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    30/01/2017

    Je roule dans un camion pourri et je dors dans un logement insalubre. Je suis… CRS

    Par Eric , Aladine Zaïane

    Les politiques multiplient les hommages aux forces de l’ordre et les discours sur la sécurité. Mais pour Eric, CRS depuis 15 ans, il faudrait surtout plus de moyens . Il raconte son quotidien entre cantonnements insalubres et camions pourris.

    En janvier 2015, les Français nous ont applaudis. C’était la première fois que je vivais ça. Il a fallu l’attentat contre Charlie hebdo pour que cela se produise. Deux ans plus tard, l’Etat nous en demande encore plus, mais sans y mettre les moyens.

    On bosse 20h d’affilée…

    Les gens se plaignent du corps policier, qui ne « fout rien », qui n’est « jamais là quand il faut ». Ils ne vivent pas notre quotidien. Cela m’est arrivé plusieurs fois de commencer à 15 heures et de finir le lendemain à midi et sans interruption, sans dormir ! Pour l’Euro 2016 c’est exactement ce qu’il s’est passé !

    Imaginez en plus qu’après une journée harassante où tous nos sens sont sollicités sans interruption, on rentre dans un cantonnement ou certaines chambres sont insalubres. C’est peut-être dur à croire mais c’est bien ce qu’il se passe.

    … Pour finir par dormir dans des logements insalubres

    Quand on arrive le soir dans nos logements de fonction – et en moyenne les cantonnements sont à une heure de nos secteurs, on se rend compte que l’eau est jaune, que la moquette date de 30 ans et que les fenêtres laissent passer le froid. On refuse de dormir dans ces logements insalubres, mais aucune solution n’est proposée pour reloger les fonctionnaires concernés et donc on finit par dormir dans les camions.

    « Après 20h de travail, je dors dans un cantonnement insalubre : l’eau du robinet est jaune, la moquette a 30 ans et les fenêtres laissent passer le froid »
    Eric, CRS

    Des travaux au ralenti

    Pour accéder à nos requêtes et nous permettre d’avoir une chambre par fonctionnaire les autorités ont lancé des travaux dans certains cantonnements. Du coup, comme beaucoup sont en cours de construction ou en rénovation, on se retrouve tous dans les anciens cantonnements. Mais ceux-ci sont encore moins entretenus car le budget est concentré sur les nouveaux bâtiments. Et quand les travaux commencent, c’est long : par exemple, le cantonnement du Pont d’Orly est en travaux depuis 3 ans.

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    Eric a pris son lavabo en photo / Crédits : Eric

    En plus, ces travaux avancent au ralenti, pour la simple et bonne raison qu’on est obligé de déshabiller Pierre pour habiller Paul. Il suffit que des services aient besoin de fournitures, de matériels ou alors qu’il faille acheter des nouveaux véhicules pour qu’on retarde les travaux. Et au lieu de mettre 6 mois pour refaire le cantonnement on met un an et demi.

    On roule dans des camions sans clim’ et avec des sièges abimés

    Globalement les budgets sont insuffisants, donc on travaille dans de mauvaises conditions. On a des camions avec des sièges dont les barres sont apparentes, la climatisation qui ne marche pas… Tout ça pour qu’un service s’équipe d’un nouvel ordinateur ou que le commandant se paie une nouvelle voiture de fonction.

    C’est un peu simpliste de résumer ça comme ça, mais on n’est vraiment pas loin de la vérité. Le fonctionnaire de police au bas de l’échelle est oublié. Pour que notre hiérarchie comprenne notre réalité, il faudrait qu’elle soit un peu plus souvent sur le terrain.

    Le cirque médiatique de la présidentielle sur la sécurité

    Avec la campagne électorale, on va avoir droit à un énième cirque médiatique. On bassine les Français à longueur de journée sur l’insécurité mais les moyens ne suivent pas, sauf quand les caméras débarquent. Je vous garantis que lorsque les candidats vont venir dans nos casernes et cantonnements, les trous sur le parking seront rebouchés, le manque d’effectifs sera comblé, tous ceux dans les bureaux seront en uniforme et les arbres seront bien taillés. Tout sera parfait pour la télévision.

    J’ai pour habitude de ne pas cracher sur la main qui me nourrit, je fais un travail qui me rend fier et qui me plaît. Mais le manque de reconnaissance et de considération me pèse. Les CRS ont été augmentés l’année dernière, après de longues années de négociations. On a obtenu 7 euros par jour de déplacement.

    Si c’est le prix de la reconnaissance de la nation, ce n’est pas cher payé.

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