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    02/02/2017

    Quand les gendarmes tirent sur les teufeurs au flash ball

    Par BTS sound system , Alice Maruani

    Le weekend dernier, les gendarmes ont harcelé et blessé plusieurs participants d’une free party dans le 77. Les orgas racontent les jets de lacrymos et les tirs de flash ball et grenades de désencerclement.

    Avec notre collectif BTS sound system, on organisait une fête Tekno, dans la nuit du 28 au 29 janvier, sur la commune de Poligny (Seine et marne).

    Nous avions un accord avec la gendarmerie et le propriétaire du terrain. Mais pas de bol, les forces de l’ordre ont débarqué avec flash-ball, grenades et gaz lacrymo, pour confisquer notre sound system. Plusieurs participants, moi compris, ont fini blessés.

    La gendarmerie s’est empressée de communiquer sa version à la presse pour justifier ses actes. Voici la nôtre. Elle s’accompagne d’une vidéo pour prouver l’usage disproportionné de la force et notre bonne foi.

    Notre fête est sécurisée et bien gérée

    Une heure après notre arrivée, les gendarmes ont débarqué à 23h30. L’Office National des Forêts (ONF), propriétaire du terrain, s’est aussi déplacée afin de vérifier les risques de dégradation du site. Mais nous ne sommes pas fous. On a tout fait pour limiter les nuisances et les risques : barré l’accès d’une maison à moitié en ruines qui se trouvait à côté, prévu une place pour le dispositif anti-incendie, mis une réserve d’eau à disposition, etc. Bref, l’événement était manifestement bien géré.

    Les gendarmes nous ont alors assuré qu’ils laisseraient l’événement se dérouler librement. Ce qui nous semblait évident puisqu’à ce moment l’ONF n’avait pas émis d’intention de porter plainte, qu’aucun voisinage direct n’était impacté, qu’aucune effraction ni dégradation n’aurait pu être constatée et que l’effectif prévisible des participants n’excédait pas les 500 personnes. L’événement s’inscrivait donc dans le cadre légal prévu à cet effet.

    Des gendarmes en mitraillettes au milieu des danseurs hébétés

    Les gendarmes sont revenus plusieurs fois lors de la soirée, mitraillette à la main, officiellement afin de contrôler le bon déroulement de l’événement, notant au passage les plaques des participants et en prenant des photos de l’ensemble du matériel.

    Au petit matin, après une énième discussion avec les gendarmes, nous nous sommes engagés à cesser les festivités à 12 heures tapantes.

    « Les gendarmes en sont descendus armés, avec boucliers et gazeuses lacrymogènes en mains au milieu des danseurs hébétés. »

    BTS sound system, teufeurs

    Mais vingt minutes avant l’heure convenue avec les officiers, une dizaine de véhicules de gendarmerie ont débarqué. Les gendarmes en sont descendus armés, avec boucliers et gazeuses lacrymogènes en mains au milieu des danseurs hébétés.

    Les gendarmes se sont alors rués sur les groupes électrogènes et les ont embarqué, sans délivrer de papiers de saisie.

    La douleur était atroce

    Certains d’entre nous ont tenté de les poursuivre pour réclamer des explications et leur rappeler leurs engagements. Mais on s’est fait méchamment gazer à bout portant, sans sommation. La douleur était atroce. (On entend les cris sur la vidéo.)

    Les gendarmes sont ensuite partis à toute vitesse, tout en gazant toutes les personnes sur leur chemin à travers les fenêtres de leurs véhicules.

    Un des participants, gazé alors qu’il tentait de dialoguer, s’est effondré sous l’effet de la douleur et de la bousculade occasionnée, endommageant ainsi une vitre sur l’un des véhicules de gendarmerie.

    Ca dégénère totalement

    Une trentaine de minutes plus tard, les forces de l’ordre sont revenues encore plus nombreuses, pour interpeller le teufeur qui avait malencontreusement brisé la vitre.

    Vingt gendarmes ont alors foncé sur lui. Il a pris peur et a tenté de s’enfuir. Imaginez-vous à sa place : vous auriez sûrement fait pareil. Des participants ont bloqué la route pour protester.

    Les gendarmes ont alors copieusement arrosé la foule de tirs de flash ball, de gaz et de grenades de désencerclement, occasionnant plusieurs blessures. Heureusement, personne n’a perdu d’œil.

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    Un teufeur a été blessé à la jambe par un tir de flash-ball. / Crédits : BTS sound system

    En accord avec notre camarade, nous avons alors demandé au public de laisser les gendarmes procéder à son interpellation afin d’apaiser les tensions et d’empêcher que la situation ne dégénère.

    Une fois la gendarmerie repartie, nous avons nettoyé le site, retrouvant petit à petit notre joie de vivre que nulle répression ne saura jamais nous enlever !

    Aucun problème en cinq ans de teuf

    Cela fait un an et demi que notre sound system organise des free party, sans aucun souci. Jusque là, nos rapports avec les forces de l’ordre étaient cordiaux et notre matériel n’avait jamais été saisi. Même, en cinq ans de participation à ce genre de fête, nous n’avons jamais eu de problème de ce type.

    « Contrairement à l’étiquette qu’on veut nous coller, nous avons à cœur de protéger la sécurité de ceux qui participent à nos événements autogérés. »

    BTS sound system, teufeurs

    Quatre jours plus tard, ceux d’entre nous qui ont été gazés se retrouvent avec le visage qui pèlent, les yeux qui brûlent et un fort sentiment d’injustice.

    Contrairement à l’étiquette qu’on veut nous coller, nous avons à cœur de protéger la sécurité de ceux qui participent à nos événements autogérés. Et s’il n’y avait pas eu de heurts avec les forces de l’ordre, aucun incident n’aurait été à déplorer cette nuit-là.

    Nous serons des milliers à danser

    Notre cas est malheureusement loin d’être isolé. En général, notre communauté a fait le constat que les pratiques répressives se multipliaient ces derniers mois. Le dialogue avec les instances gouvernementales concernées est aussi au point mort.

    « Les gendarmes nous ont dit que l’objectif de leur intervention était de faire en sorte que ce soit notre dernière free party. »

    BTS sound system, teufeurs

    Aux côtés de nombreux collectifs, nous participerons aux manifestations du 18 mars prochain pour défendre la culture des free party. Nous serons des milliers à Paris, Nantes et Marseille à dénoncer une escalade de la répression ces derniers mois.

    Cette nuit-là, les gendarmes nous ont dit que l’objectif de leur intervention était de faire en sorte que ce soit notre dernière free party.

    Mais aucune répression ne nous fera passer l’envie de danser.

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