.

    « Ils ont lancé les chiens »

    Debout au milieu du quartier Syrien de la jungle, Ahmed nous raconte les coulisses de son transfert. Première étape, l’interpellation le 20 octobre dans le Tunnel sous la Manche :

    « Je me dirigeais vers le train quand les policiers nous ont attrapé. Ils ne nous ont pas frappés mais ils nous ont jeté du gaz lacrymo. Et ils ont lancé les chiens après nous »

    Le jeune homme au petit duvet noir passe la nuit en garde à vue. Le lendemain, il embarque dans le gros coucou de la sécurité civile, direction Nîmes :

    « Je n’étais pas menotté dans l’avion mais il y avait toujours un agent de police assis sur le siège à côté de moi. Il me tenait »

    (img) Cliquez-ici pour agrandir oqtf_retention_0.jpg
    Fraîchement débarqué au CRA, le jeune homme a droit à une réception 4 étoiles : « Je ne pouvais même pas sortir de ma chambre ». 2 jours plus tard Ahmed comparaît devant le Tribunal Administratif. Son verdict est sans appel : Le juge annule le placement au CRA et libère Ahmed dans la foulée. Il repart illico pour Calais.

    Train sans billet

    Le soir de leur libération, Ahmed, accompagnés de 6 potes syriens transférés eux aussi à Nîmes, se pointe à la Gare de Nîmes. C’est le début de la galère. Sans une thune, ils sont obligés de frauder le train pour rentrer à Calais via Paris. Ils doivent en plus faire face à des officiers de police plutôt vigilants :

    «Les policiers nous ont poursuivis. On a fini par réussir à se cacher dans un train. »

    Une fois arrivés dans la capitale, les ennuis continuent. La police refuse un temps de les laisser monter dans le train pour Calais. Avant de lâcher l’affaire :

    « Ils nous ont seulement fouillés et ils nous ont laissé partir, tout simplement »

    3 jours après son départ de Calais, Ahmed retrouve sa tente, et ses potes. Malgré ses déboires, il n’a pas renoncé à rejoindre l’Angleterre.

    « French government, no good ! »

    Contacté par StreetPress, le Ministère de l’Intérieur ne bouge pas d’un iota. Malgré l’ampleur des transferts et la grogne des assos face à ce système absurde, on invoque toujours le manque de places au CRA de Calais :

    « Ce n’est pas parce que le CRA de Coquelles est plein qu’on a le droit d’être en situation irrégulière à Calais »

    Quand on évoque le cas d’Ahmed, du côté de Beauvau la réponse est là aussi toute trouvée :

    « On place en rétention les gens dont on doute de l’identité. Vous savez à Calais, tout le monde dit être syrien ou érythréen. Mais dans les faits c’est plus compliqué »

    Pas sûr que l’explication plaise aux réfugiés de Calais. A la fin de l’interview, un pote d’Ahmed nous interpelle :

    « Bachar and french government : No Good ! »

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